Le Sénat s’est opposé mardi 26 novembre 2024 au soir à une disposition clé du budget 2025 du gouvernement autorisant ce dernier à augmenter la fiscalité de l’électricité pour la taxer à un niveau supérieur à celui d’avant la crise énergétique.
Un très large vote à main levée, avec des voix aussi bien de droite que de gauche, a permis à la chambre haute de rejeter cette mesure du projet de loi de finances, pour laquelle le gouvernement espérait obtenir plus de trois milliards d’euros. Les sénateurs ont notamment compensé cette mesure par une augmentation de la taxe sur l’essence, pour un gain estimé à 1,2 milliard d’euros.
Il s’agit d’un premier revers majeur pour le gouvernement de Michel Barnier sur ce budget dans la chambre du Sénat, chambre qui le soutient, alors que les menaces de censure visant le Premier ministre se font de plus en plus pressantes.
« Le gouvernement a choisi la solution de facilité pour trouver de nouvelles recettes : taxer à nouveau l’électricité. Cette mesure est socialement injuste »a particulièrement agacé le socialiste Thierry Cozic.
Le rapporteur général des Républicains Jean-François Husson a défendu la même suppression, tout en l’abondant en contrepartie d’une augmentation de la taxe sur le gaz, notamment pour privilégier les énergies bas carbone comme l’électricité.
Selon lui, la facture des ménages chauffés au gaz augmenterait « environ 60 € par an » pour une maison de 100 mètres carrés, tandis que « pour la même maison chauffée à l’électricité »le déficit atteindrait « 200 à 300 € » avec la proposition du gouvernement.
Abandonner la promesse
Le gouvernement, en quête d’économies dans son budget, a émis un avis défavorable à ce rééquilibrage.
« Nous préférons une augmentation de la TICFE (taxe sur l’électricité) avec une poursuite de la réduction de la facture d’électricité ; à une augmentation de la taxe sur l’essence qui alourdirait de facto la facture de nos concitoyens »a lancé le ministre du Budget Laurent Saint-Martin, rappelant que le gouvernement a » engagé » réduire la facture d’électricité de 9% au 1er février pour 80% des Français.
Cette réduction promise est en fait rendue possible par la baisse des prix de gros sur le marché de l’électricité, qui permettra au gouvernement d’augmenter la taxe sur l’électricité sans pour autant augmenter les factures.
L’exécutif avait ainsi introduit dans son projet de budget un mécanisme lui permettant de porter cet impôt à un niveau potentiellement supérieur à celui d’avant la crise.
A l’Assemblée, une coalition d’oppositions de droite a également voté contre la mesure, rejetant même l’intégralité de l’article relatif à la taxation de l’électricité.
Le Rassemblement national a notamment fait de cette mesure l’une de ses lignes rouges en vue de censurer le gouvernement Barnier.
Impôt sur le revenu élevé
Les sénateurs ont également voté, dans le budget 2025, le « contribution différentielle » sur les hauts revenus proposés par le gouvernement, mais a également adopté une série de mesures contre l’avis de l’exécutif pour augmenter plusieurs impôts sur le capital comme le « flat tax » et l’« exit tax ».
L’après-midi a plutôt bien commencé pour le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, qui a vu le Sénat valider quasiment sans modification l’impôt sur les hauts revenus, censé rapporter 2 milliards d’euros par an jusqu’en 2027.
Contrairement aux députés, qui avaient décidé de rendre permanent ce nouvel impôt sur les plus riches, la chambre haute du Parlement a adopté la version initiale de l’exécutif qui limite son champ d’application à trois ans, « jusqu’à l’imposition des revenus pour l’année 2026 » dont le paiement interviendra donc en 2027.
Le ministre a cependant déclaré » ouvrir » a » maintenir » cette collection « tant que le déficit public du pays ne revient pas à 4% »comme il l’avait déjà suggéré il y a deux semaines à l’Assemblée nationale.
En revanche, il considérait qu’il n’y avait pas « pas besoin de modifier » le contenu de ceci « mesure de justice fiscale » qui fixe un taux minimum de 20 % sur les revenus supérieurs à 250 000 € par an pour une personne seule et à 500 000 € pour un couple sans enfants.
Les tentatives de la gauche, minoritaire au sein de la Chambre haute, pour étendre cette » contribution « aux plus hautes fortunes sont à l’inverse restées vaines. « On sait très bien que ces actifs échappent en grande partie à l’impôt »a déploré la socialiste Florence Blatrix-Contat.
Totems écornés
Ce faisant, le ministre a toutefois essuyé une série de revers. D’abord sur l’« exit tax », un mécanisme ciblant les plus-values créé sous Nicolas Sarkozy pour dissuader l’exil fiscal, mais vidé de sa substance par Emmanuel Macron qui a réduit le délai de 15 à 2 ans.
Durée que les sénateurs ont décidé de doubler à 4 ans lorsque les bénéfices proviennent d’une entreprise ayant reçu au moins 100 000 € d’aide publique. « Le moment est venu de corriger un système d’évasion fiscale français, notamment pour les plus grandes entreprises »a expliqué le centriste Bernard Delcros, dont le groupe a fait pencher la balance en se ralliant à gauche pour faire adopter cet amendement par 173 voix contre 167.
Même configuration un peu plus tard sur une autre réforme emblématique du chef de l’Etat : la « flat tax », aussi appelée « déduction forfaitaire unique » (PFU) et qui plafonne la ponction sur les revenus du capital, comme les dividendes ou l’assurance vie, à 30 % depuis 2018. Taux porté à 33 %, par 174 voix de gauche et du centre contre 167 de la droite et des macronistes. Avec un gain attendu de 800 millions d’euros selon le groupe radical RDSE, qui a porté l’amendement.
Troisième totem abîmé : l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), également mis en place il y a sept ans pour remplacer l’ancien impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
Si la gauche n’a une nouvelle fois pas réussi à rétablir l’ISF, un large consensus s’est dégagé sur tous les bancs pour rebaptiser l’IFI. « impôt sur les richesses improductives »avec un champ d’application considérablement élargi : terrains à bâtir, voitures, yachts et avions, mais aussi crypto-monnaies, comptes d’épargne et comptes bancaires.