le remake avec Noémie Merlant est tout aussi sensuel, mais plus cliché
CHANTELOUVE – PRODUCTIONS RECTANGLE
Noémie Merlant dans « Emmanuelle » d’Audrey Diwan
CINÉMA – La liste des films érotiques français ayant bénéficié d’une visibilité internationale sur grand écran est plutôt mince. Et le plus célèbre d’entre eux est sans doute Emmanuelle sorti en 1974. Son remake, 50 ans plus tard par Audrey Diwan et avec Noémie Merlant dans le rôle titre, en salles depuis le mercredi 25 septembre, s’en inspire largement. Mais il bouscule le mythe et lui apporte une dimension introspective et féministe, sans rien perdre de sa sensualité et de son érotisme.
Le film de Just Jaeckin avec Sylvia Kristel a défrayé la chronique dès sa sortie. Le long métrage adapté du roman éponyme d’Emmanuelle Arsan suit l’exploration de la sexualité d’une jeune femme, épouse d’un diplomate, expatriée en Thaïlande. Le film d’Audrey Diwan se déroule à Hong Kong. Emmanuelle travaille dans l’hôtellerie de luxe, elle est « évaluatrice » de qualité. Lors de son séjour dans un palais tenu par Margot (Naomi Watts), elle va tenter de retrouver le chemin du plaisir.
Emmanuelle de Just Jaeckin testait, fantasmait et se surprenait à déchaîner les passions. Audrey Diwan a choisi de renverser radicalement la situation, car son Emmanuelle, bien qu’elle reste hautement désirable, est en quête de son propre plaisir, comme l’explique la réalisatrice dans les notes de réalisation : « J’avais envie de raconter l’histoire d’une femme qui ne jouit pas et sa conquête progressive du plaisir. »
Emmanuelleun film sur le corps féminin
L’approche inverse menée par le réalisateur est hypnotisante et engageante. Emmanuelle n’est plus ici la cible de tous les désirs, la femme-objet hypersexualisée. C’est un sujet actif. L’objet de son propre désir justement, ce plaisir qu’elle ne peut atteindre. Noémie Merlant précise dans les notes de réalisation qu’elle a beaucoup travaillé pour incarner » cette femme qui tente de se connecter à son corps, de renouer avec sa jouissance « .
Emmanuelle la version 2024 est un long métrage sur l’apprentissage complexe du lâcher prise. Pour pouvoir atteindre le plaisir ultime, la jeune femme va devoir débloquer un corps devenu cage fermée. Il ne s’agit plus, comme dans le film de 1974, d’exploration, mais de libération.
Pour Noémie Merlant, il s’agissait de retrouver » un chemin pour briser les cadres et retrouver la sensualité, les émotions, le charnel, la texture, la rugosité, la prise de risque, la fluidité, le respect « . Pour s’engager dans cette voie, et libérer son corps, Emmanuelle devra aussi libérer son esprit solitaire, emprisonné dans les carcans de la perfection.
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Will Sharpe incarne Kei dans « Emmanuelle » d’Audrey Diwan.
Pour guider ses pas, Emmanuelle devra suivre ceux de Zelda (Chacha Huang), escort girl qui travaille au bord de la piscine du palais. Les deux femmes, diamétralement opposées dans leur approche de la sexualité, vont se rapprocher. Mais Emmanuelle va aussi se glisser dans l’ombre de Kei, figure masculine rare dans le film incarné par Will Sharpe. Mystérieux, insaisissable, Audrey Diwan l’imaginait comme « un fantôme », représentation de ce plaisir que la jeune femme ne parvient pas à capter.
Érotisme pur
Si ceci Emmanuelle est féministe, presque politique, et bien plus engagé, il n’en est pas moins profondément érotique. Les cinéphiles pour qui le film de 1974 est culte retrouveront plusieurs clins d’œil à l’original avec par exemple une scène dans les toilettes d’un avion, un face-à-face masturbation entre deux femmes, ou encore des séquences de trios épicés.
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Les scènes de sexe sont cependant moins nombreuses que dans le film de 1974, mais peut-être encore plus captivantes car travaillées différemment. Pour ce faire, le réalisateur a ici largement utilisé des gros plans de la peau et du corps, notamment celui d’Emmanuelle qui est au cœur du sujet. Mais elle s’est également concentrée sur le son et sa nature profondément sensuelle, le concevant comme un « une partition sonore qui nous place vraiment dans son corps « . Et la magie opère, le moindre effleurement devient érotique.
Le spectateur, vite emprisonné dans la même bulle de solitude et de luxe aseptisé que l’héroïne, devient son compagnon silencieux. Il est invité à la suivre (de très près) pour être témoin de cette libération intérieure, et partager avec elle la même quête : celle du plaisir ultime. Du moins s’il accepte lui aussi de lâcher prise.
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