« Le seul risque que le Sénégal court, aujourd’hui, avec le Président Diomaye… », Yoro Dia
« La perte de temps est le seul risque politique que nous courons, car l’Etat est solide, la République est debout et la démocratie fonctionne grâce à la maturité du Peuple souverain régulateur », affirme Yoro Dia, qui s’exprime à travers cette contribution, après la défaite de son candidat à la présidentielle.
Le Sénégal, d’alternance en alternance et de génération en génération (Par Yoro Dia)
A quelques jours de retrouver ma famille naturelle dans le secteur privé, je voudrais exprimer toute ma fierté d’avoir eu la chance de servir l’Etat du Sénégal qui est notre bien le plus précieux. Bien plus précieux que le pétrole et le gaz, car ils étaient là bien avant et y seront bien après, ayant créé les conditions d’une exploitation optimale de nos hydrocarbures.
L’État du Sénégal, comme le roseau, peut se plier mais ne se brise pas, et permet ainsi au pays de se construire d’alternance en alternance et de génération en génération, alors que de nombreux pays africains vont de transition en transition et s’enferment ainsi, à l’instar du mythe de Sisyphe, dans un commencement éternel.
Face à l’insurrection du parti Pastef, l’État a tenu et administré une grande leçon à ceux qui imaginaient qu’au Sénégal on pouvait prendre le pouvoir par la rue ou par des émeutes. La leçon apprise et retenue, l’amnistie, qui est une magnanimité présidentielle, leur a permis de revenir dans le jeu après avoir renoncé à la poussière du Colisée (gladiateurs) pour le marbre du Sénat (opposition légale). Quand les partisans de l’insurrection, qui avaient commis une erreur stratégique en confondant l’État et le régime dans leur guerre, corrigeaient et se réappropriaient les vertus de l’opposition légale, l’État du Sénégal, qui a organisé une élection présidentielle impeccable en moins de trois semaines , organisera également une passation du pouvoir en moins de 10 jours, ce qui constitue une prouesse mondiale.
La grande leçon qu’il faut tirer vient d’un sens commun de la démocratie que nos frères et sœurs égarés avaient oublié : dans une vieille démocratie comme le Sénégal, nous prenons le pouvoir par les urnes, et non par les armes ou les cocktails Molotov. L’élection de Diomaye Faye confirme l’anachronisme de la stratégie insurrectionnelle, car la démocratie et l’alternance politique qui lui est consubstantielle, sont les remparts politiques contre les coups d’État et les révolutions.
La deuxième leçon à tirer de l’élection présidentielle relève aussi du bon sens républicain. Autant l’ouragan Trump a été soluble dans les institutions américaines, autant la vague Diomaye le sera dans nos institutions, comme la tempête Wade en 2000, car comme les Etats-Unis, le Sénégal a la chance d’avoir des institutions solides, plus fortes que les acteurs. Comme Wade et ses partisans en 2000, le président Faye et les membres du parti Pastef découvriront rapidement une haute administration très compétente et extrêmement loyale, malgré quelques personnalités politiques. Les régimes passent, mais l’État reste. Les fonctionnaires continueront à servir loyalement ceux qui les ont dénigrés, comme ils ont servi leurs prédécesseurs et le feront avec leurs successeurs, alors que les Sénégalais en décident toujours ainsi par les urnes.
L’alternance politique dans une démocratie n’est pas une révolution, ce n’est qu’une simple respiration démocratique, tout au plus une rupture politique qui ne doit pas empêcher la continuité économique. Les régimes peuvent passer, mais la continuité économique qu’est la marche vers l’émergence doit perdurer. C’est pourquoi j’ai souligné dans un article récent que Wade était le dernier des aînés, car il clôturait le long cycle senghorien ouvert en 1945, comme le disait Pathé Diagne. Macky Sall est donc le premier des modernes, car il a consacré l’essentiel de ses deux mandats à la marche vers l’émergence qui est la modernité politique comme l’a fait Senghor avec la Nation, Diouf avec l’Etat et Wade avec l’alternance.
Le seul risque que court le Sénégal, aujourd’hui, avec le Président Faye, est une perte de temps dans notre marche vers l’émergence si, au lieu d’être dans la modernité politique (lutte pour l’émergence), il se laisse prendre en otage par les rentiers de la tension et les hommes politiques. dans des batailles politiques anachroniques. Les tenants des tensions ont déjà sauté sur les sirènes de la réforme institutionnelle. Les événements de l’élection de Diomaye, avec les institutions qui ont montré leur solidité, prouvent que le Sénégal n’a pas de problème institutionnel. Nous devons simplement nous rappeler qu’il n’existe aucune institution parfaite nulle part sur terre. Ils le deviennent avec le temps. Par ailleurs, l’histoire prouve qu’il n’existe pas de lien dialectique entre réforme, modernité des institutions et efficacité économique. Sinon la révolution industrielle aurait eu lieu en France mais pas en Angleterre, avec des institutions « archaïques » et millénaires. Le Japon a également réussi la révolution technique avec des institutions remontant à l’ère Meiji en 1868, sans oublier que les Etats-Unis sont toujours gouvernés par une Constitution datant du 17 septembre 1887.
Le seul risque politique que nous courons est donc une perte de temps avec le retour à la démocratie sisyphéenne (éternel débat sur la réforme institutionnelle et les règles du jeu) que les trois alternances politiques à la Présidence et les innombrables alternances municipales ont rendues obsolètes et anachroniques.
L’émergence, au-delà de son aspect économique, est un combat fondamentalement politique, car elle nécessite de sortir du mur des lamentations, de prendre son destin en main pour changer sa situation économique et sociale. C’est pourquoi, au-delà d’être une forme de modernité politique, c’est la meilleure incarnation du souverainisme. Nous préférons la souveraineté version Dubaï à la version dépassée de Sékou Touré. Macky Sall, avec la marche vers l’émergence, a ouvert un nouveau cycle à la fois politique et économique, et est donc le premier des modernes, et le président Diomaye Faye ne peut que suivre dans ce sillage. S’il le comprend, il accélérera le rythme, s’il ne le comprend pas, on perdra du temps.
La perte de temps est le seul risque politique que nous courons, car l’Etat est solide, la République est debout et la démocratie fonctionne grâce à la maturité du Peuple souverain régulateur. En tout cas, s’il veut accélérer, il a la chance d’avoir à son service une haute administration compétente et loyale, qui fait la fierté du pays en organisant une élection présidentielle et une transition en moins de 10 jours. Si Senghor (maintien de la démocratie à l’ère des dictatures et des partis uniques) et Wade (opposition légale à l’ère des guérillas et des luttes armées) sont les deux poumons de l’exception sénégalaise, la haute administration en est l’épine dorsale. .
Par ailleurs, avant de revenir au secteur privé, je voudrais exprimer ma gratitude au Président Macky Sall de m’avoir fait confiance et de m’avoir permis de servir modestement ce grand pays qu’est notre Sénégal.
Dr Yoro DIA – Politologue