Observez la courbure de la Terre, « ce spectacle que seuls les astronautes ont vu jusqu’à présent », depuis l’obscurité de l’espace. Volez doucement à 25 km du sol (contre 10 km en avion), simplement ballotté par les courants. Sans se prendre un « G » en plein visage, sans se gonfler les tympans au démarrage ni se baigner dans une odeur de carburant, tout en respectant votre conscience écologique. C’est la promesse contenue dans les voyages en ballon stratosphérique proposés par la société Zephalto, créée il y a huit ans par des passionnés d’aérospatiale et désormais basée dans la banlieue toulousaine. Encore un rêve inspiré des héros de Jules Verne ? Contrairement à d’autres, il vient de s’ancrer dans la réalité.
Le 12 octobre, à 12h35 précises, un ballon Zephalto bleu ciel propulsé au gaz décolle de l’aérodrome d’Albi (Tarn), surprenant certains riverains. Il s’agissait du cinquième vol d’essai, mais du tout premier emportant une capsule pressurisée, essentielle au concept qui veut que les aventures stratosphériques, dans une cabine douillette, ne soient pas plus contraignantes pour les passagers qu’un simple voyage en avion.
De la douceur à tous les niveaux
« Nous avons volé jusqu’à six kilomètres d’altitude, conformément au plan de vol », confie Vincent Farret d’Astiès, le fondateur de Zephalto. L’insertion dans l’espace aérien en liaison avec les autorités s’est bien déroulée, tout comme les changements d’altitude et de direction, le tout avec la « douceur » attendue, y compris au moment de l’atterrissage. Même les instruments scientifiques à bord – l’un pour mesurer le niveau de CO2 et de méthane en altitude, l’autre pour tester la résistance d’un matériau – ont bien fonctionné. Plusieurs cases étaient donc cochées d’un coup pour ce projet soutenu par le Cnes et la région Occitanie.
Suffisant en tout cas pour Vincent Farret d’Astiès, dont l’arrière-arrière-arrière-grand-père transportait du courrier au front en montgolfière lors de la guerre de 1870 contre les Prussiens, pour envisager une certification de sa capsule touristique et un premier vol commercial en » dans le courant de 2025 ».
Inflation des billets
Alors, qui seront les premiers touristes stratosphériques ? Le contrôleur aérien professionnel révèle qu’environ « 400 » ont réservé une place à bord. « Il y a tous les profils, principalement d’Europe et d’Amérique », explique le fondateur qui garde le secret sur le chantier, forcément « spectaculaire », du premier vol. Avoir l’immense privilège de vivre « leeffet de vue d’ensemble » à travers d’immenses vitres, avec l’équivalent CO2 d’un trajet en voiture entre Paris et Lille, il faut, sans surprise, être riche. Fixé à 120 000 euros par personne il y a deux ans, le billet pour la stratosphère coûte désormais 170 000 euros, « afin de couvrir dans un premier temps les frais de développement des petites séries ».
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« Mais la technologie est simple et les coûts pourraient rapidement baisser », anticipe Vincent Farret d’Astiès, qui ne mise pas uniquement sur les voyages spatiaux. Zephalto veut « embarquer la science » – et donc des instruments – dans chacun de ses vols touristiques, et prévoit également d’ouvrir son unité de fabrication de ballons stratosphériques réutilisables en 2026 à Muret, au sud de la Ville rose. « Lors d’une catastrophe naturelle, d’une Coupe du monde, un ballon peut servir de relais de communication », explique le pionnier, voyant dans sa méthode douce de nombreuses opportunités technologiques.