Le peuple du Soudan du Sud devra encore patienter un peu pour participer aux premières élections de la jeune histoire du pays, censées mettre un terme à une période de transition convenue dans un accord de paix de 2018. Le président Salva Kiir a annoncé, vendredi 13 septembre, une prolongation de deux ans de la période de transition, ainsi que le report au 22 décembre 2026 des élections, initialement prévues en décembre 2024, selon la page Facebook du gouvernement de ce pays, indépendant depuis 2011.
L’accord de paix qui a mis fin en 2018 à cinq ans d’une guerre civile meurtrière (400 000 morts et des millions de déplacés) a établi le principe d’un gouvernement d’union nationale incluant les deux rivaux qui ont mis le pays à feu et à sang, Salva Kiir et Riek Machar, respectivement comme président et premier vice-président.
Formé après de nombreuses tergiversations en février 2020, ce gouvernement avait pour mission de mettre en œuvre l’accord et de mener une transition qui devait aboutir à des élections. Son mandat initial était de trente mois.
Mais le Soudan du Sud, pays de douze millions d’habitants parmi les plus pauvres du monde, reste miné par les luttes de pouvoir, la corruption et les conflits ethniques locaux. Les progrès dans les domaines clés de l’accord (rédaction d’une constitution, création d’une armée unifiée, etc.) restent minces.
« Une déception totale »
Le gouvernement a repoussé à plusieurs reprises la fin de cette période de « transition ». La dernière prolongation a fixé son échéance à février 2025, après les élections de décembre 2024.
« C’est une déception totale »Edmund Yakani, un dirigeant de la société civile à la tête de l’organisation Community Empowerment for Progress (CEPO), a déclaré à l’Agence France-Presse. Les autorités avaient « assez de temps » d’organiser des élections mais ils ne l’ont fait que « retarder la prise de décision » pour arriver à cette situation, a-t-il estimé. Selon lui, « Ces extensions ont été utilisées comme une stratégie pour s’accrocher au pouvoir ».
Depuis des années, les partenaires internationaux exhortent les autorités de Juba à agir pour que le peuple du Soudan du Sud puisse élire ses dirigeants pour la première fois de son histoire. En avril, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé à agir « mesures urgentes » pour permettre la tenue d’élections en décembre.
Les trois pays – la Grande-Bretagne, la Norvège et les États-Unis – qui ont parrainé l’indépendance du pays avaient également exhorté les parties en juin à travailler ensemble et à éviter une « important » retard. « L’histoire jugera sévèrement les dirigeants qui n’ont pas rendu ces élections possibles ou qui ont agi pour les empêcher. »ont-ils déclaré dans un communiqué conjoint.
Un pays maintenu dans la misère
Le président Salva Kiir a promis à plusieurs reprises de respecter le délai, mais n’a fait aucun progrès significatif dans l’organisation du scrutin. Un Conseil des partis politiques et une commission électorale ont été créés, mais aucune mesure concrète n’a été prise depuis, et les opérations d’inscription des électeurs, qui devaient commencer en juin, sont au point mort. Riek Machar, pour sa part, a annoncé en mars qu’il boycotterait tout scrutin jusqu’à ce que les principales dispositions de l’accord de paix soient mises en œuvre.
Les conflits politiques, les violences intercommunautaires et les catastrophes climatiques (sécheresse, inondations) maintiennent le pays dans la pauvreté. Neuf millions de personnes, dont des réfugiés du Soudan voisin, en guerre, ont besoin d’aide humanitaire, selon des chiffres de l’ONU publiés en juin.
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Le Soudan du Sud a également perdu sa principale source de revenus après qu’un oléoduc qui exporte son pétrole a été endommagé par des combats au Soudan. L’incident a fait chuter la monnaie locale. Le secteur pétrolier contribue à 90 % des revenus du pays enclavé et représente la quasi-totalité de ses exportations, selon la Banque mondiale.
La manne pétrolière est également largement détournée à des fins politiques et d’enrichissement dans ce pays classé parmi les plus corrompus au monde par l’ONG Transparency International (177et sur 180).