Le pari fou d’un entrepreneur français du newspace qui veut en découdre avec Elon Musk et sa constellation Starlink
Il n’est pas le seul à croire à ce pari fou. Les investisseurs sont prêts à investir dans ce projet unique. L’entreprise a annoncé le 14 octobre une levée de fonds de 9,3 millions d’euros, notamment auprès de Bpifrance et Expansion, le fonds européen dédié au newspace. Mais la somme paraît encore dérisoire au regard des investissements nécessaires pour se faire une place sur un tel marché.
Ancien cadre à la Banque mondiale et ingénieur de formation, Charles Delfieux n’a pas les milliards d’Elon Musk ou de Jeff Bezos pour déployer des milliers de satellites dans l’espace. Elle repose sur une conviction. « L’espace est la nouvelle frontière pour les opérateurs télécoms. Pour la première fois dans le secteur des télécommunications, on assiste à une convergence entre connectivité terrestre et spatiale, en termes de performances et de prix. Cependant, l’accès à une connectivité Internet haut débit reste encore une réalité lointaine pour des centaines de millions de personnes dans le monde..
Partagez des infrastructures coûteuses
Le problème est que le ticket d’entrée, extrêmement élevé, se chiffre en milliards d’euros. Il faut beaucoup d’argent pour pouvoir acheter des milliers de satellites et les fusées nécessaires à leur mise en orbite. « Notre projet correspond à un investissement à 10 chiffres »explique le patron de la start-up. Soit entre 1 milliard et 9 milliards d’euros. Aujourd’hui, il n’existe que deux types d’acteurs capables de le faire. Ou multimilliardaires. Comme Elon Musk, le patron de Tesla et SpaceX, qui construit la constellation Starlink (40 000 satellites à terme) ou encore Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, qui veut lancer sa constellation Kuiper (3 200 satellites). Ou des États. A l’image de l’Union européenne qui souhaite se doter de sa propre constellation de télécommunications sécurisées, Iris2, mais qui peine à mener à bien son projet. Voire même un mélange des deux comme l’opérateur OneWeb, qui réunissait le gouvernement britannique et la société indienne Bharti, et qui a finalement été racheté par l’opérateur Eutelsat en 2022.
Pour autant, l’entrepreneur français n’est ni multimilliardaire ni à la tête d’une quelconque coalition d’États. Pour compenser, elle mise simplement sur un autre business model : s’allier aux opérateurs de télécommunications de tous les pays menacés par Starlink aujourd’hui et Kuiper demain et qui ne veulent pas se laisser voler leurs clients. Selon Constellation, l’Internet par satellite pourrait même représenter une opportunité de revenus pour les opérateurs télécoms terrestres qui pourrait atteindre 35 milliards de dollars par an d’ici 2035. Ces opérateurs télécoms sont de parfaits partenaires qui présentent un double avantage. D’une part, ce sont des machines de guerre destinées à offrir des services de télécommunications à des millions de clients. Et l’internet spatial leur permettra d’atteindre des clients situés dans des zones isolées que leurs réseaux fixes ou mobiles ne peuvent atteindre.
L’avantage de l’orbite très basse
En revanche, ils génèrent des milliards et investissent collectivement chaque année des sommes gigantesques dans l’entretien et le développement de leurs réseaux. Constellation a l’intention de construire et d’exploiter pour eux cette infrastructure spatiale partagée que chacun pourrait utiliser dans son propre pays. Les opérateurs réalisent déjà ce type de mutualisation dans le domaine des câbles sous-marins qui transportent les communications Internet à haut débit. Le plus dur reste à faire : convaincre les opérateurs d’investir. « Constellation Technologies & Operations dispose de plusieurs lettres d’intérêt de la part d’acteurs européens des télécommunications et mène également des discussions avancées avec des opérateurs internationaux », » a annoncé la start-up dans son communiqué diffusé à l’occasion de sa levée de fonds.
Les opérateurs attendent de leur partenaire des avancées technologiques concrètes. La levée de fonds permettra à Constellation de réaliser les premiers tests au sol et en orbite de connectivité de bout en bout et de réaliser les études d’ingénierie de détail des deux premiers satellites de la constellation. Les deux premiers satellites devraient être lancés d’ici fin 2026. Si tout se passe bien, l’industrialisation et la production en série de satellites et de terminaux pour clients finaux seront les prochaines étapes.
Pour compenser son retard, Constellation se veut plus agile que ses concurrents déjà lancés ou en passe de l’être. Avec une idée apparemment stupide. « Nos satellites seront positionnés sur une orbite très basse, plus basse que celles de nos concurrents, à environ 375 km d’altitude », explique l’entrepreneur, alors que la constellation Starlink est située à 550 km d’altitude.
Outre la réduction des temps de latence pour l’utilisateur, cela peut réduire considérablement le coût de l’équipement du client final. « une petite poignée de centaines d’euros ». En effet, plus les satellites sont plus proches, cela réduit la taille et la puissance des antennes pour traiter les signaux et corrélativement leur coût. Par ailleurs, Constellation entend réutiliser le spectre 5G des opérateurs mobiles pour ses services de connectivité spatiale. Si le calendrier est respecté, la start-up prévoit d’atteindre une couverture mondiale d’ici la fin de la décennie.