Eau, pétrole, sécurité régionale : les points de friction sont nombreux entre l’Irak et la Turquie mais le président turc Recep Tayyip Erdogan sera lundi à Bagdad pour en discuter, à l’occasion de sa première visite d’État depuis une décennie.
Le dernier voyage du président Erdogan en Irak remonte à 2011. Alors premier ministre, il avait exhorté les autorités irakiennes à coopérer dans la lutte contre les combattants kurdes turcs du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, un groupe classifié. « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux.
Outre Bagdad, où il rencontrera le Premier ministre Mohamed Chia al-Soudani et le président Abdel Latif Rachid, M. Erdogan est attendu à Erbil, capitale du Kurdistan autonome, dans le nord de l’Irak. Cette visite intervient dans un contexte régional explosif, alimenté par la guerre à Gaza et les tensions entre Israël et l’Iran.
« L’Irak et la Turquie ont une histoire, des points communs, des intérêts et des opportunités, mais aussi des problèmes : l’eau et la sécurité seront en tête de l’agenda »a récemment résumé Mohamed Chia al-Soudani. « Pour la première fois, il y a une volonté dans les deux pays d’avancer vers des solutions »a-t-il déclaré lors d’un discours à l’Atlantic Council, lors d’un voyage aux États-Unis.
« Les principales discussions porteront sur les investissements, le commerce (…) les aspects sécuritaires de la coopération entre les deux pays, ainsi que la gestion des ressources en eau », a déclaré à l’AFP Farhad Alaaldin, conseiller du Premier ministre irakien pour les affaires étrangères. Il espère la signature de plusieurs protocoles d’accord.
Recep Tayyip Erdogan a confirmé à la mi-avril que « la question de l’eau » serait « l’un des points les plus importants » de la visite, avec « demandes » formulée par Bagdad. « Nous ferons un effort pour les résoudre »il a promis.
« Progrès »
Concernant les ressources en eau, Bagdad critique les barrages construits en amont chez la Turquie voisine, ayant réduit drastiquement le débit des fleuves Tigre et Euphrate, qui prennent leur source en Turquie avant de traverser le territoire irakien.
Autre dossier sensible : les exportations de pétrole, autrefois réalisées par le Kurdistan irakien sans l’accord de Bagdad, qui transitaient par le port turc de Ceyhan. Ils sont en panne depuis plus d’un an maintenant, en raison de litiges et de problèmes techniques. Cette interruption représente plus de 14,8 milliards de dollars de perte de revenus pour l’Irak, estime l’APIKUR, une association de compagnies pétrolières internationales présente au Kurdistan.
L’ambassadeur irakien à Ankara, Majed al-Lajmawi, espère « quelques progrès » sur la question de l’eau et « en train de reprendre les exportations de pétrole irakien via la Turquie »selon un communiqué de presse publié sur le site de la diplomatie irakienne.
Il attend également la signature d’un « accord-cadre stratégique » englobant « les domaines de la sécurité, de l’économie, du développement ».
A l’ordre du jour également, le « Route du développement »un ambitieux projet routier et ferroviaire, un corridor de 1 200 km qui devrait à terme relier le Golfe à la Turquie via l’Irak.
Ce partenariat consolidera les liens économiques entre les deux voisins. Au premier trimestre 2024, l’Irak était le cinquième importateur de produits en provenance de Turquie (céréales, produits alimentaires, produits chimiques, métaux, biens d’équipement, etc.).
Coopération en matière de sécurité
Reste enfin l’épineuse question du PKK. Depuis 25 ans, la Turquie installe des bases militaires au Kurdistan irakien pour lutter contre les bases arrière du PKK. Elle mène régulièrement des opérations contre ces combattants sur le territoire irakien.
En mars, le ministre irakien de la Défense, Thabet al-Abassi, a exclu « opérations militaires conjointes » contre le PKK, tout en soulignant que Bagdad et Ankara travailleraient « au lieu et à l’heure souhaités » à la mise en œuvre « un centre conjoint de coordination du renseignement ».
« L’aspect sécuritaire occupera une place importante lors de cette visite », confirme M. Alaaldin. Il évoque la coopération pour « protéger la frontière entre l’Irak et la Turquie, afin qu’aucune attaque ou groupe armé ne s’infiltre dans la frontière des deux côtés »souligne-t-il. « C’est quelque chose qui sera discuté, les détails précis doivent être élaborés et annoncés plus tard ».