L’acier est omniprésent, indispensable à l’industrie, à la construction et à la consommation de masse. Face aux exigences climatiques, sa production doit être décarbonée. Le recyclage apparaît comme une solution idéale, vantée par les politiques publiques et les industriels.
Le 23 janvier 2025, une note d’analyse de France Stratégie interroge l’efficacité du recyclage comme moteur de la décarbonation de l’acier. L’organisme éclaire un paradoxe : alors que l’acier recyclé réduit significativement les émissions de CO₂, il ne pourra, à lui seul, permettre une transition complète. En raison de la dynamique du marché, de la disponibilité limitée des ferrailles et des biais comptables favorisant leur usage, l’Europe risque de détourner l’enjeu réel : réduire la consommation et investir dans des technologies bas-carbone.
Le recyclage de l’acier repose sur la collecte et la refonte des ferrailles dans des fours à arc électrique. Moins énergivore que les hauts-fourneaux, cette technique divise par cinq les émissions de CO₂. Pourtant, sa portée reste limitée. En 2025, le recyclage couvre à peine un tiers des besoins mondiaux, et en 2050, il ne dépassera pas 48 %. Contrairement aux idées reçues, la disponibilité des ferrailles n’augmente pas proportionnellement à la demande. L’acier reste stocké dans les infrastructures, les bâtiments et les véhicules pendant plusieurs décennies avant d’être récupérable. Une économie basée uniquement sur le recyclage impliquerait d’attendre des décennies avant de disposer de quantités suffisantes pour remplacer la production primaire.
Cette rareté engendre un phénomène de concurrence. L’Union européenne, en renforçant les incitations à l’utilisation d’acier recyclé, attire les ferrailles disponibles au détriment des autres marchés. Loin de réduire les émissions globales, cette dynamique crée une « fuite de carbone » : les pays émergents, privés de ferrailles, maintiennent leurs hauts-fourneaux en activité, aggravant la pollution mondiale. La prétendue vertu du recyclage se retourne ainsi contre l’objectif initial de décarbonation.
Les normes actuelles encouragent l’utilisation d’acier recyclé en minimisant artificiellement son empreinte carbone. Les déclarations environnementales de produit (DEP) privilégient les matériaux contenant une part élevée de ferraille sans prendre en compte les effets systémiques. Résultat : les entreprises affichent des bilans carbone favorables simplement en achetant de l’acier recyclé, sans que la sidérurgie mondiale ne réduise ses émissions. Ce biais favorise la compétition pour les ferrailles et détourne l’attention d’une nécessité absolue : décarboner la production primaire.
La tarification du carbone, par l’instauration du Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), devait corriger cette faille. Or, dans sa version actuelle, il repose sur la même méthodologie biaisée. Il ne distingue pas l’origine des émissions, ce qui incite les sidérurgistes à maximiser leur recours à la ferraille pour bénéficier d’un meilleur classement environnemental. Le rapport Draghi, comme France Stratégie, souligne l’urgence de réformer cette comptabilité pour éviter un détournement du système européen de quotas carbone.
Face aux limites du recyclage, deux leviers sont incontournables. D’abord, la réduction de la consommation d’acier. Trop souvent négligée, cette approche permettrait de diminuer drastiquement la demande en acier primaire. L’optimisation des structures, l’utilisation de matériaux alternatifs et la généralisation de la sobriété dans la construction et l’industrie représentent des opportunités majeures. Contrairement aux effets d’aubaine générés par le recyclage, la baisse de la consommation offre un véritable gain net pour la transition écologique.
Ensuite, la décarbonation de la production primaire. L’abandon progressif des hauts-fourneaux au profit de technologies bas-carbone est un passage obligé. La réduction directe du minerai par l’hydrogène, le captage et stockage du CO₂, ainsi que l’amélioration de l’électrification des procédés doivent être encouragés.
L’acier recyclé est un atout, mais ne constitue pas une solution miracle. En occultant ses limites et en favorisant une concurrence biaisée pour les ferrailles, les politiques actuelles risquent de ralentir la transition au lieu de l’accélérer. Seule une approche combinant maîtrise de la consommation, révision des méthodologies carbone et investissements dans des procédés bas-carbone permettra de relever le défi.
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