le « sacerdoce » de Laurent Saint-Martin, ministre du Budget face à la rébellion de sa propre famille politique
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le « sacerdoce » de Laurent Saint-Martin, ministre du Budget face à la rébellion de sa propre famille politique

le « sacerdoce » de Laurent Saint-Martin, ministre du Budget face à la rébellion de sa propre famille politique

Figure de la macronie du premier quinquennat, le nouveau ministre, qui dirigeait entre-temps Business France, a la lourde tâche de mener à bien un projet de loi de finances dans un contexte politique et financier pour le moins compliqué.

Il y a quelques semaines, Laurent Saint-Martin sillonnait les plateformes des médias spécialisés à la tête de Business France, organisme chargé de promouvoir les entreprises françaises à l’étranger. Le 12 août, en plein été et alors qu’Emmanuel Macron cherche un Premier ministre, il est l’invité du podcast BFM Business. « Les investisseurs internationaux ont besoin de stabilité »» clame celui qui est à la tête de cette structure depuis janvier 2023. « La politique d’attractivité doit être poursuivie, la France ne doit pas faire volte-face sur ces sujets »« , insiste-t-il, relayant « l’attente » patrons de la nouvelle équipe gouvernementale. Et voilà que, le 21 septembre, il est nommé ministre chargé du Budget, relevant directement de Michel Barnier plutôt que du ministre de l’Économie. « Quand le Président de la République et le Premier Ministre vous appellent et vous proposent ce poste, vous ne pouvez pas refuser. »il se confie à franceinfo.

A 39 ans, l’ancien rapporteur général du budget, élu sous l’étiquette LREM de 2017 à 2022 dans le Val-de-Marne, signe un retour fracassant aux manettes. Mais dans une position très délicate. « Je suis conscient de la difficulté, mais l’adversité ne m’a jamais paralysé, bien au contraire »il suppose en se disant « prêt à relever le défi ». « Sa mission est très difficile. Pour avoir échangé avec lui, il y a un côté sacerdotalconfie Anne-Laure Cattelot, ancienne députée macroniste qui a siégé à ses côtés à la commission des Finances. Il sait qu’il peut affronter de vieux amis contre lui. »

Le trésorier de la campagne 2022 d’Emmanuel Macron est chargé de finaliser le budget de l’année prochaine, « l’un des plus délicats de la Ve République », a déclaré le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, avant une présentation, jeudi 10 octobre, en Conseil des ministres. Face à un déficit record, qui pourrait dépasser 6% du PIB, Laurent Saint-Martin doit trouver 60 milliards d’euros d’économies, dans un contexte politique extrêmement tendu, où le gouvernement ne dispose que d’une très courte majorité relative. à l’Assemblée.

« C’est la bonne personne au bon endroit pour résoudre cette équation. »veut croire le député Ensemble pour la République (EPR) Charles Rodwell, qui fait l’éloge d’un leader politique « très pondéré, hyper ouvert au dialogue ». Il n’est pas le seul au sein de la macronie à saluer les qualités de Laurent Saint-Martin, engagé en 2016 auprès d’Emmanuel Macron après un rapide passage au PS de 2009 à 2012. « Il a le sens de l’intérêt général, courageux et pragmatique »salue le député EPR Mathieu Lefèvre.

Né à Toulouse et passionné de rugby, Laurent Saint-Martin a été capitaine du XV parlementaire. « C’est un rugbyman et les rugbymen ont toutes les qualités, comme le sens du travail en équipe »sourit Jean-René Cazeneuve, député EPR du Gers qui lui a succédé comme rapporteur général du budget entre 2022 et 2024.

A l’époque, le contexte économique était bien différent : cet adepte d’Emmanuel Macron avait pour mission de traduire dans le budget la politique du quoi qu’il en coûte, afin de relancer l’économie paralysée par la crise du Covid. « Il fallait investir »se souvient Anne-Laure Cattelot, qui constate en souriant que l’homme était aussi « amour » parce qu’il avait « argent » à distribuer.

« Il a été un bon investisseur. Sera-t-il un bon épargnant ? »

Anne-Laure Cattelot, ancienne députée LREM

sur franceinfo

A la fin de son premier mandat, Laurent Saint-Martin était candidat à sa réélection dans sa circonscription, mais comme beaucoup de ses camarades, il a été défait. En l’occurrence, par le jeune chroniqueur médiatique et télé Louis Boyard (LFI). Il avait auparavant échoué lors des régionales 2021 comme tête de liste macronie. En juin, après la dissolution prononcée par le président, Laurent Saint-Martin n’est pas revenu dans la lutte électorale. De quoi faire grincer des dents l’ancienne majorité.

« Il y a un procès pour illégitimité, c’est un peu surprenant d’aller chercher quelqu’un qui a été battu 2022 et qui n’a pas cherché à se représenter cette année, observe un parlementaire du bloc central. Il entre dans une partie de bowling à huit bandes où il n’a pas cette sensibilité de la majorité relative. » Surtout, nous continuons de la même source, « Laurent Saint-Martin est politiquement faible. Il est sous tutelle car le vrai patron de Bercy est Jérôme Fournel (directeur de cabinet du Premier ministre et ancien directeur de cabinet de Bruno Le Maire). C’est lui qui prépare le budget et le complète« .

Or, c’est Laurent Saint-Martin qui incarnera politiquement ce budget 2025. Fidèle partisan de l’économie de marché, pro-business, il s’inscrit parfaitement dans la politique de l’offre promue par Emmanuel Macron et qui a notamment permis de réduire une partie du chômage. Augmenter les impôts ? Le Laurent Saint-Martin du début de la décennie 2020 est farouchement hostile. « Je peux vous assurer que sous notre mandat, il n’y aura pas d’augmentation de la pression fiscale »il assure dans une interview avec Avis datant du 15 avril 2020.

Interrogé sur la réduction du déficit, il a ensuite affirmé que cela « il faudra passer par une croissance plus forte ». « Nous n’allons pas relancer en mettant des freins budgétaires », ajoute-t-il. Même ton un an plus tard, alors qu’il s’apprête à présenter le projet de loi de finances pour 2022. « Nous avons baissé la pression fiscale pour tous les ménages, il ne faut pas revenir en arrière. Il faut laisser reposer la pâte”il a déclaré à Échos. Interrogé sur ses déclarations passées, Laurent Saint-Martin de 2024 assume.

« Il ne vous aura pas échappé que depuis 2020 et 2021 la situation s’est dégradée, cela s’explique à la fois par la nécessaire volonté de l’Etat de protéger les Français face aux crises inflationnistes mais aussi en raison d’un ralentissement économique. »

Laurent Saint-Martin, ministre du Budget

sur franceinfo

« La situation n’est plus la même qu’en 2020, elle est vraiment particulière »nous essayons également de nous justifier désormais au sein du groupe EPR. Laurent Saint-Martin se retrouve encore à devoir défendre 20 milliards de hausses d’impôts, en plus de 40 milliards de baisses de dépenses publiques. Les hausses d’impôts seront partagées entre les Français, dont les 0,3% de ménages les plus aisés qui seront soumis à une contribution exceptionnelle, et les entreprises. Invité de France 2 jeudi 3 octobre, Michel Barnier a assuré que cela représentait 300 entreprises « qui génèrent plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires » Et qui serait imposé temporairement, « un an, peut-être deux. »

« Je connais très peu d’impôts qui restent exceptionnels, je ne vous cacherai pas ma question, j’aurai besoin de garanties »livre, sceptique, député EPR Denis Masséglia. Au sein des 95 élus du groupe du parti présidentiel, une ligne est désormais « très largement partagé » : « pas de hausse d’impôts, c’est notre fil rouge », disent-ils. D’où la position très inconfortable de Laurent Saint-Martin vis-à-vis de sa propre famille politique.

« C’est difficile pour Laurent Saint-Martin avec le groupe. Nous essayons d’incarner une forme de continuité avec le macronisme.»

Un député EPR

sur franceinfo

« Il n’était pas très bon au petit déjeuner pour la vieille majorité » la dernière semaine de septembre, rapporte le même député EPR.

Des personnalités de la macronie n’ont pas hésité à faire connaître publiquement leur opposition. « Je ne voterai pas le budget »a assuré jeudi sur franceinfo Gérald Darmanin, ancien ministre de l’Intérieur (2020-2024) mais aussi de l’Action et des Comptes publics (2017-2020). « Pour l’instant, le budget tel qu’annoncé me semble inacceptable »a ajouté le député du Nord. Interrogé sur ces propos, Michel Barnier a semblé les minimiser sur France 2. « Franchement, j’ai très peu de temps, je ne veux pas faire de polémiques »a balayé le Premier ministre.

Mais les troupes macronistes ne baissent pas les bras. « Je rejette l’ampleur du choc budgétaire, qui fut celui de François Hollande en 2012. Ce choc serait un risque pour la croissance et donc l’emploi, le signal inverse de celui qu’on a envoyé avec Emmanuel Macron en 2017 »fustige Mathieu Lefèvre. Charles Rodwell, ancien stylo de Bruno Le Maire à Bercy et aujourd’hui député des Yvelines, est du même avis.

« La priorité absolue est de réduire les dépenses. Dans l’état actuel des choses, je ne voterai pas pour une augmentation des impôts.»

Charles Rodwell, député EPR

sur franceinfo

Interrogé sur ces positions, Laurent Saint-Martin préfère mettre l’accent sur les réductions de dépenses : « Les députés EPR qui disent que la fiscalité n’est pas la première solution ont raison de le dire. Je partage également la nécessité de s’attaquer en priorité aux dépenses de l’Etat (…). Pour chaque euro de contribution supplémentaire, j’imposerai deux euros de moins dépenses, c’est une vraie rupture et je compte sur la responsabilité des parlementaires pour porter cet objectif avec moi. Le X, dimanche, le ministre a assuré avoir entendu les nouvelles propositions de Gabriel Attal et Gérald Darmanin qui veulent moins de hausses d’impôts et plus «valorisation du travail»et a dit qu’il était ouvert à « compromis à condition qu’ils redressent nos comptes ».

Mais y aura-t-il même un vote sur le budget ? Il y a de fortes raisons d’en douter compte tenu de la composition de l’Assemblée nationale, et même si Elisabeth Borne a utilisé le 49,3 à plusieurs reprises pour faire voter les budgets précédents. « Si nous n’y parvenons pas, nous passerons par le 49.3, un outil de la Constitution »a désamorcé Michel Barnier sur France 2. Il ne reste alors qu’une seule question : à quel moment sera-t-il brandi par l’exécutif ? Laurent Saint-Martin fait une promesse : « Le débat aura lieu. C’est important et nécessaire. Et d’ajouter : « J’espère que c’est aussi calme et serein que possible. »

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