Nouvelle étape dans une affaire de la vague #MeToo au théâtre. Alors que l’ancien secrétaire général de la Comédie Française, Pierre Notte, a été mis en examen en avril dernier pour « viol sur mineur abusant de la qualité que lui confère sa fonction », ce dernier a récemment fourni à la justice des messages dans lesquels le plaignant, Alban K., partage son amour pour lui. Le jeune homme, de son côté, continue d’affirmer avoir été victime d’une « aliénation générale ».
Les faits remontent à 2004 et 2005, alors que l’adolescent avait 17 ans. Le dramaturge, de 18 ans son aîné, a également été placé sous le statut de témoin assisté pour viol conjugal, de février 2005 à décembre 2011, alors qu’Alban K. était majeur.
« Ce n’est pas parce qu’il y a des mots d’amour qu’il n’y a pas d’abus. »
Le plaignant a été entendu par la juge d’instruction en charge de cette affaire le 4 juillet, qui lui a fait part d’échanges au cours desquels il a exprimé, selon elle, « clairement (ses) sentiments amoureux » et fait des « propositions sexuelles ». Elle lui a également montré un de ses courriels, envoyé au dramaturge en janvier 2010, dans lequel Alban K. s’était photographié en érection.
« Je suis abasourdi par le décalage entre les souvenirs que j’ai, l’état dans lequel j’étais, cette posture, et juste cette photo… C’est l’inverse de moi », a réagi Alban K., aujourd’hui âgé de 37 ans, selon son audition consultée par l’AFP. Pour l’avocat de Pierre Notte, Jean-Baptiste Riolacci, il ne s’agit pas d’un « décalage » mais d’une « incompatibilité fondamentale » avec les déclarations du plaignant à la justice.
« Le juge d’instruction doit observer attentivement ces échanges, leur contexte, car ce n’est pas parce qu’il y a des mots d’amour qu’il n’y a pas d’abus. C’est justement parce qu’une relation s’est établie que l’abus a été possible, par décalages successifs », a rétorqué l’avocate d’Alban K., Léa Forestier.
Une situation de confinement
La victime affirme avoir subi « plusieurs viols » de la part de Pierre Notte entre 2004 et 2011. Dans sa plainte révélée par Libération, Alban K. parle d’une relation « de dépendance dominée par la peur » et « d’assujettissement ». Il décrit aussi des comportements abusifs : l’écrivain « décidait même quand et comment je devais me laver, ne le supportait pas quand je prenais l’initiative », racontait-il en mai, au moment de la médiatisation de l’affaire, décrivant une situation d’enfermement.
De son côté, l’avocat de Pierre Notte assure que « le plaignant déclarait constamment son amour pour l’accusé », « parlait de cet amour » aux proches de Pierre Notte, « partait régulièrement en voyage » avec lui. Si la relation « a duré jusqu’en 2010″, la victime assure qu' »il ne s’agissait pas du tout d’une relation consentie (…) mais d’un mélange d’épuisement ».