le raffinement des spectres japonais
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le raffinement des spectres japonais

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Fantômes Yokai

de Philippe Charlier

Hazan, 192 p., 150 ill. environ, 29,95 €

Le japonais compte plus de vingt mots pour désigner la pluie. Avec ce livre, on découvre qu’il y en a au moins autant pour parler de fantômes. Le monde des fantômes japonais recèle en effet des richesses fantastiques. De nombreux artistes tels que Hiroshige, Hokusai, Kunisada et d’autres les ont représentés dans des peintures et des gravures, rassemblées dans cet ouvrage à reliure japonaise, liées comme un paquet de secrets.

« Veillées aux 100 bougies »

L’anthropologue et médecin légiste Philippe Charlier s’est transformé en Charon pour nous guider dans cet autre monde. Auteur de nombreux ouvrages sur les momies, les zombies et les rites funéraires, il décrypte ici ces grands kakémonos où les spectres, le plus souvent féminins, apparaissent à taille humaine, sans jambes, coupés de ce monde, mais prêts à revenir hanter à la première occasion. . Minces, échevelées, ces formes tour à tour acérées ou vaporeuses, victimes d’une mort violente, réclament réparation. Sinon, ils ne connaîtront pas le repos.

Si les fantômes au Japon remontent à des légendes parfois très anciennes, la popularité de ces images morbides semble dater du peintre Okyo Maruyama (1733-1795), souligne Philippe Charlier. Visité, au soir de sa vie, par une femme bien-aimée décédée, l’artiste a capté la trace au pinceau, initiant une véritable floraison de spectres tout au long de la période Edo. Mieux encore, érudits et samouraïs s’adonnaient alors à de véritables séances de spiritualisme, réservées aux seuls hommes. Lors de ces « veillées aux 100 bougies », les conteurs se relayaient face à un tableau fantôme, éteignant les bougies une à une jusqu’à l’obscurité totale, propice à la manifestation des esprits…

Légendes épiques

Le livre fait revivre certaines de ces histoires légendaires, comme celle de l’homme qui faisait l’amour avec un squelette, de la chaste servante jetée par son maître dans un puits, de la femme adultère défigurée à coups d’épée par son mari… Des histoires uniques que l’auteur soutient en empruntant à la littérature, comme le bunraku (théâtre de marionnettes), le kabuki ou le nô, lieu privilégié de l’incarnation des fantômes, au point que cela peut être dangereux pour les acteurs…
Aujourd’hui le Yurei Ou yokai (monstres surnaturels) continuent de refaire surface dans les mangas, les dessins animés de Miyazaki ou les films d’horreur, avec un succès qui s’étend bien au-delà de l’archipel. Il était temps de mieux les connaître.

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