le prix Nobel d’économie Jean Tirole alerte sur les programmes du RN et du NFP
Dans un article du quotidien La Dépêche, Jean Tirole estime que de nombreuses mesures inscrites dans les programmes du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire risquent d’avoir des effets néfastes sur l’économie française.
Les mesures économiques des programmes du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire sont particulièrement scrutées à l’approche des élections législatives. Les deux blocs prévoient en effet d’importantes dépenses, dont le financement est remis en cause par de nombreux experts.
Dernier en date, Jean Tirole a écrit un article dans les colonnes du quotidien La Dépêche. Le prix Nobel d’économie 2014 y décrypte les risques que font peser certaines mesures phares des deux partis politiques sur l’économie française.
« Ce qui pourrait résulter de l’application de ces programmes ne peut qu’inquiéter tout citoyen soucieux de préserver notre système social et notre démocratie libérale », résume-t-il en introduction de son propos.
L’économiste reproche notamment au RN et au NFP de vouloir redonner du pouvoir d’achat aux Français mais sans favoriser la création de richesses. « On ne peut pas redistribuer de l’argent qu’on n’a pas », insiste-t-il.
Une « pathologie française du surendettement »
Entre la baisse de la TVA sur les prix de l’énergie promise par le Rassemblement national ou l’abrogation des réformes des retraites et de l’assurance chômage portée par le PFN, plusieurs mesures des deux blocs vont considérablement alourdir la dette et donc son remboursement, alors que le taux d’intérêt de la France est déjà en hausse. Cette augmentation du poids de la dette sera de l’argent qui ne pourra pas être investi dans l’éducation, la santé ou encore la transition écologique.
Le prix Nobel d’économie s’inquiète également de la perception de programmes aussi coûteux par les voisins européens de la France. « Cette pathologie française du surendettement sera perçue de l’extérieur comme une expérience solitaire et sans conséquence qu’il ne faut pas soutenir à tout prix », craint-il. « La Banque centrale européenne n’interviendra probablement pas pour sauver la France, et d’ailleurs elle n’a pas le droit de le faire dans une telle situation. Quant aux autres Etats membres, ils n’accepteront pas des comportements opportunistes que nous n’accepterions jamais de leur part. »
« Le non-respect des règles européennes proposées par les deux programmes pourrait bien marquer la fin de la construction européenne avec les risques associés et le déclassement économique et géopolitique de la France, trop petite pour agir sur les régulations mondiales. »
Un risque pour l’emploi côté NFP et une vision erronée de l’immigration côté RN
Selon l’économiste, le programme NFP risque de nuire à l’emploi en raison d’une contribution accrue des entreprises qui préféreront s’implanter dans d’autres pays. Même chose pour l’augmentation du salaire minimum à 1.600 euros net, que de nombreuses structures, notamment TPE et PME, ne pourront pas assumer.
« Le PFN veut créer des emplois subventionnés dans les associations et les collectivités, alors que les études montrent que ces emplois ne sont le plus souvent pas de vrais emplois et nuisent à l’avenir de leurs titulaires », ajoute-t-il.
Jean Tirole dénonce également « l’idée fantaisiste » véhiculée par le Rassemblement national « selon laquelle pénaliser les immigrés peut enrichir le pays » : « Toutes les études montrent que le coût de l’immigration pour les finances publiques est proche de zéro (les immigrés contribuent un peu moins, car ils sont plus au chômage, mais perçoivent nettement moins de prestations sociales que les Français car ils sont en moyenne plus jeunes), et qu’in fine l’immigration profite à notre économie (en lui apportant des travailleurs dans des métiers en pénurie notamment) ».
Comme lors des présidentielles de 2017 et 2022, Jean Tirole se garde bien de soutenir directement qui que ce soit. Il a néanmoins eu des discussions avec le chef de l’Etat ces dernières années : il a remis un épais rapport après la crise du Covid pour repenser l’économie sur le long terme, et il a été plus récemment nommé au « conseil scientifique présidentiel », avec onze autres scientifiques de haut niveau.