Le rôle de l’immunothérapie confirmé dans un nombre croissant de cancers
C’est l’une des avancées majeures de ces dernières années en cancérologie : l’immunothérapie confirme ses bénéfices face à un nombre croissant de cancers, notamment le « triple négatif », une forme particulièrement grave et résistante du cancer du sein.
Réunis à Barcelone (Espagne) pour l’Esmo, le congrès annuel de la Société européenne d’oncologie médicale, événement majeur dans la lutte contre le cancer, les plus grands spécialistes internationaux mettent à l’honneur cette technique thérapeutique considérée comme « révolutionnaire ».
Renforcer le système immunitaire
L’immunothérapie ne consiste plus à agir sur la cellule cancéreuse elle-même, mais à stimuler le système immunitaire du patient pour qu’il lutte contre les tumeurs. A l’Esmo, médecins et chercheurs spécialisés promeuvent ce traitement qui a déjà montré des résultats prometteurs pour les cancers du poumon et de la peau (mélanome), et qui améliore la survie à long terme de nombreuses autres tumeurs.
C’est le cas par exemple du cancer du sein triple négatif. Particulièrement agressif, il touche environ 9 000 femmes chaque année, souvent jeunes. Il est très difficile à traiter, notamment parce qu’il ne répond pas à l’administration d’œstrogènes ou de progestérone, base d’autres traitements couramment utilisés dans d’autres formes de cancer du sein.
Mais l’immunothérapie associée à la chimiothérapie, administrée avant l’opération, a amélioré la survie à long terme des patients atteints d’un cancer triple négatif, selon une étude présentée dimanche. Leur risque de décès a été réduit de 34% après un suivi médian de 75 mois, selon les résultats, publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine.
« Moins de récidives »
C’est la preuve que « le recours à l’immunothérapie peut augmenter l’efficacité de la chimiothérapie », explique à l’AFP François-Clément Bidard, cancérologue à l’Institut Curie à Paris. Et lorsqu’elle est administrée avant la chirurgie, les chances de voir les cellules tumorales totalement éliminées avant l’opération sont plus grandes.
« On s’attend désormais à moins de récidives, et donc à plus de guérisons, ce qui est le but ultime en cancérologie », commentait Benjamin Besse, oncologue médical à Gustave-Roussy, au sud de Paris. Michèle Borges-Soler, 51 ans, a bénéficié de ce traitement. Elle est aujourd’hui en rémission d’un cancer du sein triple négatif, diagnostiqué en novembre 2022. « Un cancer avancé, à évolution rapide et agressif », lui avait-on alors expliqué.
« Au début, ce n’était pas opérable », explique-t-elle à l’AFP. Mais elle est l’une des premières patientes à être traitée par immunothérapie pour ce type de tumeur. Associé à la chimiothérapie, le traitement lui donne des « résultats encourageants » et rend possible une opération en juin 2023. Depuis janvier, elle ne prend « aucun médicament ». « Je pense qu’il est possible qu’il n’y ait jamais de récidive », estime cette « éternelle optimiste ».
Un « tournant » en cancérologie
Une amélioration similaire de la survie globale avec l’administration d’une immunothérapie avant la chirurgie a été observée dans une étude menée auprès de patients atteints d’un cancer de la vessie invasif sur le plan musculaire.
Samedi, les résultats d’une étude sur le cancer du col de l’utérus localement avancé à haut risque sont à nouveau parvenus à des conclusions similaires : une combinaison d’immunothérapie et de chimiothérapie a montré un taux de survie global à trois ans de 82,6 % chez les patientes concernées, contre 74,8 % pour celles qui n’ont pas reçu d’immunothérapie.
«L’immunothérapie reste prometteuse», déclare la Dre Alessandra Curioni-Fontecedro, professeure d’oncologie à l’Université de Fribourg.
« Sein, canal anal, vessie, poumon, utérus… dans de nombreux cancers, on voit que stimuler le système immunitaire avant la chirurgie améliore substantiellement la survie », a également commenté en marge de l’Esmo Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, groupement de centres français anti-cancer. Un « tournant », selon lui, en cancérologie.
Questions sans réponse
Mais des questions importantes restent sans réponse. Par exemple, il faut comprendre pourquoi l’immunothérapie ne fonctionne pas chez certaines personnes. Et pourquoi les cancers réapparaissent chez des patients qui semblaient initialement répondre au traitement.
Les effets secondaires, plus ou moins graves et qui peuvent être induits par l’immunothérapie, doivent également être pris en compte avant d’administrer ce traitement.