Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez doit témoigner mardi dans l’enquête sur son épouse Begoña Gómez, au cœur d’un intense bras de fer politique et judiciaire qui fragilise depuis des semaines son gouvernement de coalition.
Convoqué comme témoin, le dirigeant socialiste doit être entendu à 11h00 (09h00 GMT) au Palais de la Moncloa, résidence officielle du Premier ministre, par le juge Juan Carlos Peinado, chargé de cette enquête pour corruption et trafic d’influence.
L’audience, que le magistrat veut filmer, sera la deuxième d’un premier ministre espagnol en exercice, après celle du conservateur Mariano Rajoy, entendu comme témoin lors d’un procès sur le financement illégal du Parti populaire (PP, droite) en 2017.
Mais cela pourrait être extrêmement rapide : Pedro Sánchez, convoqué sur le seul volet de l’affaire de « trafic d’influence », a le droit de ne pas répondre aux questions, puisque la loi espagnole autorise les citoyens à garder le silence quand une enquête concerne leur conjoint.
Le dirigeant socialiste, qui a toujours défendu l’intégrité de sa femme, a déclaré mercredi qu’il était prêt à témoigner, mais seulement par écrit, afin de « préserver » sa position, selon lui. Mais le juge Peinado a refusé cette demande et a maintenu sa convocation, en tant que mari de Begoña Gómez, malgré un appel du parquet.
– Le silence serait « mal vu » –
Begoña Gómez, qui dirige un master en gestion à l’Université Complutense de Madrid, est soupçonnée d’utiliser la position de son mari dans ses relations professionnelles, notamment avec Juan Carlos Barrabés, un homme d’affaires espagnol.
L’enquête contre elle a été ouverte après une plainte déposée par Manos limpias (« Mains propres »), un groupe proche de l’extrême droite, qui a affirmé s’appuyer sur des articles de presse. Une deuxième association, Hazte oír (« Faites-vous entendre »), ainsi que le parti d’extrême droite Vox, se sont depuis joints à l’affaire.
Auditionné à la mi-juillet par le juge Peinado, M. Barrabés, qui enseigne dans le cours de master dirigé par Mme Gómez, a admis l’avoir rencontrée cinq ou six fois à Moncloa, dont deux fois en présence de Pedro Sánchez.
L’entrepreneur, qui aurait reçu des lettres de recommandation de Mme Gómez pour des appels d’offres de plusieurs millions d’euros, a toutefois assuré que ces rencontres se limitaient à des questions sur l’innovation.
Egalement convoquée par Juan Carlos Peinado, un magistrat de 69 ans dont plusieurs enquêtes ont déjà fait polémique, Mme Gómez avait choisi de garder le silence, son avocat Antonio Camacho assurant que cette procédure n’avait « aucune raison d’exister ».
Pedro Sanchez fera-t-il le même choix ? « Politiquement, cela pourrait être mal vu », a déclaré à l’AFP Bernardo del Rosal, professeur de droit pénal à l’université d’Alicante. « Ne pas répondre au juge, ou répondre par écrit, pourrait donner l’impression qu’il est arrogant ».
– « Agonie irréversible » –
Lors de l’ouverture de l’enquête fin avril, le chef du gouvernement espagnol avait créé la surprise en suspendant ses activités pendant cinq jours et en affirmant qu’il envisageait de démissionner – une menace qu’il n’a finalement pas mise à exécution.
Depuis, il dénonce une « stratégie de harcèlement » émanant de « médias fortement à droite » et soutenue, selon lui, par des partis d’opposition, à commencer par Vox.
Ce parti, qui a obtenu le statut d' »accusation spéciale » dans cette affaire, ce qui lui permet d’avoir accès aux actes d’enquête, a en effet été le premier à demander la convocation de M. Sánchez. Il sera présent mardi, par l’intermédiaire de son avocat, à l’audience du dirigeant socialiste.
L’occasion d’accroître une nouvelle fois les critiques à l’encontre du Premier ministre, fragilisé par cette affaire mais aussi par l’absence de majorité stable au Parlement, l’exécutif dépendant du soutien de divers partis régionaux, notamment indépendantistes, qui s’opposent souvent à lui.
L' »agonie » de l’exécutif est « irréversible », a affirmé lundi le numéro deux du PP, Cuca Gamarra, déplorant dans un communiqué que le gouvernement ait « plus de dossiers de corruption en attente devant les tribunaux que de lois votées au Congrès ».
Dans ce contexte, Pedro Sánchez « n’a qu’une seule issue : partir et convoquer des élections », a-t-elle insisté.
publié le 30 juillet à 08h04, AFP