le RN bloque les amendements de gauche pour revenir à la réforme de 2023 – Libération
La gauche l’a présenté comme le premier véritable vote sur la réforme très contestée des retraites. Ils avaient même trouvé une astuce pour remettre leur cheval de bataille sur la table : le glisser dans un amendement lors de l’examen du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, qui a débuté lundi, et juste avant la niche du Rassemblement national, jeudi, où l’extrême droite entend… abroger cette même réforme. Après tout, le PLFSS 2023 était le véhicule choisi à l’époque par l’exécutif pour augmenter de 49,3 le report de l’âge de la retraite à 64 ans. La séance de ce mardi 29 octobre s’est ainsi ouverte par une série d’amendements à l’annexe à l’article 3, présentés par les députés du Nouveau Front Populaire (NFP) : 182 voix pour, 232 contre… dont ceux des troupes de Marine Le Pen.
Le résultat du vote n’est cependant pas une surprise : les amendements avaient déjà été rejetés en commission la semaine dernière. Mais c’est une nouvelle occasion saisie par les élus de gauche pour pointer l’hypocrisie de leurs homologues du Rassemblement national, qui répètent pourtant régulièrement leur opposition à l’impopulaire réforme. « Le RN n’a pas voté l’abrogation de la réforme des retraites. Hier comme aujourd’hui, c’est une arnaque sociale.»s’est insurgé le président des députés socialistes, Boris Vallaud. « Abroger la retraite à 64 ans ? Le RN vient de voter contre. (…) Marine Le Pen vient sauver la Macronie contre la démocratie.» également dénoncé sur X François Ruffin.
Conférence de financement
Dans le détail, les représentants du PFN ont proposé d’ajouter une cotisation supplémentaire destinée à la branche vieillesse de la Sécurité sociale, pour les salaires les plus élevés (une proposée pour les salaires dépassant le double du plafond de la Sécurité sociale, soit environ 4 900 euros net par mois ; une autre pour ceux dépassant le plafond de la Sécurité sociale). ce plafond par quatre, donc plus de 8 700 euros par mois ; « Le gouvernement prétend que l’abrogation de la dernière réforme des retraites ne peut avoir lieu faute de moyens pour la branche vieillesse, cet amendement propose d’y répondre »a dénoncé Yannick Monnet sur les bancs communistes. Dans le même temps, un « conférence de financement » des retraites auraient été mises en place pour que les partenaires sociaux, représentants des salariés et des employeurs, puissent se mettre d’accord sur le financement des retraites. Ou, pour le dire plus simplement, l’objectif était de « créer une recette qui nous permette de passer l’année pour qu’il y ait cette année une conférence de financement nous permettant d’avancer vers l’abrogation »dit Sandrine Rousseau.
Des propositions qui n’étaient pas du goût du gouvernement et de ses alliés – le rapporteur républicain Yannick Neuder et les ministres du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, et du Budget, Laurent Saint-Martin, ont réitéré leurs avis défavorables. « Vous recommandez des cotisations supplémentaires » et donc «moins de pouvoir d’achat»souligné en premier. « Augmenter les cotisations ou les impôts est une impasse totale »a balayé le député Ensemble pour la République (EPR), Eric Woerth. La seule solution aujourd’hui est une solution par le travail.
Les positions du Rassemblement national ont été scrutées de près. Si le camp de Marine Le Pen s’oppose toujours à cette réforme impopulaire, il n’est pas question pour lui de soutenir la gauche. «Cet amendement vise uniquement à augmenter les cotisationsa emporté Thomas Ménage, député du Loiret. Vous mentez délibérément, face à face, aux Français en expliquant que nous pourrions abroger la réforme des retraites avec cet amendement.» Le député fait ici référence au fameux article 40 de la Constitution, qui interdit totalement « aggravation d’une charge publique ». Sauf que toute la stratégie de la gauche n’a pas été de proposer un amendement de suppression – qui serait effectivement obsolète avec l’article 40 – mais de prévoir un autre financement du système de retraite que le report de l’âge légal.
Le sujet de l’abrogation de la réforme des retraites a néanmoins agité l’hémicycle et offert son lot d’invectives et de protestations. Et cela devrait une nouvelle fois animer la suite des débats : d’autres amendements, à l’article 14 cette fois, ont été déposés par la gauche. Et dans l’article 23, qui prévoit de décaler du 1er janvier au 1er juillet l’indexation des retraites sur la base de l’inflation, le gouvernement pourrait bien, comme en commission, subir une défaite. La gauche et le RN se retrouvent sur cette opposition. Le timing était également intéressant pour le NFP : il lui a permis de rappeler son cheval de bataille avant la niche parlementaire du Rassemblement national ce jeudi. Le groupe présentera son propre projet de loi pour abroger la réforme, ce qui crée quelques nœuds dans le cerveau de certains élus du PFN sur la procédure à suivre. A moins que le texte soit supprimé avant même de commencer à être étudié.