« Le pouvoir lié à la papauté ne peut plus s’exercer de la même manière après François »
Le catholicisme traverse une période décisive de son histoire, estime Giovanni Maria Vian, alors que vient de s’ouvrir la deuxième assemblée plénière du synode sur l’avenir de l’Église (du 2 au 27 octobre). Historien et directeur de L’Osservatore Romano, Journal du Vatican, de 2007 à 2018, il est depuis journaliste indépendant et porte un regard érudit et critique sur le Saint-Siège et la papauté, comme en témoigne son dernier ouvrage, Le dernier pape (Editions du Cerf, 320 pages, 20 euros).
François sera-t-il « le dernier pape », comme le suggère le titre de votre livre ?
Giovanni Maria Vian : Ce titre fait référence à la prophétie de Malachie, attribuée à un moine irlandais médiéval. Ce texte répertorie une centaine de papes, remontant au XIIe siècle.e siècle et se projetant jusqu’à un souverain pontife surnommé la « Gloire de l’Olivier ».
La liste se poursuit ensuite avec une description de la fin du monde : « Lors de la persécution finale de la Sainte Église romaine, sera assis un « Pierre romain » qui fera paître les brebis à travers de multiples tribulations. La ville aux sept collines sera alors ruinée et le terrible juge jugera son peuple. » Si l’on étudie la liste dans l’ordre, Benoît XVI (1927-2022) serait la « Gloire de l’Olivier » et François, donc, le « Pierre romain » de la fin du monde.
Ce document est certainement un faux, en réalité rédigé en 1590 – on n’en trouve aucune mention auparavant – dans le but de favoriser un cardinal lors d’un conclave de l’époque, et sans doute aussi d’affirmer, face à la Réforme protestante, que la liste des papes serait encore longue.
Interrogé à ce sujet par un journaliste allemand en 2016, trois ans après son renoncement, Benoît XVI, qui ne croyait pas à cette prophétie, a eu une réponse que j’ai trouvée intéressante. Tout d’abord, il a rappelé l’ampleur de la sécularisation de l’Europe et le changement profond du catholicisme que cela impliquait. Puis il ajouta : « Je n’appartiens plus à l’ancien monde, mais en réalité le nouveau monde n’a pas encore vraiment commencé. »
Benoît XVI a ainsi affirmé que lui et son successeur étaient issus d’une génération formée dans un « vieux » monde catholique, qui n’existera bientôt plus. L’idée principale, qui est aussi la clé de la lecture de mon livre, est que nous sommes à un tournant dans la vie de l’Église catholique, et que le pouvoir de la papauté ne peut plus s’exercer de la même manière après François.
C’est à dire ? Quels sont les changements à prévoir ?
Le monde catholique est structuré autour de la « primauté » de la papauté : le pape est dit « infaillible » et détient officiellement tout pouvoir sur l’Église. Cette idée est apparue dans le monde latin dès les premiers siècles du christianisme, mais le dogme de l’infaillibilité pontificale a été proclamé en 1870, par le Concile Vatican I. Certains y voyaient une possibilité d’influence universelle, morale et spirituelle, presque une forme de rééquilibrage pour le Saint-Siège après la perte des États pontificaux et du pouvoir temporel.
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