« Le risque, c’est que tout s’arrête », s’inquiètent des acteurs et industriels des énergies renouvelables
Les déclarations du RN et de certains LR leur font peur. Ils soulignent que le secteur emploie plus de 150 000 personnes en France.
Certaines promesses électorales donnent des sueurs froides au secteur des énergies renouvelables. Jordan Bardella veut «arrêter les éoliennes», comprendre arrêter d’en installer de nouveaux et ne pas supprimer l’existant comme évoqué initialement, et tout concentrer sur la production d’électricité nucléaire. Xavier Bertrand (LR) souhaite également imposer un moratoire sur l’éolien.
Cependant, le cadre énergétique actuel de la France est très particulier : c’est celui de la nécessaire augmentation de la production électrique. Les hypothèses précises ont été formulées par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE), dans son rapport prévisionnel 2023-2035. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, la France doit continuer à accélérer l’électrification des usages (automobile, chauffage…). Autre objectif crucial : offrir aux industriels une électricité abondante, compétitive et décarbonée, élément de compétitivité et d’attractivité. La consommation électrique en France pourrait donc «atteindre entre 580 et 640 térawattheures (TWh) par an en 2035, contre 460 TWh aujourd’hui, pour atteindre les objectifs fixésnote RTE dans son bilan. Une accélération significative de la production d’électricité renouvelable est nécessaire dans tous les scénarios : entre 270 TWh minimum et, si possible, jusqu’à 320 TWh« .
Aujourd’hui, les hydrocarbures – gaz et pétrole – représentent 60 % de la consommation énergétique française. En 2022, la France a dépensé une somme record de 116 milliards d’euros pour acheter du pétrole et du gaz à des pays qui ne sont pas toujours ses plus proches alliés. L’urgence est de s’éloigner des fossiles polluants, de réduire la dépendance nationale aux importations d’hydrocarbures et donc d’accélérer le développement des autres énergies : nucléaire, solaire, éolien, hydroélectricité, biogaz, géothermie, valorisation de la chaleur résiduelle. Pour de nombreux experts, l’arbitrage ne doit pas se faire entre le développement de l’électricité nucléaire et celui des énergies renouvelables, mais entre les énergies fossiles et l’électricité verte ou nucléaire. Le développement des énergies renouvelablesest une question de souveraineté énergétique», estime Jules Nyssen, président du syndicat des énergies renouvelables.
Aucune nouvelle énergie nucléaire ne sera produite avant 2035-2040
«Les énergies renouvelables n’offrent pas la même temporalité que le nucléaire. explique Valérie Faudon, directrice générale de la Société française de l’énergie nucléaire. Les panneaux solaires, les éoliennes et les méthaniseurs (qui produisent du biogaz à partir de déchets agricoles, alimentaires…) ont l’avantage de pouvoir être installés relativement rapidement. La construction elle-même ne prendra peut-être que quelques mois alors qu’il faut plus d’une décennie pour construire un réacteur : les nouveaux EPR ne seront là qu’en 2035-2040.
Les énergies renouvelables sont donc essentielles. Cependant, parvenir à une croissance significative de leur production nécessite une politique constante. « Les secteurs ont besoin d’un soutien continu des pouvoirs publics sur le long terme. C’est une nécessité pour la réindustrialisation et la décarbonation de notre mix énergétique» soutient Valérie Faudon, directrice générale de la Société française de l’énergie nucléaire. » L’incertitude n’est jamais bonne pour les investissements, elle peut créer une attitude attentiste. Nous ne pouvons pas cesser de soutenir ce secteur, ni l’empêcher de se développer.», ajoute Antoine Huard, co-fondateur et directeur général de Verso Energy, avant d’ajouter « vvoyons ce qui se passera après les élections« D’autres acteurs sont plus inquiets. » On attend 4 milliards de subventions pour relancer la filière des électrolyseurs et atteindre 1 GW de capacité d’électrolyse en 2026. Le décret qui devrait déterminer le soutien n’a pas été rendu public. témoigne Philippe Boucly, président de France Hydrogène.
Usines en France
La France a également fait le pari de (re)développer une industrie souveraine, capable de lui fournir les produits manufacturés dont elle a besoin pour développer les énergies renouvelables. Au Havre (Seine-Maritime), l’usine Siemens Gamesa produit des éoliennes offshore. À Montoir-de-Bretagne (Pays-de-la-Loire), General Electric assemble des nacelles et des générateurs d’éoliennes. Carbone prévoit de construire une giga-usine de panneaux solaires à Fos-sur-mer et Holosolis une autre à Hambach, en Moselle. À Belfort, McPhy vient d’inaugurer son usine de fabrication d’électrolyseurs : ils sont destinés à produire de l’hydrogène à partir d’électricité décarbonée, donc renouvelable.
Tous ces projets ne seront viables que s’ils peuvent se développer sur un terrain favorable : un marché intérieur porteur, soutenu par une politique énergétique claire fixant un cap qui ne varie pas à 180 degrés en cas de changement de majorité. Des milliers d’emplois et la souveraineté énergétique de la France sont en jeu. Le secteur compte 150 000 emplois et prévoit d’en créer 100 000 à 120 000 d’ici 2030. Il génère actuellement 39 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Avec la hausse des prix de l’énergie, les contrats sur différence qui rémunèrent une grande partie des grands producteurs éoliens et solaires, ont rapporté 14 milliards d’euros dans les caisses de l’Etat en 2022-2023. Un moratoire sur le développement des énergies renouvelables aurait les mêmes effets que le précédent sur les énergies solaires en 2010 : une chute brutale des constructeurs français, rapidement remplacés par des concurrents chinois, qui peuvent s’appuyer sur un marché intérieur aussi vaste que solide. .