Le Sénat tire la sonnette d’alarme sur l’appauvrissement des copropriétés
Il s’agit du dernier texte gouvernemental relatif au logement adopté avant la dissolution : la loi visant à accélérer et simplifier la rénovation des logements dégradés et les grandes opérations d’aménagement, promulguée le 9 avril. Dans la continuité d’un rapport remis en octobre 2023 par les maires de Saint-Denis (PS) et de Mulhouse (LR), l’exécutif s’est attaché à « lutte contre l’habitat insalubre ».
Trois mois et demi plus tard, c’est au tour du Sénat de sortir du bois sur ce sujet sous l’angle de la paupérisation des copropriétés. Au terme de cinq mois d’enquête, les sénatrices du Pas-de-Calais Amel Gacquerre (Union centriste) et de Seine-et-Marne Marianne Margaté (Communiste, républicaine et écologiste-Kanaky) soulignent, ce 23 juillet, « un phénomène que nous commençons seulement à mesurer. »
« Les pouvoirs publics peinent à détecter, prévenir ou contrer les phénomènes de dégradation », soulignent les deux parlementaires.
Les chiffres officiels donnent le vertige
Et pour cause : les copropriétés sont mal connues. En théorie, on en dénombre 578 000 selon le Registre national des copropriétés (RNIC). En réalité, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema – services du Premier ministre) en dénombrent 888 000.
« Il y a donc plus de 300 000 copropriétés qui ne sont pas enregistrées et pourtant les données sur celles qui le sont restent souvent incomplètes voire erronées », Les sénateurs Gacquerre et Margaté poursuivent.
Pire, les chiffres officiels sont effarants : 215 000 copropriétés ont un impayé supérieur à 20 % de leur budget annuel (Banque des territoires) ; 35 % ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) F ou G (Anah), et plus d’un million de propriétaires modestes ou très modestes sont très copropriétaires (Sénat).
Les administrateurs souvent pris au piège des blocages
Le Sénat souligne ainsi les limites des mesures de prévention et de relance, considérant que les élus locaux ne sont pas « souvent informé tardivement » et les outils « pas toujours utilisé ». Et ce alors que la loi sur l’habitat dégradé renforce le permis de louer.
« Le maire pourra faire exécuter d’office des travaux, voire faire démolir les bâtiments non conformes aux règles d’urbanisme (et) demander un diagnostic structurel des bâtiments », rappelle le site spécialisé Vie-publique.fr.
Les syndics sont eux aussi souvent prisonniers de blocages, n’étant que les représentants d’une assemblée générale dysfonctionnelle et pas toujours en mesure de stopper les factures impayées. C’est pourquoi le Sénat recommande de faire du conseil syndical un véritable conseil d’administration de la copropriété. « Cela apporterait de la flexibilité et de la réactivité », salue le président de l’Association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANGC), Gilles Frémont.
Pas un mot sur les économies
Les parlementaires soulignent également « le court-termisme des copropriétaires qui perçoivent l’immeuble comme immuable alors qu’en réalité il est périssable ». « Il y a un réel décalage entre les besoins à long terme de l’immeuble et les stratégies des copropriétaires qui revendront leur appartement au bout de deux ans », soutient Raphael di Meglio, le directeur général de la jeune entreprise de Matera, spécialisée dans l’autogestion de copropriétés.
Le rapport ne dit cependant pas un mot sur les économies, au grand dam de Gilles Frémont, président de l’ANGC : « Ce serait très sain et très utile de mettre de l’argent de côté même si cela augmente la charge financière trimestrielle des copropriétaires. Sauf que, quand il est trop tard, il n’y a plus d’argent et la situation se dégrade. Même si c’est fait avec des fonds publics, c’est avec l’argent du contribuable… »
Et ce alors même que les copropriétaires peuvent désormais contracter un prêt global collectif pour financer les travaux. « Laissons les copropriétés s’endetter pour que le remboursement soit inclus dans leur budget et supporté par les copropriétaires d’aujourd’hui et de demain », exhorte l’entrepreneur en démarrage Raphael di Meglio. « C’est la meilleure façon de débloquer des fonds », veut croire le patron de Matera.
Pénaliser les « retards intentionnels et abusifs » dans le paiement des frais
Si besoin est, les sénatrices Amel Gacquerre et Marianne Margaté défendent la création d’une banque de la rénovation et de la copropriété. Une idée historiquement portée par l’Union des syndicats immobiliers (Unis). « Le coût restant reste un obstacle qui décourage le ménage s’il n’est pas en mesure de le financer », estime sa présidente Danielle Dubrac.
Il offre également un amortissement supplémentaire aux propriétaires qui entreprennent des travaux de construction. « Pour les récompenser, on pourrait imaginer que la valeur de leur bien soit augmentée de 10 à 20 % en fonction du diagnostic de performance énergétique (DPE) obtenu. Cela permettrait également d’anticiper la valeur verte de leur logement », ajoute le patron d’Unis.
Parmi les autres propositions sénatoriales sur la table, celle visant à renforcer le poids des copropriétaires actuels et actifs risque de susciter des débats. Il s’agirait de limiter les droits de vote des copropriétaires présents et actifs. « un retard intentionnel et déraisonnable » des frais de paiement, de restreindre le droit d’appel contre les décisions de l’assemblée générale ou d’accorder une prime aux copropriétaires qui s’occupent de l’entretien et des questions de la vie quotidienne de la copropriété.
Le ministère du Logement ne souhaite pas réagir à ce stade.
Parallèlement, il s’agirait de renforcer l’inclusion des locataires en créant un conseil de résidents ou en autorisant les locataires mandatés à assister aux réunions du conseil syndical et aux assemblées générales. « N’entrons pas dans des questions juridiques, mais sensibilisons en amont en affichant mieux les informations. Sinon, cela risque de créer des malentendus entre les propriétaires et leurs locataires », prévient Danielle Dubrac d’Unis.
Il appartient désormais au futur gouvernement, quel qu’il soit, de s’emparer de ces conclusions. La galerieLe ministère du Logement ne souhaite toutefois pas réagir » à ce stade « .