le réalisateur Philippe Lioret accusé par dix comédiennes d’agressions sexuelles et «d’abus de pouvoir» – Libération
Le silence qui entoure le cinéma français est-il en train de se fissurer petit à petit ? Ce mardi 9 avril, un nouveau directeur est mis en cause, après les affaires Doillon et Jacquot en début d’année. Pas moins d’une dizaine d’actrices ont dénoncé à la cellule d’enquête de Radio France le comportement de Philippe Lioret, mêlant baisers forcés, gestes et demandes inappropriés. C’est notamment le casting de son film Tous nos désirs, inspiré du roman D’autres vies que la mienne par Emmanuel Carrère, qui est pointé du doigt. À l’été 2010, le cinéaste, auréolé du succès je vais bien ne t’inquiète pas Et Accueillir, réalise des castings avec Tout-Paris. « Une cinquantaine d’actrices », il reconnaît de Radio France, dont Judith Godrèche, Emma de Caunes, Mélanie Bernier, Cécile Cassel, Laetitia Casta, Virginie Efira et Marie Gillain, auditionnées pour le rôle de Claire, magistrate en couple avec Stéphane (joué par Vincent Lindon) et Céline , une mère surendettée.
Les témoignages recueillis par Radio France montrent le même procédé, Lioret fixant un rendez-vous pour une séance de travail, parfois le samedi alors que les bureaux de production sont fermés, et choisissant une scène intimiste dans laquelle il répond à l’actrice auditionnée. « Je me dis : « Pourquoi ce choix de scène ? C’est le réalisateur, pas l’acteur avec qui je jouerai. C’est embarrassant, raconte Hélène Seuzaret, une des actrices qui témoignent, avec Elodie Frenck, Emilie Deville, Marie Gillain, Amandine Dewasmes et d’autres qui ont préféré garder l’anonymat. Une fois dehors, alors que nous regagnons nos véhicules respectifs, (Philippe Lioret) tente de m’embrasser sur la bouche. Ce n’est pas du tout ce que je voulais. C’est comme un abus de pouvoir : il se permet, parce que j’attends ce rôle, de voler un baiser.
« Avec le recul, je pense que c’était une agression sexuelle »
Une actrice anonyme qui a vécu la même chose dans les années 90 raconte : « C’est humiliant d’être embrassé violemment comme ça. Comment a-t-il le droit de m’embrasser sans mon consentement ? Où a-t-il le droit de me traiter ainsi, brutalement ? À cette époque, je ne pensais pas qu’il s’agissait d’une agression sexuelle. Mais aujourd’hui, avec le recul, je pense que c’était l’un d’entre eux. C’est également le cas d’une autre actrice, embrassée sur la bouche par surprise après un dîner vécu comme un « piège », en marge des audiences Toutes nos envies : « Il voulait probablement savoir si j’étais ‘flexible’, si j’étais prêt à cela pour décrocher un rôle, dit l’actrice. J’étais utilisé dans ce but de pouvoir me consommer. C’est ainsi que je l’ai vécu. Il n’y avait rien d’artistique là-dedans.
L’actrice Emilie Deville prend la parole « abus de pouvoir ». Elle raconte, lors d’un essai pour ce même film, le choix d’une scène entre une mère et son enfant. « (Philippe Lioret) se comporte comme un enfant de 6 ans, il se met à genoux et m’attrape les hanches. Il pose son visage sur ma bite en disant : « Maman !» Il me demande de lui caresser les cheveux, de consoler le soi-disant enfant que j’ai entre les jambes, lui qui avait alors 53 ans !
Certaines actrices, rapporte Radio France, affirmer que le réalisateur leur aurait demandé de « montrer leurs seins ». L’assistante du directeur de casting témoigne également que le cinéaste » ne s’est pas privé de toucher la base des seins, de se poser sur le cou des actrices. Les actrices étaient tellement mal à l’aise dans les bras de Philippe de se faire peloter ainsi. « Je n’ai jamais eu l’impression d’essayer de profiter de qui que ce soit de toute ma vie » Philippe Lioret s’est défendu lorsqu’il a été interrogé sur ces témoignages. « Qu’il ait pu essayer de séduire est tout à fait possible. Mais il s’arrêtait toujours lorsqu’il se trouvait confronté à un refus. a réagi snous avocat, Solange Doumic.
Sur X, la journaliste et scénariste Hélène Devynck, qui avait accusé Patrick Poivre d’Arvor de violences sexuelles, a réagi. « Je les crois d’autant plus que Lioret s’est comporté de manière totalement inappropriée à mon égard au même moment », écrit l’auteur deImpunité. Lors d’une projection de Tous nos désirs, « inspirés par la mort de (sa) sœur », Hélène Devynck, alors en couple avec Emmanuel Carrère, est « gêné » : «Je n’aime pas le film. (Lioret) me prend dans ses bras et se serre contre moi en me murmurant à l’oreille : « Je sais, ne dis rien. Tu es trop émotif. Il presse tout son corps contre le mien. (…) Il s’est permis (ce comportement) comme un homme qui veut prouver sa supériorité, sur moi certes, mais sûrement aussi sur le mari qui n’a rien dit.