Le Parlement européen adopte le « pacte migratoire »
Mercredi 10 avril, le Parlement européen a adopté le « pacte sur les migrations », une vaste réforme de la politique migratoire européenne. Ce « pacte sur la migration et l’asile » renforce notamment les contrôles aux arrivées aux frontières de l’Union européenne (UE) et met en place un système de solidarité entre États membres dans la répartition des réfugiés.
Une dizaine de textes législatifs ont été soumis au vote du Parlement lors d’une mini séance plénière à Bruxelles. La refonte des règles s’appuie sur une proposition de la Commission présentée en septembre 2020 après l’échec d’une précédente tentative de réforme, à la suite de la crise des réfugiés de 2015-2016.
«Nous sommes face à nos responsabilités»a déclaré dans l’hémicycle l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux), estimant que voter contre ce pacte était « offrir une victoire à l’extrême droite européenne ». « Ce pacte ne résoudra pas tout, mais c’est une avancée, un pas de géant »a déclaré l’élu, rapporteur d’un des règlements clés, relatif aux procédures d’asile.
Ce « pacte migratoire », globalement favorable aux trois principales familles politiques européennes – Parti populaire européen (PPE, droite), Socialistes et Démocrates et Renew Europe – a en revanche suscité l’opposition d’une grande partie de l’extrême droite. , mais aussi les Verts, la gauche radicale et certains socialistes.
«C’est un moment historique. En tant qu’Européens, après huit années de discussions intensives, nous avons trouvé un compromis entre une protection stricte des frontières contre les passeurs et la mafia, d’une part, et le maintien de nos valeurs, de l’asile et de la Convention de Genève, d’autre part. »a déclaré à l’Agence France-Presse Manfred Weber, président du PPE, premier groupe au Parlement, avant les débats.
Accords parallèles
La réforme a fait l’objet d’un accord politique en décembre 2023 et a été approuvée en février par la commission parlementaire, avec pour objectif une adoption définitive avant les élections européennes de juin, mais les différents rapporteurs de ces textes avaient exprimé mardi leurs inquiétudes sur l’issue. du vote.
Parallèlement à cette réforme, qui ne s’appliquera qu’en 2026, l’UE multiplie les accords avec les pays d’origine et de transit des exilés (Tunisie, Mauritanie, Egypte) pour tenter de réduire le nombre d’arrivées à ses frontières. L’UE est confrontée à une forte augmentation des demandes d’asile, qui ont atteint 1,14 million en 2023, leur niveau le plus élevé depuis 2016, selon l’Agence européenne pour l’asile. Les entrées « irrégulier » dans l’UE sont également en augmentation, pour atteindre 380 000 en 2023, selon Frontex.
La réforme établit un « filtration » obligatoire pour les migrants arrivant aux frontières de l’UE, en les enregistrant dans une base de données commune, Eurodac. UN « procédure à la frontière » est prévu pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile : ils seront retenus dans des centres pendant que leur dossier sera examiné de manière accélérée, dans le but de refouler plus rapidement les personnes déboutées.
Système de solidarité obligatoire
Quelque 161 organisations de défense des droits de l’homme, dont Human Rights Watch, Amnesty International, International Rescue Committee et Oxfam, ont appelé les députés européens à rejeter l’accord, craignant « détentions de familles avec enfants » et un «criminalisation» exilés. Mêmes reproches à gauche : « c’est un effondrement des valeurs »a fustigé l’élu français Mounir Satouri (Verts).
A l’inverse, à l’extrême droite, les nouvelles règles sont jugées insuffisamment restrictives. « Il y a des forces politiques qui veulent que l’immigration soit un sujet toxique et impossible à gérer » dénoncé, mardi, la commissaire européenne, Ylva Johansson, à l’origine de la proposition de pacte.
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La règle actuelle selon laquelle le premier pays d’entrée d’un migrant dans l’UE est responsable de sa demande d’asile est maintenue, avec quelques ajustements. Mais un système de solidarité obligatoire est organisé pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne.
Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge les demandeurs d’asile (délocalisations) ou en apportant une contribution – financière ou matérielle – au profit du pays sous pression migratoire. Une manière de tenter de vaincre l’opposition de la Hongrie et de la Pologne à tout quota de réfugiés, même si ces deux pays restent hostiles à la réforme.
Après le vote, le pacte devra encore être formellement approuvé par les États membres. La Commission européenne présentera un plan de mise en œuvre d’ici juin. De nombreuses questions restent sans réponse, ce qui suscite une incertitude quant au fonctionnement du système.