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Le RN à Matignon menacerait des centaines de milliers d’emplois dans l’industrie verte

Se dirige-t-on vers une panne industrielle en cas de victoire du Rassemblement national aux législatives anticipées ? Alors que son président Jordan Bardella entend supprimer le système de compensation carbone dont bénéficient les industriels les plus électrivores pour rester compétitifs dans un environnement très concurrentiel, cette mesure menacerait l’existence de 300 usines en France, a indiqué jeudi lors d’un point presse, l’alliance Ensemble pour la République.

«  Ce sont 300 usines décarbonées qui seraient remises en cause si le RN mettait fin à la compensation carbone. Cela équivaut à 115 000 emplois directs et indirects », ont insisté les équipes de campagne.

Les avertissements de la majorité présidentielle ne sont pas isolés. Selon les calculs réalisés par la fondation Jean Jaurès, et basés sur un recensement non exhaustif des sites industriels en transition énergétique, environ 177 300 emplois industriels « verts » pourraient être menacés ou ne jamais voir le jour en cas d’arrivée. au pouvoir du RN. Dans une publication intitulée « Arrivée du RN à Matignon : le risque d’un grand plan social dans la filière verte « , le think tank estime en effet que la politique menée par  » le parti d’extrême droite attaquerait directement l’énergie éolienne et solaire », mais aussi au tournant « vers les voitures électriques ou encore le déploiement de pompes à chaleur « .

Le risque d’une nouvelle vague de désindustrialisation

Au total, les secteurs des véhicules électriques, de la production d’éoliennes, des panneaux solaires et des pompes à chaleur représentent un peu plus de 49 000 emplois industriels en France, estime la fondation. En y ajoutant les opérateurs de maintenance et d’installation, « ce chiffre peut être estimé à environ 85 670 emplois », écrit Neil Makaroff, expert associé à la fondation et auteur de la note. Compte tenu des projets annoncés, on s’attend à un doublement du nombre d’emplois dans ces secteurs industriels d’ici 2035, « soit la création en moyenne de 25 nouveaux postes par jour dans l’industrie verte »il continue.

Or,  » face à des politiques hostiles et à une baisse du soutien public, les investisseurs et les industriels préféreront probablement quitter la France et cibler les pays qui prennent véritablement le virage de la transition écologique », indique l’auteur, qui craint les délocalisations.

 » De Nersac à Merville en passant par Lens, Annonay, Douai ou encore Plabennec, les villes qui doivent leur renaissance économique à la transition écologique pourraient bien subir une nouvelle vague de désindustrialisation », prévient-il.

« La désindustrialisation était bien une décision idéologique » (Anne-Sophie Alsif, économiste)

L’éolien offshore en première ligne

Cette menace sur l’emploi pèse lourdement sur l’industrie éolienne offshore, à l’égard de laquelle le parti d’extrême droite affiche désormais clairement son hostilité, après avoir concentré pendant des années ses critiques sur l’éolien terrestre.

 » Au salon Seanergy (le salon des énergies marines qui se tient à Nantes du 26 au 28 juin, ndlr), c’est sur toutes les lèvres. Tout le monde s’inquiète du résultat des élections législatives et de l’impact que cela pourrait avoir sur la politique d’appel d’offres et donc sur le secteur. », confie à La Tribune une source syndicale chez GE, dont l’usine de turbines située à Montoire et le site de Nantes représentent, à eux deux, quelque 900 emplois.

 » Toutes les annonces faites début mai par Bruno Le Maire et Roland Lescure (les deux ministres se sont engagés à attribuer un appel d’offres gigabit de 10 GW d’ici octobre 2026, ndlr) peuvent être balayées. « Nous sommes impatients de voir la production de demain », poursuit la même source, alors que l’usine de Montoire est déjà fragilisée par l’absence de commandes au-delà de 2026. Le site de production ne serait pas viable sans débouchés directs sur le marché français, estiment plusieurs observateurs.

A Saint-Nazaire, la grande inquiétude

En Pays de la Loire, la filière éolienne en mer représente quelque 2 500 emplois, principalement concentrés dans le bassin de Saint-Nazaire, où l’on trouve également les usines des Chantiers de l’Atlantique, qui fabriquent notamment les sous-stations électriques, pièce cruciale des parcs éoliens. Il existe également un grand projet de développement portuaire « , pour en faire un hub logistique dédié au stockage des éoliennes offshore, souligne Matthias Travel, candidat du Nouveau Front Populaire et député sortant de la 8e circonscription (Saint-Nazaire) de Loire-Atlantique, qui confirme  » la grande inquiétude » des industriels du secteur.

 » L’ensemble de la filière prévoit d’atteindre les objectifs de 18 GW en 2030, puis au moins 45 GW en 2050. La question de la visibilité et de la planification est donc cruciale alors que des investissements très lourds seront nécessaires pour changer d’échelle de production. Or, si le RN l’emporte, cette visibilité ne sera pas au profit des industriels. Les appels d’offres attendus d’ici la fin de l’année ne seront pas lancés « , prévient-il.

L’intervention sur France 3 de Gauthier Bouchet, candidat RN dans la même circonscription, n’a pas dû rassurer les acteurs du secteur.délégué départemental du RN en Loire Atlantique, il a assuré que les industriels « nous avions tort » pour s’engager dans cette voie.

L’industrie des pompes à chaleur, victime collatérale ?

Quant à l’énergie solaire, si le RN n’évoque plus clairement de moratoire comme ce fut le cas lors de la campagne présidentielle de 2022, Jean-Philippe Tanguy, chef du programme économique du parti, a clairement indiqué qu’elle n’était pas une priorité. Son développement serait également conditionné au contenu européen et à la maturité des technologies de stockage de l’électricité. Deux exigences aujourd’hui inatteignables.

L’industrie des pompes à chaleur n’est pas directement attaquée, mais « la remise en cause des diagnostics de performance énergétique (DPE), le recul sur l’interdiction de vente des chaudières fioul ou encore le soutien accru à la consommation de gaz et de fioul via la baisse des taxes souhaitée par le RN risquent d’avoir de plein fouet « Cette industrie est en plein essor, prévient Neil Makaroff. Cette dernière est pourtant bien implantée en France, avec des sites en Alsace ainsi qu’en Bretagne et dans la Somme. Par ailleurs, l’ouverture prévue de nouveaux sites pourrait entraîner la création d’au moins 13 000 emplois industriels supplémentaires d’ici 2027, souligne le groupe de réflexion.

Enfin, le parti d’extrême droite  » promet d’inverser la fin des ventes de voitures thermiques neuves en 2035 », rappelle la note. Or,  » La filière batteries compte déjà près de 2 000 emplois et en attend au moins 6 600 supplémentaires d’ici 2026 dans les Hauts-de-France », est-il souligné. Au total, environ 20 000 emplois supplémentaires pourraient être créés dans la chaîne de valeur de la voiture électrique d’ici 2035, estime la fondation Jean Jaurès, qui ne manque pas de souligner que ces nouvelles usines sont principalement implantées au nord et à l’est. de France. Des territoires qui ont déjà dû faire face à de multiples crises.