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Liquidation de Railcoop : les raisons d’un échec

Terminus pour Railcoop. Mercredi 27 mars, les dirigeants de la coopérative ont sonné la fin de l’aventure : «  Le tribunal de commerce de Cahors ne devrait avoir d’autre choix que de prononcer, le 15 avril 2024, la liquidation de notre coopérative », ont-ils indiqué dans un mail adressé aux 14.800 adhérents, que Rue89Lyon a obtenu. C’est donc l’échec d’une utopie ferroviaire lancée en 2019 : relancer les petites lignes de train grâce à l’épargne citoyenne.

A l’origine, le projet visait à assurer une liaison ferroviaire entre Bordeaux et Lyon, sans passer par Paris. Des wagons confortables, des espaces pour ranger vélos, poussettes ou skis, mais aussi des partenariats avec des festivals… Le tout pour 38 euros. Six trains devaient circuler chaque jour, desservant Périgueux (Périgord), Limoges (Haute-Vienne), Montluçon (Allier) et Roanne (Loire). Une ambition écologique et sociale forte… qui a peu à peu déraillé.

C’est une décision judiciaire, rendue le 21 mars, qui a porté le coup de grâce. La coopérative était en effet en conflit avec une entreprise qui stockait ses trains, et réclamait 800 000 euros de frais de garage. Le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a toutefois donné tort à l’entreprise citoyenne. «  Cette décision de justice incompréhensible scelle le sort de Railcoop. C’est avec le plus grand regret que nous vous adressons ce message, après des mois passés ensemble à lutter »ont indiqué les dirigeants dans leur email.

Mais pour plusieurs observateurs, le fiasco était malheureusement annoncé : «  Cela faisait un moment qu’on s’en doutait », note Michel Quidort, vice-président de la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut). Et pour cause, selon l’économiste Patricia Perennes : «  C’est très compliqué de se lancer dans le ferroviaire si on n’est pas un acteur historique du secteur. »

Des millions d’euros nécessaires

Premier – et principal – défi : l’argent. «  L’activité ferroviaire est une activité à très forte intensité capitalistiqueanalyse Michel Quidort. Avant de transporter son premier voyageur, il faut mettre beaucoup, beaucoup d’argent sur la table. » Cela comprend l’acquisition de wagons et de locomotives : «  Le matériel roulant neuf coûte très cher, une rame coûte plusieurs millions d’euros, et en plus il faut attendre au moins 3 à 4 ans entre la commande et la réception.précise Patricia Perennes, spécialiste du secteur. Quant au marché de l’occasion, il est quasi inexistant. »

Depuis ses débuts, Railcoop a récolté plus de 8,5 millions d’euros auprès de 14 000 membres et 36 collectivités. Une belle dynamique, mais insuffisante compte tenu des sommes nécessaires. C’est d’ailleurs après l’échec d’une nouvelle campagne de financement à l’été 2023 que Railcoop a été placée en redressement judiciaire. L’entreprise avait jusqu’en avril 2024 pour se remettre sur les rails. Vous connaissez désormais la suite.

Interrogé en octobre dernier par Les échos Sur les difficultés de la coopérative, l’ancien président de Railcoop, Dominique Guerrée, ne tarit pas de commentaires : «  La principale raison est le manque de financement. » La coopérative avait besoin de 50 millions d’euros pour ouvrir la ligne. «  Pendant deux ans, nous avons fait des levées de fonds pour obtenir des prêts et les banques nous ont demandé de partager le risque en levant 50 % des capitaux propres », il a dit. Sauf que ce n’est pas grâce à une souscription citoyenne de 100 euros qu’on récolte près de dizaines de millions d’euros. Et que peu d’investisseurs privés rêvent d’investir dans une coopérative, ce qui n’est pas très rentable.


Les lignes du projet Railcoop.
© Railcoop

D’autant que Railcoop s’était positionné sur une ligne réputée peu rentable. «  Depuis l’époque où le Lyon-Bordeaux était exploité par la SNCFelle perdait de l’argent »se souvient Patricia Perennes. «  Ils se sont lancés sur une ligne longue et lente, avec des revenus minimes et de faibles taux de remplissage. », déplore Michel Quidort. En France, rappellent les deux experts, ces déplacements non rentables sont généralement pris en charge par les Régions ou par l’Etat, et donc financés par nos impôts.

«  Se lancer dans l’industrie ferroviaire est horriblement complexe »

Autre obstacle de taille : l’accès aux rails. Le réseau ferroviaire est géré par SNCF Réseau — tandis que SNCF Les passagers exploitent les trains – qui possèdent et entretiennent l’infrastructure et donnent accès aux voies. «  Tout opérateur qui souhaite mettre un train sur une voie française doit demander SNCF Réseau à trajet unique, c’est-à-dire une autorisation de circuler sur une ligne donnée à un instant donnéexplique Michel Quidort. Cela évite que deux trains se retrouvent simultanément sur la même voie. »

Logique, sauf que Railcoop a beaucoup galéré pour obtenir ces fameux sillons sur la ligne Bordeaux-Lyon. «  Il ne s’agit pas seulement de dire « À ce moment-là, nous passerons à autre chose », illustre Patricia Perennes. Il doit y avoir de l’espace et il doit y avoir du monde aux postes de signalisation ; les lignes ne sont pas ouvertes tout le temps. » Des négociations qui ont fait perdre beaucoup de temps – et d’argent à la coopérative.

Pour nos deux observateurs, les dirigeants de Railcoop, «  plein de bonne volonté, a peut-être fait preuve de trop de naïveté» précise Patricia Perennes, propriétaire des parts de la coopérative. Se lancer dans l’industrie ferroviaire est horriblement complexe ». En fait, les seuls acteurs qui ont réussi à se faire une place sur les rails gaulois sont Trenitalia et Renfe – entreprises historiques. «  avec des dos solides et du matériel à disposition », précise Michel Quidort. Depuis l’ouverture à la concurrence, les quelques start-up qui se sont lancées sur le créneau pataugent.

Le ferroviaire version citoyenne, un rêve inaccessible ? «  Difficile, mais pas impossibleombre Patricia Perennes. Railcoop en a pris la responsabilité, car ils ont été les premiers. » Elle espère que SNCF Le réseau évolue «  afin de mieux répondre à ces nouveaux opérateurs »et que la législation européenne – qui exige notamment l’harmonisation des systèmes de signalisation pour que les trains étrangers puissent circuler facilement ici – soit enfin appliquée. «  L’aventure Railcoop a révélé une envie des gens, une demande très forte pour les trains, il ne faut pas sous-estimer »conclut-elle.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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