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« Le redressement des finances publiques, un enjeu de crédibilité politique pour la France »

FIGAROVOX/CHRONIQUE – Avant le 20 septembre, le pays devra présenter son plan de redressement financier à la Commission européenne. Si l’argent est synonyme d’épanouissement pour une grande partie des Français, ils sont les plus gros épargnants d’Europe, signe d’une défiance envers l’Etat, analyse Catherine van Offelen.

Diplômée de l’Université libre de Bruxelles et du King’s College de Londres, Catherine van Offelen est spécialiste des questions de sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest.


La France doit présenter un plan de redressement financier à la Commission européenne avant le 20 septembre. La tâche est si colossale que le Premier ministre Michel Barnier a demandé une première prolongation. Le déficit public pourrait exploser à 5,6 % du PIB d’ici la fin de l’année et la dette dépasser les 3 000 milliards d’euros. En mai dernier, l’agence de notation américaine Standard & Poor’s avait abaissé la note souveraine de la France de AA à AA-. La santé financière du pays faisait pourtant la fierté de son ministre de l’Economie, qui s’en servait pour attirer les investisseurs étrangers. Mais les chiffres ne pouvaient pas rester éternellement cachés. Un jour – quelle vulgarité – la réalité devient visible ! La poussière accumulée pendant des décennies de gestion démagogique a fini par recouvrir le tapis sous lequel les gouvernements d’habiles magiciens la cachaient.

Ce mal français (la dette) a son corollaire : les impôts. La pression fiscale pousse de nombreux riches vers les paradis fiscaux tropicaux. Plus près de chez nous, la Belgique séduit le propriétaire français – et ce n’est pas pour son climat. Le système fiscal du royaume comporte des largesses qui n’auront pas échappé à de nombreux hommes d’affaires, écrivains et stars du show-biz. Moralement, la France n’aime pas l’argent. Les Français le considèrent avec suspicion, refusent d’avouer leur salaire, ont la réputation d’être radins à l’étranger, se moquent autant de la droite bling-bling que de la gauche caviar et soupçonnent toute forme d’enrichissement personnel. L’argent est davantage associé à l’inégalité et à l’injustice qu’à la réussite.

Chaque sensibilité du spectre politique a son archétype de héros : Charles de Gaulle pour les uns, Sartre pour les autres, Marie Curie ou encore Mbappé selon « l’endroit d’où l’on parle ». Mais le héros français n’est jamais un entrepreneur. La figure du self made man fait du bien outre-Atlantique. Aux USA le patron est un vainqueur, en France, un oppresseur.


L’argent magique, un fantasme qui n’est qu’un écran de fumée : l’aveuglement ne dure qu’un temps. Il arrive un moment où nous nous heurtons au mur de la réalité des chiffres. Nous ne pouvons pas avoir l’appât et l’argent de l’appât.

Catherine Van Offelen

« Derrière chaque grande fortune il y a un grand crime » écrivait Balzac. Les anathèmes contre le métal vil font partie du patrimoine national : « Mon seul adversaire, celui de la France, n’a nullement cessé d’être l’argent.« , a déclaré le général de Gaulle. « Je ne les aime pas riche « , avait avoué François Hollande, un bourgeois gentilhomme et un homme de bien, tandis que François Mitterrand, un sphinx aristocratique, faisait semblant de haïr »le roi de l’argent qui pourrit même la conscience des hommes« Paradoxe bien français : les bourgeois de gauche éprouvent un plaisir canaille à critiquer le monde qui les a faits. On digère mieux le homard quand on a critiqué la mer.

Malgré ces anathèmes contre l’argent, c’est paradoxalement en France que la corrélation statistique entre argent et satisfaction dans la vie est la plus forte. Selon un sondage Ifop-Le point En mai 2023, l’argent est synonyme d’épanouissement pour 68% des sondés. Ici plus que partout ailleurs en Europe, l’argent est appelé à apporter le bonheur. Les Français sont-ils particulièrement matérialistes ? Un comble pour un pays qui ne s’est jamais complètement converti à l’économie de marché.

Cette défiance à l’égard de l’argent est l’effet de causes multiples. La France est la fille aînée de l’Église plutôt que de la banque – et le catholicisme fondateur est la seule branche du christianisme hostile à l’argent. L’aristocratie méprisait le commerce, tandis que la culture paysanne restait plus attachée à la terre qu’à la banque de l’économie. Bref, le noble, le paysan et le prélat se méfient de l’usure. Le Veau d’or est une excuse commode. Mais c’est surtout l’égalitarisme révolutionnaire qui travaille l’inconscient national : la Révolution française est née en partie d’une crise financière au cours de laquelle on contestait que le clergé et la noblesse ne payaient pas d’impôts alors que le Tiers État croulait sous les impôts.

Le citoyen d’hier réclamait l’égalité des classes. Le consommateur d’aujourd’hui défend son pouvoir d’achat. Dans les sondages, ce dernier trône en tête des priorités des Français. Ce n’est pas pour rien qu’il est surveillé comme un faucon par le gouvernement. Gabriel Attal ne s’est-il pas présenté comme « un citoyen de haut rang » ?le ministre du pouvoir d’achat» ? Il lui en coûtera peut-être un bras et une jambe en dette, mais l’État providence n’en finit pas de signer des chèques aux Français. Gilets jaunes, Covid, Ukraine, inflation : le «quel qu’en soit le prix » aura fait bondir les compteurs de plusieurs centaines de milliards d’euros. Mais le fantasme de « l’argent magique » n’est qu’un écran de fumée : l’aveuglement ne dure qu’un temps. Arrive le moment inévitable où l’on se heurte au mur de la réalité des chiffres. On ne peut pas avoir l’appât et l’argent de l’appât.

La tâche du gouvernement est d’autant plus délicate que les normes sociales ont évolué. Dans les années 1960, un tiers des Français allaient à la messe tandis que 20 % votaient pour le Parti communiste. La France était encore une « république démocratique ».société du bonheur différé« , selon l’expression de l’historien Jean-François Sirinelli. Ce rapport au long terme a changé, le paradis n’est plus dans l’espoir d’un au-delà ou d’une société sans classes, mais dans l’ici et maintenant. Au XIXe siècle, être pauvre signifiait ne pas pouvoir porter de chaussures. Aujourd’hui, cela signifie ne pas pouvoir s’acheter un deuxième écran plat.

La France a doublé son revenu par habitant au cours des cinquante dernières années, mais les Français ne s’estiment pas heureux. Cela tient-il à une perception plus aiguë qu’ailleurs du risque de déclassement social, lié à la mondialisation ? L’argent en France, c’est d’abord ce qui semble manquer : dans les caisses de l’État, comme dans les comptes des particuliers à la fin du mois. Un étrange monarque aux mains vides dont l’ombre plane sur un désert. En prédisant «la fin de l’abondance« , Emmanuel Macron a encore attisé l’inquiétude dans les cœurs. Si les Français sont parmi ceux qui épargnent le plus en Europe, c’est sans doute parce que, face aux dérives des institutions étatiques, le magot privé reste le meilleur recours.

« Les Français sont en retard pour tout, mais ils arrivent enfin » écrivait Voltaire. La reprise ne peut trop attendre car il y va de la crédibilité politique de la France : la souveraineté d’une puissance dépend d’abord de la bonne gestion de ses finances publiques. Le prix de l’incurie française en la matière risque, à défaut, d’être insoutenable.

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Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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