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Le pari gagnant d’Antoine Dupont, médaillé d’or avec les Bleus en rugby à 7



Et soudain, le Stade de France, déjà en ébullition, se met à fondre. Dès la première action de la seconde période, à la suite d’un ballon aérien raté, un joueur français s’empare du ballon et s’avance à grands pas le long de la ligne de touche. Il vient d’entrer en jeu, porte le numéro 11 dans le dos et s’appelle Antoine Dupont. Quatre-vingts mètres de chevauchée fantastique plus tard, le demi de mêlée envoie son coéquipier Jefferson-Lee Joseph tenter le coup. La France prend l’avantage (14-7) et ne se laisse plus reprendre.

En face, les Fidjiens, doubles champions en titre invaincus aux Jeux Olympiques, ne le savaient pas encore, mais la star toulousaine avait décidé qu’il allait décrocher la médaille d’or, ici et maintenant, tout seul s’il le fallait, et en utilisant toutes les cordes de son arc. Il a donc inscrit le troisième essai français en ruse, après avoir rapidement joué une pénalité pour lui-même. Puis, alors que le sort du match était déjà scellé, c’est encore lui qui s’est retrouvé à la conclusion d’un essai sur ballon porté, comme un clin d’œil au rugby à XV.

Devant près de 70 000 spectateurs en délire, samedi 27 juillet, la France a remporté la première médaille d’or, et première médaille tout court, de son histoire en rugby à 7. Historique pour le rugby français, qui n’était même pas présent aux Jeux de Tokyo en 2021, l’exploit couronne aussi de succès le pari du demi de mêlée qui, pour écrire sa légende, a choisi la voie olympique, pourtant mineure dans l’ovali jusqu’ici.

Il était sans doute écrit quelque part qu’Antoine Dupont connaîtrait un sacre au Stade de France. Il arriverait neuf mois plus tard que prévu, et avec deux fois moins de joueurs sur le terrain, c’est tout. Mais la manière, personne n’aurait osé la prédire. Ni cette finale où le rugbyman adoré du public aura marché sur l’eau. Ni le scénario de l’ensemble du tournoi, improbable et sublime, depuis l’inquiétant nul d’ouverture contre les Etats-Unis, jusqu’à la demi-finale contre l’Afrique du Sud et son goût de revanche sur la dernière Coupe du monde.

Une entrée fracassante dans le rugby à 7

Preuve que le style français ne s’arrête pas forcément aux limites du terrain. Car il fallait cette audace folle pour risquer ce pari, au lendemain de l’élimination précoce des Bleus de leur Coupe du monde à domicile. Renoncer, même temporairement, à un statut de titulaire indiscutable et au brassard de capitaine du XV de France, pour tenter sa chance dans cette autre version de son sport, où il devrait gagner sa place. Qu’il semble loin, ce 15 octobre fatidique, pour le meneur de jeu des Bleus !

Il est important de mesurer quel a été le parcours d’Antoine Dupont avec sa nouvelle équipe de France. Fin février 2024, pour son premier tournoi international à sept, l’étape des World Series à Vancouver (Canada), la nouvelle recrue atterrit directement dans l’équipe type du tournoi, les Bleus terminant troisièmes. En mars, ils remportent l’étape de Los Angeles, leur première victoire internationale depuis… 2005. Surtout, en juin, à Madrid, ils remportent le tournoi final. La France devient championne des World Series pour la première fois de son histoire. Dans le même temps, Antoine Dupont devient également champion de France et d’Europe avec le Stade Toulousain.

Sur le terrain, des qualités managériales

Le choix d’Antoine Dupont de se tourner vers le rugby à 7 est celui d’un athlète qui, à 27 ans, a atteint une maturité qui lui permet d’être à la fois sûr de ses forces et désireux de progresser encore. En dehors de sa finale extraterrestre, son énorme influence dans ce tournoi olympique vient moins de ses qualités de dynamite que craignent ses adversaires à quinze, que de ses qualités de gestionnaire. Moins flamboyantes, mais peut-être plus précieuses encore dans un jeu où l’explosivité est une caractéristique plus largement partagée. Par exemple, lors du quart de finale contre l’Argentine, où ses partenaires n’ont pas eu besoin de lui pour mener 21-0 à la mi-temps. Entré en jeu à la mi-temps, il a pourtant été l’artisan de la résistance française à la remontée des Pumas (score final 26-14), calmant le jeu, ralentissant les ballons pour gagner de précieuses secondes dans ce sport express où un match ne dure que deux fois sept minutes.

De la même manière qu’en demi-finale, où il est entré en jeu en seconde période juste avant l’ouverture du score des Sud-Africains, il a su garder son calme et le transmettre à ses coéquipiers. En bon demi de mêlée, c’est lui qui a régulé le jeu, exploitant patiemment la largeur du terrain jusqu’à trouver l’ouverture. Dans ce registre plus sobre, il n’a pas planté d’essais mais les a rendus possibles. Comme sur ce penalty qu’il a joué rapidement contre l’Afrique du Sud, prenant tout le monde de court – y compris les cameramen – et offrant à Rayan Rebbadj l’essai victorieux.

Rétrospectivement, on se dit que le pari n’aurait pu être que gagnant, tant cet autre rugby semble fait pour lui. Un jeu pour les fous de cardio, les amoureux d’intervalles et de balades de soixante mètres. Un rugby plus spectaculaire, plus fun et moins brutal aussi. Une version qui, au-delà de son super vendeur olympique, a de beaux atouts pour séduire durablement le grand public. En témoigne l’ambiance euphorique au Stade de France tout au long du tournoi. Jamais ce sport n’avait réuni un public aussi nombreux. Les Jeux de Paris 2024 auront sans doute contribué à mettre le rugby à 7 sur la carte.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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