Une société concessionnaire d’éoliennes a été condamnée à verser plus de 730 000 euros aux riverains de Melgven, dans le Finistère. La cour d’appel de Rennes a rendu un arrêt inédit le 12 mars 2024. Ces plaignants ont obtenu la reconnaissance d’un préjudice de « dépréciation immobilière ».
« La cour d’appel de Rennes a constaté que les maisons ont perdu entre 20 % et 40 % de leur valeur depuis qu’il y a ces éoliennes.« . Pour Maître Sébastien Echézar, avocat de 13 propriétaires dont les maisons sont situées entre 500 et 1.300 mètres du parc éolien de Kergleuziou, dans la commune de Melgven, « C’est une excellente décision historique, qui créera un précédent.»
Dans son jugement rendu le 12 mars 2024, le tribunal a suivi l’action collective menée par certains des habitants du lieu-dit Coat-Culoden à Rosporden, quartier limitrophe de Melgven. La Cour d’appel pointe plusieurs préjudices : l’impact visuel, les nuisances acoustiques et sanitaires et enfin une dépréciation foncière.
Leurs maisons sont devenues invendables
Maître Sébastien EchezarAvocat des plaignants
Le combat dure depuis près de dix ans. « Mes clients sont des gens humbles qui ont travaillé toute leur vie, explique l’avocat. C’était leur seul héritage qu’il avait fini de payer. Non seulement leurs maisons ont perdu de la valeur, mais elles sont devenues invendables. »
Au centre de cette affaire judiciaire, trois éoliennes de 118 mètres de haut, d’une puissance chacune de 2 mégawatts et construites sur les hauteurs de Melgven. Une installation commandée en 2015 par la société P&T Technologie puis vendue aujourd’hui à FP Lux Wind, elle-même appartenant à la holding luxembourgeoise FP Lux Investments.
Une entreprise que nous avons contactée et qui n’a pas encore répondu à nos demandes. Dans un communiqué daté de 2020, l’entreprise considère le site éolien de Melgven (comme celui de Callac qu’elle a acquis), comme «ajouts importants à leur portefeuille« Des installations qui en profitent »d’un ancien tarif de rachat « .
Il faut trouver un juste équilibre entre l’environnement des habitants et le développement de l’énergie éolienne.
Catherine EsvantMaire de Melgven
Pour Catherine Esvant, la maire de Melgven, cette décision ne doit pas être prise à la légère. Notamment pour l’avenir du secteur énergétique. « Il faut trouver un juste équilibre entre la préservation de l’environnement ou des habitats et aussi le renforcement des investissements qui contribuent à la transition énergétique.« . L’élu considère que ces projets »doit pouvoir s’établir en Bretagne« .
Le risque d’un arrêt de l’énergie éolienne
Michel LoussouarnMaire de Rosporden
Même son de cloche chez son voisin, Michel Loussouarn, maire de Rosporden où résident les plaignants. Pour l’élu, qui est également avocat de formation, cette décision « grave » de la cour d’appel de Rennes risque »pour mettre un terme à l’énergie éolienne.«
Il affirme que «la baisse de la valeur cessible n’est pas constatée sur le marché local. Il précise cependant qu’il faut « regarder comment ces projets sont réalisés, notamment par rapport à l’environnement sur site » Des éoliennes dont on ne parle pas seulement pour leur impact sur l’environnement. « Cela fait des années que nous alertons le préfet sur les rave parties qui sont organisées au pied de ces éoliennes et rien n’a changé. » il insiste.
La victoire d’un village gaulois contre les financiers de l’éolien
Fabien Bougléauteur de « La face cachée de la transition écologique »
Un cas que Fabien Bouglé, expert en politique énergétique et auteur de L’éolien, la face cachée de la transition écologique suit de près. Il le considère comme emblématique. « C’est la victoire d’un village gaulois qui fait céder les exploitants de parcs éoliens tant il y a une différence entre ces financiers au Luxembourg et les victimes en Bretagne.« .
Cette affaire qui pourrait se propager comme une traînée de poudre. « En France, l’impact de cette décision pourrait être énorme car il y a 9 000 mâts d’éoliennes avec de nombreuses protestations« Pour ce spécialiste, la cour d’appel de Rennes »ouvre la voie à de nombreuses actions civiles. »
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Reste à savoir si la société FP Lux Wind décidera de contester cette décision en pourvoyant en cassation.
Pour Maître Sébastien Echézar, le jugement rendu par la cour d’appel de Rennes « a établi un équilibre entre le préjudice et l’intérêt public représenté par l’énergie éolienne« .
En clair, une décision qui ne remet pas en cause le développement de l’éolien mais seulement sa mise en œuvre sur le terrain en respectant les contraintes liées au logement.