31 ans, « Il est trop tôt pour arrêter » Certains diront, tandis que d’autres loueront la longévité d’un joueur lancé chez les pros à 17 ans, gêné par un genou récalcitrant, mais qui aura accompli des miracles en boitant encore plusieurs saisons. Sans mentalité forgée, Raphaël Varane aurait certainement dit stop plus tôt, mais ce choix d’arrêter après une dernière blessure au genou alors qu’il venait de rejoindre Como, reflète une forme de courage, d’acceptation de la réalité, et une certaine présence d’esprit, car avec le champion du monde 2018, tout est très câblé. C’est ce que nous explique Anthony Mette, préparateur mental de l’ex-Madrilène, auteur du livre. « Les 10 secrets de l’état d’esprit des champions » (lien boutique ici) qui sort ce mercredi, et dont la préface est écrite… par Varane.
« Est-ce que j’avais l’impression qu’il était fait d’un métal particulier ? Absolumentil explique. Mentalement, il était monstrueux, et c’est en partie ce qui lui a permis de percer aussi vite. Ses entraîneurs l’avaient repéré très tôt. Ce qui est fascinant chez lui, c’est qu’il est encore très discret socialement, parle doucement, s’expose très rarement dans les médias, est introverti… Il parle assez rarement, mais quand il le fait, c’est réfléchi. Et surtout, ce qui ressort, c’est sa capacité de travail et de remise en question.» Anthony Mette a également identifié cette recherche constante de progression comme une qualité génétique et intrinsèque de tous les champions, comme il l’explique dans son dernier livre.
Champions, êtres « extraordinaire »
Conseiller de footballeurs, de rugbymen, de joueurs de tennis ou encore de sportifs automobiles, ce docteur en psychologie évoque aussi les failles de ces individus quasi irrationnels : Les champions sont des êtres extraordinaires, mais pas vraiment équilibrés psychologiquement.il note. Ils ont des compétences très fortes, mais aussi très faibles, comme les artistes. En fait, ils n’ont pas la stabilité et les bases que possèdent souvent les entrepreneurs et les grands patrons… De facto, ils ont des périodes de « creux » dans leur carrière, et c’est inévitable. Généralement, ce sentiment de mélancolie se remarque assez rapidement puisqu’il survient lors de moments de changement : lors d’un accouchement, d’un conflit personnel comme un divorce, d’une mise à l’écart par l’entraîneur, mais aussi lorsque leur corps ne répond plus comme avant et qu’ils se retrouvent devant le fait accompli.
Car non, les sommes vertigineuses gagnées par les sportifs, en l’occurrence les footballeurs, ne les exemptent pas de moments de déprime. Et parfois même d’une baisse d’estime de soi, comme l’explique Anthony Mette.L’un des paradoxes de ces champions au niveau psychologique, c’est qu’ils ont certes une très forte confiance en eux, mais ce sont des joueurs qui ne s’aiment pas forcément. Certains joueurs très connus que j’ai suivis étaient fous parce qu’ils avaient une très faible estime d’eux-mêmes, de par leur enfance, leur éducation, leur parcours de vie… Mais sur le terrain, ils étaient monstrueux.« Un niveau de performance atteint par cette émulation constante, et qui est justement évoqué par Anthony Mette dans son nouveau projet « Les 10 secrets de l’état d’esprit des champions »Il évoque des séances de méditation, la pratique de l’imagerie mentale, l’auto-hypnose devant le miroir et une foule d’autres exercices appréciés des footballeurs.
Préparation mentale ou optimisation des performances
Mais concrètement, qu’apporte cette préparation mentale, longtemps décriée par les clubs et même les sportifs ?En termes d’efficacité, cela apportera plus de concentration, une meilleure gestion du stress et une motivation beaucoup plus calme et équilibrée.explique Anthony Mette. Ce sont des résultats immédiats. Et à long terme, cela apportera au sportif une stabilité, une meilleure anticipation et préparation des saisons, une meilleure récupération physique et émotionnelle.« Comme un sherpa (représentant personnel) d’un homme politique, ou un conseiller d’un grand patron, la mission du préparateur mental réside dans sa capacité à assurer l’équilibre personnel et psychologique de son athlète.
Ces derniers mois, la nouvelle recrue marseillaise, Lilian Brassier, évoquait l’apport considérable que ce changement lui a apporté : «Le déclic a été la rencontre avec Thomas Sammut, le préparateur mental (de Brest), qui m’a beaucoup aidé. Cela m’a apporté stabilité et confiance. On se pose moins de questions, on va à l’essentiel.il a résumé. Je vais vous dire la vérité, je ne pensais pas en avoir besoin, j’étais même sceptique. Il y a tellement de choses dans le football que tu n’imagines pas, qui peuvent te faire te sentir à l’aise sur le terrain et à l’entraînement. » a-t-il expliqué.
La santé mentale, un sujet qui tend à « détoxiner » dans les clubs
Préparation mentale rime souvent avec santé mentale. Mais dans l’esprit collectif, les connotations sont différentes : « Dans les clubs et chez les sportifs, travailler mentalement a longtemps été considéré comme un signe de « faiblesse »explique Anthony Mette. « Il a fallu changer les termes et parler de « préparation mentale », et non plus de « psychologie ». On essaie d’avoir l’approche la plus conciliante et la plus orientée vers la performance, même s’il y a toujours la question de la santé et du bien-être des sportifs en arrière-plan.« Aujourd’hui, pour prendre l’exemple du football, il est de plus en plus courant de voir des clubs proposer un soutien psychologique en interne.
« En France, il y a un changement, mais il est assez lent.observe Anthony Mette. J’ai 40 ans, j’ai étudié en Allemagne et en 2006, pendant la Coupe du monde, le problème de la santé mentale était déjà là. Avant la Coupe du monde 2010, le gardien allemand Robert Enke s’est suicidé et la fédération a commencé à imposer un psychologue à chaque club. » Si aujourd’hui, de plus en plus de clubs français se dotent de cellules psychologiques, les méthodes employées s’apparentent davantage à de la prévention qu’à un véritable suivi. Sur le plan logistique, il ne serait tout simplement pas possible pour un psychologue d’accompagner 25 à 30 joueurs de manière personnalisée. Mais au moins, les cris du cœur de nombreux sportifs comme Naomi Osaka, Ysaora Thibus, ou encore Neymar, ont eu le mérite de faire bouger les lignes.
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