Nouvelles

« Le risque, c’est que le virus s’adapte et puisse circuler entre humains », estime un épidémiologiste

L’épidémie de grippe aviaire qui touche les élevages américains ne concerne pas que les moutons. Depuis plusieurs semaines, des cas d’infection ont été détectés dans des élevages de vaches laitières, faisant craindre l’émergence d’un virus capable de s’adapter à différents mammifères, dont l’homme.

Article rédigé par

franceinfo – Propos recueillis par Marie-Adélaïde Scigacz

France Télévisions

Publié


Temps de lecture : 5 minutes

Des vaches laitières dans une ferme de Des Moines (Iowa), dans le centre des Etats-Unis, le 19 octobre 2019. (CHINE NOUVELLE/SIPA/AFP)

L’épidémie de grippe aviaire qui frappe les Etats-Unis inquiète les spécialistes. Très répandu dans les élevages de volailles, le virus H5N1 a été détecté vendredi 12 avril dans 24 élevages de vaches laitières à travers le pays. Un « saut » d’une espèce à l’autre qui fait de cette épidémie une curiosité et relance les inquiétudes sur la transmission à l’homme. Au Texas, l’employé d’une ferme laitière a déjà développé une forme bénigne de cette grippe aviaire. Même si aucun cas de transmission entre humains n’a été observé à ce jour, les spécialistes suivent la situation de près.

Pour en savoir plus, franceinfo a interviewé Benjamin Roche, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et coordinateur de l’initiative Prezode, un réseau international de prévention de l’émergence de zoonoses (maladies transmissibles de l’animal à l’homme).

Franceinfo : Pourquoi l’épidémie actuelle aux Etats-Unis est-elle différente de celles que nous avons connues jusqu’à présent ?

Benjamin Roche : Ce que l’on observait jusqu’alors, en France et dans les nombreux pays touchés par des épidémies de grippe aviaire, c’est une circulation importante du virus, qui tendait à se mondialiser, provoquant quelques cas humains, de manière très sporadique, principalement parmi les personnes travaillant dans les exploitations agricoles. . Cette situation reste rare, car on sait que les virus qui circulent chez les oiseaux ont du mal à s’adapter directement à l’homme, leur système immunitaire étant très différent du nôtre.

Ce qui inquiète dans l’épidémie actuelle aux Etats-Unis, c’est que le virus commence à circuler dans les élevages bovins. Si le virus s’est suffisamment adapté pour circuler chez certains mammifères, le chemin pour atteindre l’homme est plus court que si ce virus n’était adapté qu’aux oiseaux. Le principal risque est qu’il s’adapte aux humains jusqu’à pouvoir un jour circuler d’humain à humain.

Le virus a été détecté dans 24 fermes américaines, dans des États très éloignés les uns des autres. Le virus pourrait-il circuler chez d’autres espèces ?

Le fait que les cas soient assez diffus géographiquement peut suggérer qu’un grand nombre d’événements restent indétectés et qu’il existe des circuits de transmission que l’on ne voit pas. Si l’on peut raisonnablement penser que l’épidémie est assez diffuse, n’oublions pas que les États-Unis disposent d’excellents moyens de surveillance et de détection. Malheureusement, seul le temps nous dira si l’épidémie est réellement importante.

Enfin, un virus peut s’avérer hautement pathogène pour une espèce mais pas pour une autre. Celui-ci, on le sait, est hautement pathogène pour certaines espèces d’oiseaux. Il peut être hautement pathogène pour les bovins, mais peut ne pas l’être pour les humains. Ce sont des choses que nous connaissons encore relativement peu. Les situations diffèrent selon la souche, le sous-type, etc. Mais lorsqu’il s’agit de virus grippaux, ce sont les porcs qui nous inquiètent le plus. jeIls possèdent des récepteurs immunitaires et antigéniques qui leur permettent de répliquer assez bien les virus circulant chez les oiseaux, ainsi que ceux circulant chez l’homme. Le porc est le mammifère idéal pour réaliser ce « mix » qui produirait un virus susceptible de se transmettre entre humains.

Voir le virus chez les bovins avant de l’avoir vu chez les porcs est une situation originale. Là encore, il est difficile de savoir si cela est dû au fait que nous disposons aujourd’hui de meilleurs moyens de détection que par le passé, ou s’il s’agit d’un fait nouveau.

Comment le virus est-il passé des oiseaux aux vaches laitières ? Se pourrait-il que la transmission ait eu lieu via des aliments donnés aux vaches et qui, aux Etats-Unis, pourraient contenir de la volaille, comme le suggèrent certains chercheurs américains cités par Le télégraphe ?

À ce stade, ce ne sont que des spéculations. À ma connaissance, il n’y a aucune certitude sur la manière dont le virus est passé d’une espèce à l’autre dans ce cas précis. Et le savoir prendra sûrement du temps.

Existe-t-il des conditions de reproduction favorisant la propagation des virus ?

Chez les oiseaux, on sait que l’élevage intensif est un facteur important du niveau de transmission. Chez les bovins, comme le cas est plutôt rare, on n’a pas le même niveau de connaissance sur le risque de transmission de la grippe aviaire. A ma connaissance, il n’existe pas de protocole spécifique chez les bovins pour la grippe aviaire, hormis le respect desDes pratiques de bon sens bien sûr, comme le nettoyage et la décontamination des surfaces ou encore des tests réguliers.

Vous avez évoqué l’importance d’empêcher le virus de s’adapter à l’homme, mais comment les autorités sanitaires travaillent-elles dans ce domaine ?

Comme nous l’avons vu lors de la pandémie de Covid-19, il est bon de se préparer et de réagir en cas d’épidémie, mais le mieux est de la prévenir, en empêchant les virus d’atteindre l’homme. C’est ce qu’on appelle « prévention primaire ». Dès janvier 2021, Emmanuel Macron annonçait le lancement de l’initiative « Prezode », qui vise justement à développer de telles stratégies de prévention aux niveaux locaux et à les relier entre elles, à l’échelle mondiale. Elle rassemble aujourd’hui 25 gouvernements et 250 institutions membres qui développent ensemble, avec l’OMS notamment, des stratégies de prévention. Cela passe par exemple par disposer d’outils que les politiques publiques peuvent mettre en place, sur la biosécurité des élevages par exemple.

Par ailleurs, on sait que le niveau de circulation des virus augmente lorsque l’on observe une perte de biodiversité. Il faut donc réfléchir aux moyens de protéger la biodiversité pour limiter les risques de son émergence chez l’homme, mais aussi développer des réseaux de surveillance et former les acteurs locaux à travers le monde.

Cammile Bussière

One of the most important things for me as a press writer is the technical news that changes our world day by day, so I write in this area of technology across many sites and I am.
Bouton retour en haut de la page