« Le premier été » : un roman de nostalgie
Vous souvenez-vous de cet été-là ? C’est la question qui viendrait à l’esprit de tous ceux qui ont connu la douceur et la nonchalance des années 1980 en lisant ce livre roman. Ou peut-être s’agit-il simplement de la nostalgie d’adultes sur le point d’être rattrapés par la marche précipitée et irrémédiable du monde ? Et pour cause. « Le premier été » nous propulse dans une époque que les moins de vingt ans ne peuvent même pas imaginer ! Une époque sans téléphone, sans connexion, sans doses instantanées de dopamine et avec seulement le réseau social que l’on crée en prenant un bain de soleil ou en regardant un match de foot.
Dans son premier roman, Noor Ikken Il décrit des retrouvailles familiales, des premiers amours et des premières transgressions, des non-dits et des secrets de polichinelle, des douleurs qui se mêlent à de petites joies. Le tout dans un style léger et un ton amusant qui donne du plaisir à lire. Le récit, somme toute banal, explore toute la richesse et les contradictions d’une époque.
Des années bénies ?
Il serait injuste de décrire les années 1980 comme une période idyllique, voire quelque peu rétrograde. vacances d’étéEn particulier, les réunions de famille peuvent être d’un ennui mortel et les réunions de famille de véritables punitions, alourdies par de vieilles rancunes et des guerres de clans. Mais ce n’est pas le cas de la famille que nous décrit Noor Ikken. Ici, nous sommes au bord de la mer, dans une maison spacieuse et confortable, entourée d’un jardin fleuri et ombragé. La famille est aisée, nombreuse et surtout soudée.
Et si les journées peuvent se ressembler, le roman est sauvé de la redondance par une riche galerie de personnages attachants et parfois loufoques. Il y a évidemment les adolescents qui se découvrent et s’éveillent aux premiers frémissements de l’amour, le cœur battant au rythme des vagues et des nuits étoilées. Mais il y a aussi les adultes traînant parfois des destins tragiques qui semblent pourtant moins douloureux au soleil.
La joie de Tanya, Nora, Kikos et Dino contraste avec la tristesse de Rama, Soane et Shayna. « Le premier été » nous fait voyager à travers les expériences des uns et des autres, juste assez pour satisfaire notre voyeurisme, sans nous encombrer de détails ni nous engager dans des relations restrictives avec les différents personnages : des amours d’été en somme…
Les coutumes d’antan
Si l’humour est pleinement présent et intentionnel dans ce livre, les enjeux sociétaux qui y sont dépeints le sont tout autant. À travers les courts récits de vie de chacun des personnages, on découvre les drames à peine voilés de chacun, mais aussi leurs hontes ivres ou non, selon les conventions. Viol pour Rama, violence et sorcellerie pour Soane, cohabitation assumée pour Shayna : il y avait de quoi alimenter les soirées ragots, à l’ère d’avant internet. Sans porter de jugement, Noor Ikken met en avant la résilience de ces différents adultes qui pansent leurs blessures, à quelques mètres de ces jeunes, à qui la vie promet amour et bonheur, sans rien avouer de la douleur et des épreuves. « Le premier été » dresse un tableau riche en contradictions sociales, qui ne semblait pas évident comme c’est le cas aujourd’hui. Pourtant, la comparaison avec le Maroc d’aujourd’hui se fait à notre insu et le constat est clair : modernité et conservatisme se donnent toujours la main, sans se soucier de leur dualité ou de leur contradiction. Rien ne change sous le soleil…
lematin