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Le plus grand nombre premier connu identifié par un mathématicien amateur

Le plus grand nombre premier connu identifié par un mathématicien amateur

La famille des nombres premiers vient de s’agrandir grâce à l’apport d’un chercheur amateur : dites bonjour à 2136279841 – 1un monstre qui s’étend sur 41 millions de chiffres !

Les nombres premiers sont des nombres entiers qui n’admettent que des diviseurs, à savoir 1 et eux-mêmes. Cette particularité peut paraître anodine, mais elle en fait des objets mathématiques éminemment importants. En pratique, ils peuvent être considérés comme les constituants fondamentaux de tous les nombres naturels, d’où leur nom.

En raison de ce statut particulier, les nombres premiers fascinent les mathématiciens depuis des millénaires. L’illustre Euclide, par exemple, a réussi à prouver il y a déjà 2300 ans qu’il existe une infinité de nombres premiers. Plus récemment, d’autres titans de la science comme Euler qui a repris le flambeau, alimentant un champ de recherche dont la complexité s’est accrue à une vitesse vertigineuse au fil des siècles. Et ce n’est pas seulement une expression abstraite. Gaussautre monstre sacré de la discipline, prouva notamment au XIXème siècle que les nombres premiers deviennent de moins en moins fréquents à mesure que les nombres augmentent ; Plus on avance dans la numérotation, plus ils deviennent rares.

Au-delà de la curiosité scientifique, les nombres premiers jouent un rôle crucial dans plusieurs branches de la science moderne. On peut citer les mathématiques fondamentales, notamment à travers ce qu’on appelle la théorie des nombres, mais aussi des disciplines plus concrètes,l’informatique au cryptographie.

2000 ans de quête mathématique

Les premiers nombres premiers, comme 2, 3, 7 et 5, ont été découverts empiriquement en éliminant progressivement d’autres nombres grâce à des algorithmes entièrement mis en œuvre à la main. Eratosthène, que vous connaissez peut-être pour sa méthode d’estimation du diamètre de la Terre, a par exemple créé l’Eratosthenes Sieve, un algorithme remarquablement efficace pour y parvenir 200 ans avant notre ère.

Mais en raison de la rareté évoquée plus haut, cet exercice est devenu de plus en plus difficile. La chasse aux nombres premiers est donc devenue l’apanage de grands théoriciens comme Euler et Gauss – là encore – qui ont développé des méthodes encore plus sophistiquées pour comprendre leur distribution. Mais même ces génies finissent par se heurter à un mur ; ils ont atteint un stade où il serait pratiquement impossible de trouver manuellement d’autres nombres premiers.

Pour aller plus loin, il a fallu attendre l’arrivée d’un outil révolutionnaire : l’ordinateur. L’augmentation de la puissance de calcul correspond en fait à une accélération spectaculaire du processus. Par exemple, au début du XXe siècle, le calcul des nombres premiers se limitait à quelques millions ; Dans les années 1960, les ordinateurs avaient déjà repoussé cette limite à plus d’un milliard, et ce nombre n’a fait qu’augmenter jusqu’à aujourd’hui.

© Wikimedia Commons (image modifiée)

Cette tendance est notamment due à une catégorie particulière de nombres premiers : les nombres de Mersenne, de forme 2 n − 1. Ces derniers ont été découverts au XVIIe siècle par le moine et mathématicien français du même nom. Mais leur importance n’a explosé que dans les années 1970, lorsque les spécialistes ont compris que leur calcul impliquait des opérations particulièrement efficaces pouvant être mises en œuvre par des ordinateurs.

Le début d’une nouvelle ère

La majorité des nouveaux nombres premiers découverts depuis ce grand tournant sont donc des nombres de Mersenne. Il existe aujourd’hui des initiatives entièrement dédiées à leur traque. On peut notamment citer GIMPS (Excellente recherche Internet Mersenne Prime). Il s’agit d’un projet collaboratif auquel chacun peut contribuer ; il vous suffit de mettre votre machine personnelle au service de ces calculs en téléchargeant un logiciel open source appelé Prime95. En 2018, cette approche a également permis de découvrir ce qui était alors le plus grand nombre premier connu, sans utiliser de supercalculateur.

C’est là qu’intervient Luke Durant, ancien employé de Nvidia devenu contributeur majeur de GIMP. Conscient du potentiel informatique des GPU de par son parcours professionnel, il a introduit une nouvelle approche basée sur ces composants qui lui a permis d’identifier le 52ème numéro de Mersenne, noté 2136279841 – 1.

La validation de ce monstre 41 millions de chiffres (16 millions de plus que le précédent, et de quoi remplir environ 11 000 pages A4 en 12 polices !) marque donc un changement de paradigme. Selon la fondation GIMPS, il « met fin au règne de 28 ans des ordinateurs personnels ordinaires dans la recherche de ces énormes nombres premiers » et ouvre une nouvelle ère sous la bannière du calcul haute performance.

En prenant du recul, on peut s’interroger sur l’intérêt de ces efforts ; est-ce que ça vaut vraiment le coup de calculer des nombres premiers toujours plus énormes ? Au risque d’en frustrer certains, la réponse n’est pas tout à fait claire. Il est clair qu’à l’heure actuelle, il y a « quelques utilisations pratiques pour ces grands nombres premiers », comme expliqué dans le communiqué du GIMPS.

Mais ce même post met aussi en avant le fait que « ces mêmes doutes existaient il y a quelques décennies, jusqu’à ce que d’importants algorithmes cryptographiques soient développés basés sur des nombres premiers. « . Il est donc tout à fait possible qu’un jour, de nouvelles innovations fassent appel à ces effectifs gargantuesques. S’il le faut, nous pouvons donc remercier Durant et tous les autres acteurs de GIMPS qui continueront à mener ce travail de manière prophylactique !

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