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Le récit palpitant du cinéaste Simon Moutaïrou sur le marronnage, la conquête de la liberté au temps de l’esclavage


Basé sur des faits historiques, le premier long métrage du cinéaste franco-béninois est une chronique percutante de la résistance à l’esclavage dans la France du XVIIIe siècle.

France Télévisions – Culture Edito

Publié


Temps de lecture : 4 min

Les acteurs sénégalais Anna Diakhere Thiandoum, à gauche, et Ibrahima Mbaye dans une scène du film

Les victimes de la traite négrière ont toujours cherché à briser leurs chaînes, à chaque étape de leur captivité. Pas de chaînes, pas de maîtres par Simon Moutaïrou, en salle le 18 septembre 2024, est un film sur le marronnage. Cette pratique consistait en un esclave s’échappant de la propriété de son maître.

Pour son premier film, dont il est également le scénariste, le réalisateur franco-béninois remonte le temps et propulse les spectateurs dans l’actuelle île Maurice au sein d’une population d’esclaves, originaire du Sénégal, qui a réellement existé. En 1759, sur l’île de France, Mati (Anna Diakhere Thiandoum) et son père Massamba (Ibrahima Mbaye) deviennent des esclaves en fuite. Sur leurs traces, la redoutable Madame la Victoire (Camille Cottin) engagée par leur propriétaire, Eugène Larcenet (Benoît Magimel).

Les esclaves en fuite et ceux qui les poursuivent – ​​la chasseresse et ses fils – se livrent une lutte sans merci. La seule issue acceptable pour les premiers est la liberté. Massamba a toujours espéré mettre un terme à sa condition d’esclave de la bonne manière : en étant libéré. ​​N’est-il pas, par l’intermédiaire indispensable de cette plantation, lui qui manie à la fois le wolof et la « langue du Blanc » que lui a apprise le fils de son maître, un abolitionniste ?

La jeune Mati, elle, défend l’option de la fuite pour retrouver d’autres esclaves qui ont déjà arraché leur liberté. Lorsqu’elle s’échappe de la plantation Larcenet, son père est poussé par son instinct paternel. À 100 à l’heure, Massamba part à sa recherche au cœur d’une nature hostile, mais domptable pour les besoins de la cause. Moutaïrou accélère même parfois l’image pour donner plus de rythme à son récit.

Simon Moutaïrou insuffle une dimension épique et philosophique à une réalité historique. Cela donne de la consistance à une production qui mêle action, thriller et fantastique. Le casting transporte le spectateur comme une photo à couper le souffle. Mais c’est en cours de route que le cinéaste revient sur les stratégies des différents acteurs – exploités et exploiteurs – vivant dans cette société esclavagiste. Retrouver sa liberté, suggère aussi Moutaïrou, c’est retrouver son identité culturelle pour les personnes asservies. La quête va au-delà d’une simple aspiration physique et matérielle.

Encouragée par Mati, Massamba renoue ainsi avec la spiritualité de ses ancêtres sénégalais que l’initié avait comme enterrée en même temps que sa liberté. Sa foi se confronte à celle de la catholique Madame La Victoire qui, elle aussi, invoque son Dieu dont les relais de l’époque assurent inlassablement que les Noirs d’Afrique « n’ont pas d’âme ». De la « bêtes » à qui peuvent s’appliquer les règles cruelles du Code Noir.

Avant d’être réalisateur, Simon Moutaïrou est un conteur. Et il a réussi à nourrir son premier long métrage d’une dimension symbolique qui lui donne l’ampleur des films de la saga Panthère noire. Des œuvres qui ne cachent pas leur raison d’être : rappeler que les Noirs ne peuvent se résumer aux clichés véhiculés par ceux qui les ont dominés pendant des siècles.

Leur histoire comporte aussi et évidemment des épisodes individuels et collectifs grandioses. Le métis franco-béninois le réaffirme par la magie du cinéma. Tout comme l’Afro-Américain Ryan Coogler, dans Panthère noire, il l’a fait au service d’une forme de restauration de l’imaginaire collectif sur le continent africain et sa diaspora.

Dans Pas de chaînes, pas de maîtres, Simon Moutaïrou revient sur le sort des êtres humains qui risquent tout au nom de leur droit à l’autodétermination. Comme il le montre dans son film, le sujet traverse les siècles. La revendication est toujours forte chez les Afro-descendants qui luttent encore contre une multitude de clichés et de préjugés. Les dernières campagnes législatives en France et la montée du racisme qui les a accompagnées, ainsi que les récents propos de Donald Trump sur les immigrés haïtiens qui mangent des chats et des chiens, ne laissent aucun doute sur le sujet.

L'affiche du film

Genre : Drame
Réalisateur: Simon Moutairou
Distribution : Ibrahima Mbaye, Camille Cottin, Anna Diakhere Thiandoum, Benoît Magimel, Félix Lefebvre, Vassili Schneider, Lancelot Courcieras
Pays : France
Durée : 1h37
Sortie : 18 septembre 2024
Distributeur : Studio Canal

Synopsis: 1759. Isle de France (aujourd’hui Maurice). Massamba et Mati, esclaves de la plantation d’Eugène Larcenet, vivent dans la peur et le labeur. Il rêve de voir sa fille libérée, elle de quitter l’enfer vert de la canne à sucre. Une nuit, elle s’enfuit. Madame La Victoire, célèbre chasseuse d’esclaves, est engagée pour la retrouver. Massamba n’a d’autre choix que de s’échapper à son tour. Par cet acte, il devient un « marron », un fugitif qui rompt à jamais avec l’ordre établi.

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Jewel Beaujolie

I am a fashion designer in the past and I currently write in the fields of fashion, cosmetics, body care and women in general. I am interested in family matters and everything related to maternal, child and family health.
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