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« Le raid sur la région de Koursk est un pari risqué, car le temps presse pour Zelensky »

C’est la première fois qu’un territoire russe est occupé depuis 1944. Les troupes du président ukrainien Volodymyr Zelensky ont lancé le 6 août une opération d’une ampleur inédite dans la région de Koursk, en Russie. Selon Kiev lundi soir, elles se sont emparées de 92 localités et de 1.250 km2, alors que Moscou affirme de son côté régulièrement « repousser » en profondeur les assauts ukrainiens.

« Nous atteignons nos objectifs », a déclaré lundi le président ukrainien, après avoir indiqué la veille que l’offensive de ses troupes visait à « créer une zone tampon » entre la Russie et l’Ukraine. Mais derrière le coup d’État, quelle est la stratégie poursuivie par Volodymyr Zelensky ?

« Effet de surprise »

« Je vois trois éléments, analyse Guillaume Lasconjarias, historien militaire et professeur associé à Sorbonne Université. Le premier est le facteur de surprise : cette manœuvre a surpris les commentateurs, les Ukrainiens eux-mêmes et les Russes. Et de manière générale, elle interpelle grandement les chancelleries occidentales, qui s’interrogent sur son objectif. Cet effet de surprise vise à démontrer la capacité de résurgence et de résistance de l’Ukraine, ce qui est d’autant plus important que nous avons des doutes sur l’état de l’armée ukrainienne… »

Deuxième facteur selon l’historien, également expert associé au Ciens (Centre interdisciplinaire sur les questions stratégiques) : « la volonté d’échanger du terrain contre du temps ». « En attaquant dans une sorte de ventre mou, Zelensky espère éclaircir d’autres fronts, notamment le Donbass, pour reconquérir d’autres espaces territoriaux », explique Guillaume Lasconjarias.

« Le Donbass reste le véritable front stratégique »

Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), spécialiste des questions russes et ancien ambassadeur à Moscou (2009-2013)*, estime même qu’il s’agit d' »un pari de la part de Zelensky, alors que le temps presse pour l’Ukraine, qui est en position de faiblesse à Pokrovsk et dans le Donbass ». Le président ukrainien « veut que les Russes éclaircissent le front de Pokrovsk et que la pression russe diminue dans le Donbass, qui reste pour l’instant le véritable front stratégique, poursuit le directeur de recherche, donc c’est un pari dans le sens où si les Ukrainiens réussissent à sauver Pokrovsk, c’est gagné, s’ils n’y parviennent pas, ça ne sert pas à grand chose ».

Le troisième objectif de cette offensive est à considérer dans la perspective d’éventuelles négociations futures. « Les Ukrainiens peuvent espérer récupérer des territoires qui leur appartiennent légitimement, en échange de ce qui appartient légitimement à la Russie, dans une forme de troc, en somme », explique Guillaume Lasconjarias.

C’est d’autant plus vrai, ajoute Jean de Gliniasty, que « l’Allemagne vient d’annoncer qu’elle réduirait de moitié son aide l’an prochain – ce qui est un très mauvais signal, et il y a des incertitudes liées aux élections américaines – le colistier de Trump étant notamment opposé à toute aide à l’Ukraine ». Bref, l’heure tourne pour Zelensky, qui ne voudra pas entamer ces éventuelles négociations « en position de faiblesse ».

« Cela peut devenir compliqué pour les Ukrainiens »

Le président ukrainien a-t-il réussi son coup de force ? Il est peut-être encore trop tôt pour le dire. « La difficulté est de savoir si les forces ukrainiennes sont suffisamment nombreuses pour tenir ce « saillant », s’interroge Guillaume Lasconjarias. Peuvent-elles rester sans devoir épuiser d’autres secteurs du front ? Et même si l’on parle d’un espace relativement modeste, il faut pouvoir le contrôler, avec des moyens militaires et capacitaires… Cela pourrait devenir compliqué pour les Ukrainiens. »

« Poutine ne baisse pas la garde à Pokrovsk, et il poursuit son avancée dans le Donbass », analyse Jean de Gliniasty, qui estime donc que « pour l’instant, sur ce point, c’est un échec », même si cette offensive de l’Ukraine démontre aussi l’imprévisibilité de cette guerre.

« Un camouflet pour Poutine »

Si à moyen terme l’intérêt de cette incursion reste à démontrer, à court terme, l’offensive ukrainienne apporte néanmoins plusieurs atouts au président ukrainien. « Elle visait aussi à remonter le moral des troupes ukrainiennes qui étaient sur la défensive depuis plus d’un an, à montrer aux Russes que la guerre pouvait aussi avoir lieu chez eux, et au passage à rassurer les donateurs étrangers pour montrer que leur matériel est bien utilisé », ajoute Jean de Gliniasty. « Et là c’est plutôt réussi, sachant que c’est sans doute un camouflet pour Poutine. »

« Cela fait mal à Poutine, c’est un coup sur la tête », confirme Guillaume Lasconjarias, « car la question de la réaction de l’opinion publique russe est particulièrement posée, même si espérer un retournement de l’opinion publique contre le régime de Vladimir Poutine est presque illusoire. »

Tout ce que vous devez savoir sur la guerre en Ukraine

Et maintenant, que peut-il se passer ? Si, ​​« au début », cette opération « était un test », il s’avère que « les Ukrainiens se sont retranchés comme dans du beurre et sont allés très loin », constate Jean de Gliniasty. « L’offensive dans l’oblast de Koursk semble avoir atteint ses limites, estime le directeur de recherche à l’Iris, mais si les Russes commettent des erreurs, la mobilité, le sens tactique et la rapidité des Ukrainiens pourraient transformer ce qui est pour l’instant un inconvénient en une véritable défaite stratégique ». Cela dit, insiste le spécialiste, « le temps ne joue pas en faveur des Ukrainiens ».

*Jean de Gliniasty est également l’auteur de « La France, une diplomatie déboussolée », aux éditions L’Inventaire.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr

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