Le régime taliban fait face à l'isolement
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Le régime taliban fait face à l’isolement

Le régime taliban fait face à l’isolement

Zéro point. C’est le nombre de pays qui ont reconnu le régime taliban en Afghanistan, trois ans jour pour jour après leur retour au pouvoir, à la faveur du retrait chaotique des forces américaines.

Une revanche retentissante, le 15 août 2021, commémorée mercredi, mais sans musique car illicite, par des étudiants en théologie (talib, en arabe). Ils avaient été renversés en 2001 par l’armée américaine, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, planifiés à Kaboul par Al-Qaïda. La situation économique et sociale reste catastrophique, même si, depuis leur retour, les talibans ont drastiquement réduit la corruption, passible de la peine de mort, rétabli la sécurité, après quarante-deux ans de guerre civile quasi ininterrompue, et collectent efficacement les impôts, à hauteur de 2,5 milliards de dollars par an.

Mais les discours et les défilés des hommes barbus masquent mal cet isolement diplomatique sans précédent. « Il est très inhabituel qu’un régime ne soit reconnu par personne, surtout après trois ans et quand il ne s’agit pas d’un État failli », souligne Antonio Giustozzi, du think tank britannique Rusi (Royal United Services Institute). C’est d’autant plus surprenant qu’un grand nombre de pays sont par ailleurs peu soucieux des droits de l’homme, ou se contentent d’une reconnaissance qui ne signifie pas une approbation, mais prend en compte un pouvoir de fait. L’ostracisme actuel dont souffre l’Afghanistan est généralement justifié officiellement par le fait que les talibans interdisent aux filles de plus de douze ans d’aller à l’école.

Soutenir les ONG et l’aide humanitaire

Les talibans sont finalement assez à l’aise avec leur isolement : pas de leçons à tirer, pas de concessions à faire, tant que l’aide humanitaire arrive. Une aide distribuée directement aux agences de l’ONU, ou aux ONG pour éviter que le régime ne la détourne, mais qui au moins stabilise la situation, et notamment la monnaie nationale.

Pour soutenir le personnel des ONG, ou les très rares entreprises qui s’aventurent dans le pays, la Chine et l’Union européenne, ainsi que le Pakistan et l’Iran, ont maintenu ou rouvert une ambassade (en janvier 2022 pour Bruxelles), tandis que Londres, Berlin et Rome envisagent de franchir le pas. Il est en effet possible d’entretenir des liens officiels avec un régime que l’on ne reconnaît pas, une subtilité de la diplomatie.

Autre signe que l’ostracisme se relâche très légèrement, les talibans ont participé pour la première fois, en juin à Doha, aux discussions organisées par l’ONU sur l’avenir de l’Afghanistan. Ils avaient réclamé et obtenu que les représentants de la société civile afghane soient exclus de la conférence. Les chancelleries estiment que les talibans représentent finalement « le ‘moins pire’ des diables disponibles, note Antonio Giustozzi. La seule alternative serait le chaos ». De fait, aucun Etat ne cherche à les renverser.

Pragmatisme et humanisme dans un bateau

Si des pays coopèrent avec le régime le plus obscurantiste de la planète, ce n’est pas pour le gain, l’État de droit étant trop faible, tout comme les garanties en matière de propriété. Des appels d’offres ont été lancés pour exploiter le sous-sol prometteur, mais aucun projet n’avance vraiment, même si Kaboul et Pékin ont récemment claironné la relance de la mine de Mes Aynak, le deuxième plus grand gisement de cuivre au monde, paralysé depuis 2008. Moscou fournit un peu de pétrole et de blé à des prix préférentiels.

Il s’agit avant tout d’empêcher les Afghans de mourir de faim et de voir des millions d’entre eux émigrer. L’ONU estime que la moitié de la population, soit 23 millions de personnes, est en situation d’insécurité alimentaire. Les indicateurs de développement humain (malnutrition, mortalité infantile, espérance de vie, alphabétisation) sont parmi les pires au monde. Le système de santé afghan est dans un état désastreux à cause de l’incompétence des talibans et de la réduction de l’aide étrangère. Avec des effets qui pourraient s’avérer structurels. Par exemple, à cause de l’interdiction faite aux femmes d’étudier, lorsque la génération actuelle de sages-femmes partira en retraite, de nombreuses Afghanes risquent de devoir accoucher dans des conditions moyenâgeuses.

L’économie afghane en crise

Le PIB a chuté de 26 % en 2021 et 2022, sur fond de pandémie de Covid, et la croissance est nulle depuis et le restera probablement pendant encore trois ans, selon la Banque mondiale. Pour les Afghans qui ne sont pas au chômage, ou qui travaillent au noir puisque leur profession est interdite, le salaire mensuel moyen ne dépasse pas l’équivalent de 35 euros.

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