Et si un monde où sonner au téléphone n’était pas synonyme d’un énième argumentaire de vente était possible ? Répondre aux appels sans avoir à refuser une personne faussement joyeuse récitant un scénario publicitaire ou entendant une voix robotique nous vendant on ne sait quel service ? Le Sénat a adopté à l’unanimité ce jeudi 14 novembre en séance publique une proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires (centristes) visant à interdire « pour un professionnel d’approcher un consommateur par téléphone ». Le texte doit maintenant passer à l’Assemblée nationale et être voté dans les mêmes termes par les députés pour entrer en vigueur.
Une mesure fortement soutenue par les associations de consommateurs qui ont appelé, ce jeudi dans un communiqué commun, à mettre « enfin la fin du harcèlement marketing ». Selon une enquête réalisée en octobre par l’UFC Que Choisir, cosignataire, 97 % des Français se disent agacés par le démarchage commercial. Actuellement, « chaque citoyen est présumé consentir à être interrogé, ce qu’on appelle un « opt-out »explique le sénateur Pierre-Jean Verzelen qui a déposé ce projet de loi. Je propose de renverser la situation et de considérer que tout Français refuse d’être démarché. » soit le principe de« s’inscrire ». Le texte laisse la possibilité à un consommateur d’indiquer son consentement pour être approché par une entreprise.
Deux types de prospection déjà interdits
Actuellement, il est possible de s’inscrire en ligne sur la liste d’opposition Bloctel, mise en place en 2016 et créée par le « Loi Hamon » sur la consommation en 2014. Seules exceptions : le démarchage pour la presse, les instituts de sondage, les associations et les entreprises avec lesquelles le consommateur entretient déjà une relation commerciale. « Je suis inscrit sur Bloctel et je suis contacté à tout moment »témoigne Pierre-Jean Verzelen. Ces dernières années, d’autres mesures sont venues encadrer davantage le démarchage, autorisé uniquement du lundi au vendredi, hors jours fériés et pendant certaines heures. Un même professionnel n’a pas non plus le droit de démarcher un consommateur plus de quatre fois par mois.
Depuis 2020, deux types de prospection sont totalement interdits : le démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique et la vente par téléphone, SMS, email ou sur les réseaux pour les comptes personnels de formation. Le non-respect de l’enregistrement de ce règlement est puni d’une amende pouvant aller jusqu’à 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Mais en fait, « Il y a très peu de sanctions. Le cadre actuel ne fonctionne pas. l’État ne se donne pas le pouvoir de respecter la loi »estime Pierre-Jean Verzelen. Alors que la solution est à portée de main, selon le parlementaire. Il prend notamment l’exemple de l’Allemagne.
« En Allemagne, il est interdit d’appeler sans le consentement explicite et préalable du consommateur. Le consentement du consommateur doit être documenté et conservé par la personne effectuant le démarchage pendant cinq ans. La sanction en cas de non-respect de cette règle peut aller jusqu’à 300 000 euros d’amende.résume le Centre européen des consommateurs qui prône également d’obtenir le consentement du consommateur avant toute démarche et mise à sa disposition « un bouton d’annulation comparable au bouton d’annulation des sites internet ». En 2023, l’Agence fédérale des réseaux a infligé des amendes de 1,4 million d’euros pour des appels marketing non sollicités, contre 1,15 million d’euros en 2022. Le nombre de plaintes a de son côté presque été divisé par deux.