La menace d’un procès est plus forte que jamais pour Rachida Dati : le Parquet national financier (PNF) a confirmé vendredi avoir demandé que l’emblématique ministre de la Culture ainsi que l’ancien tout-puissant patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn soient jugé pour corruption et trafic d’influence.
Les deux prévenus contestent ces accusations dans un dossier judiciaire instruit depuis 2019 à Paris et à fort enjeu politique, Rachida Dati étant l’une des principales figures du gouvernement de Michel Barnier.
La « mise en examen » du PNF est « infâme » et « choquante à plus d’un titre », a déclaré Mme Dati dans un communiqué, dénonçant une « instrumentalisation de cette affaire par (s)ses opposants politiques ».
Le ministre, 58 ans, est soupçonné d’avoir perçu, « en toute confidentialité, voire en toute opacité », 900 000 euros entre 2010 et 2012 pour des prestations de conseil consignées dans une convention d’honoraires signée le 28 octobre 2009 avec RNBV, filiale du groupe Renault. Alliance Nissan, mais sans avoir réellement travaillé, alors qu’elle était avocate et députée européenne (2009-2019).
Les investigations ont également cherché à déterminer si cet accord d’honoraires avait pu être utilisé pour dissimuler une activité de lobbying au Parlement européen, interdite à tout élu.
Après avoir été placée dans un premier temps sous le statut plus favorable de témoin assisté, Mme Dati a été mise en examen en juillet 2021.
Dans le détail, le PNF a confirmé avoir requis mercredi un procès contre elle pour recel d’abus de pouvoir et abus de confiance, corruption et trafic d’influence passive par personne investie d’un mandat public électif au sein d’une organisation internationale, le Parlement européen.
« Un acte d’accusation n’est que le point de vue de l’accusation sur une affaire », ont répondu à l’AFP les avocats de Mme Dati.
– « Contrecarrer » –
« Cette mise en examen vient à contre-courant de tous les éléments que nous avons fournis : témoignages, documents, documents… » et qui attestent, selon MM. Olivier Baratelli et Olivier Pardo, de « l’innocence » de leur client.
« Une période légale s’ouvre désormais pendant laquelle nous répondrons point par point pour contrer cette vision fragmentée et inexacte », ont affirmé les deux conseils.
Mme Dati assure qu’elle affrontera « cette nouvelle épreuve avec sérénité et détermination ».
Le ministre de la Culture, qui fut également ministre de la Justice sous Nicolas Sarkozy, considère ces faits comme prescrits et a multiplié les recours pour mettre fin aux poursuites. En vain.
– « Régularité » –
Carlos Ghosn, 70 ans, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international dans cette affaire depuis avril 2023. Il fait également l’objet d’un autre mandat d’arrêt depuis 2022 dans des enquêtes à Nanterre toujours en cours, notamment pour abus de biens sociaux et organisation d’abus de biens sociaux. blanchiment d’argent en bande en lien avec le distributeur omanais Suhail Bahwan Automobiles.
A Paris, l’ancien magnat de l’automobile est jugé pour abus de pouvoir d’un dirigeant d’entreprise, abus de confiance, corruption et trafic d’influence actif, dans une affaire dans laquelle l’entreprise Renault s’est constituée partie civile.
L’homme, qui possède les nationalités libanaise, française et brésilienne, a été arrêté fin 2018 au Japon où il devait être jugé pour malversations financières présumées lorsqu’il était à la tête de Renault-Nissan. Il a trouvé refuge au Liban fin 2019 après une évasion rocambolesque du Japon.
Ses avocats, Me Jacqueline Laffont-Haïk, Cloé Fonteix, Martin Reynaud et Léon Del Forno, ont indiqué à l’AFP que leur client était « bloqué sur le territoire libanais en vertu d’une décision de justice ».
Carlos Ghosn « conteste la régularité du mandat d’arrêt sur la base duquel le parquet demande son non-lieu, car dans la situation actuelle cela constitue un détournement de procédure. Enfin, il rappelle son impossibilité d’avoir accès aux éléments du dossier et à participer à l’enquête, en violation flagrante des droits de la défense », ont-ils ajouté.
La décision finale sur la tenue ou non d’un éventuel procès appartient aux juges d’instruction parisiens chargés du dossier, le PNF précisant qu’un appel est toujours pendant devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
Dans cette affaire, trois personnes avaient été placées sous le statut de témoin assisté : Mouna Sepehri, ancien bras droit de Carlos Ghosn, Christian Husson, directeur juridique de Renault au moment des faits, et le criminologue Alain Bauer.
Le parquet a précisé qu' »un non-lieu a été demandé sur le volet des contrats conclus entre la société RNBV et la société AB Conseil » d’Alain Bauer, qui avait touché un million d’euros entre 2012 et 2016 pour des activités de consultant en sécurité.
publié le 15 novembre à 20h37, AFP