Le parcours du combattant des para-athlètes pour s’offrir du matériel sportif
« J’ai dû contracter un prêt bancaire. » Pour financer sa prothèse adaptée à la course à pied, Frédéric Lazaro, marathonien et triathlète de 50 ans, directeur commercial installé à Orléans (Loiret), amputé du fémur après un accident de moto à 18 ans, n’a pas eu d’autre choix que de puiser dans ses économies et de compléter avec un prêt bancaire. Coût de l’opération : environ 12 000 euros, dont 9 500 de prêts. « c’était plus ou moins un travail de bricolage », se souvient Frédéric Lazaro.
« Quand j’ai demandé pour la première fois à l’assurance maladie s’il y avait un remboursement pour les équipements sportifs, ils ont pensé que j’étais un bizarre. »
Frédéric Lazaro, amputé du fémur après un accident de motoà franceinfo : sport
Aujourd’hui encore, le financement peut constituer un obstacle pour les paratriathlètes. « Quand je dois changer de matériel, je dois toujours réfléchir à la manière de le financer », L’histoire de Frédéric Lazaro n’est pas un cas isolé. En France, l’accès aux équipements sportifs n’est pas pris en charge par la sécurité sociale, contrairement aux équipements du quotidien. « Prothèses enregistrées à la LPPR (liste des produits et services remboursables par l’assurance maladie) sont 100% pris en charge par la sécurité sociale, quelle que soit l’origine de l’amputation. Il s’agit notamment des dispositifs médicaux de traitement et d’équipements de maintien des fonctions vitales, notamment des orthèses et prothèses externes, des dispositifs médicaux destinés aux personnes handicapées », a répondu à franceinfo : assurance santé sport.
Cependant, « LE« Les prothèses dites « de loisirs », telles que les lames de course, les prothèses de natation, les prothèses de ski, ne figurent pas sur cette liste. Elles sont donc à la charge de la personne concernée », Et la situation diffère si le patient souffre d’une maladie ou est victime d’un accident, les compagnies d’assurance prenant dans ce dernier cas en charge l’indemnisation en cas de responsabilité d’un tiers.
« Ce non-remboursement constitue clairement un frein pour les familles, soutient Jean-Luc Clemençon, président de l’association Entr’aide, qui permet aux enfants amputés de s’équiper de lames de course. Quand on fait le calcul, une lame coûte entre 12 et 24 000 euros, un prix multiplié par deux pour un double amputé. Ensuite, on multiplie par dix pour suivre la croissance de l’enfant. On arrive donc entre 200 et 450 000 euros pour suivre la croissance d’un enfant. » L’association équipe aujourd’hui 108 enfants dans toute la France et pas moins de 600 prothèses ont été prises en charge par Entr’aide depuis sa création en 2013.
« Pour un enfant valide, faire du sport c’est très simple. Il suffit d’une paire de baskets et c’est tout. Pour un enfant handicapé, il faut un fauteuil roulant, et ce n’est pas du tout le même prix. Sans le soutien d’associations ou de fondations, l’enfant reste à la maison », note Emilie Watremez, maman de Jade, 11 ans, amputée depuis l’âge de 4 ans, résidant en Occitanie.
« Sans associations, il est impossible pour un enfant de faire du sport aujourd’hui », regrette Patrice Pruvost, père de Maud, une adolescente de 16 ans, Amputé de la jambe droite depuis sa naissance, il pratique le basket-ball en fauteuil roulant et le ballet. Pour lui, le sport a toujours été une priorité pour sa fille, malgré le souci constant de trouver des financements. « Pour un enfant, avoir une lame est plus qu’essentiel. Au-delà de la pratique d’un sport, il l’utilise aussi pour le plaisir de courir, de jouer à l’école ou ailleurs, pour ressentir des sensations comme tous les enfants », Patrice témoigne encore.
Bien avant l’organisation des Jeux paralympiques en France, des associations de soutien aux personnes handicapées milit déjà en faveur du remboursement des équipements sportifs. En novembre 2023, l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne a annoncé que le gouvernement allait « généraliser le remboursement des lames de course et des prothèses sportives dans la prestation de compensation du handicap (aides humaines, techniques, transports, développement de l’habitat, etc.)« , à partir de janvier 2024. Cette aide, qui peut couvrir jusqu’à 75% des équipements, dépend des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et non de la Sécurité sociale. A cela s’ajoute la réduction du taux de TVA à 5,5 % (au lieu de 20 %) pour les équipements handisport, instaurée en mars 2022.
« Sur les lames, nous sommes sur une mise en œuvre qui est désormais accessible. Concernant les chaises, un projet de remboursement par la Sécurité sociale est en cours d’élaboration. La mise en œuvre est un peu plus longue car les critères de régularisation sont encore en discussion entre les parties prenantes », rappelle Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français (CPSF) et co-rapporteure de l’avis Le développement du handisport en France : de la singularité à l’universalité, une opportunité pour tous auprès du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Mais la mise en place concrète du dispositif prend du temps. Fin août, une semaine avant le début des Jeux paralympiques, l’Union française des orthésistes (UFOP) a lancé un appel aux pouvoirs publics pour un meilleur remboursement des appareils permettant l’accès à l’activité sportive des personnes en situation de handicap qui le souhaitent. Contacté par franceinfo : sport, Jean-François Cantero, le président de laOVNI regrette que la mesure soit « limité car il ne s’agit que d’un seul type de handicap », Et « pas tous les sports ». « Le soutien apporté par la MDPH, et donc par les départements, ne sera pas uniforme sur le territoire, et engendrera de fortes disparités », il souligne encore, évoquant une « parcours du combattant » pour les patients.
« Sans un budget plus important pour les MDPH, ce système ne fonctionnera pas. Elles sont déjà incapables de remplir la mission pour laquelle elles ont été créées. »
Jean-Luc Clémençon, président de l’association Entr’aideà franceinfo : sport
Avant même cette mesure, il était déjà possible d’obtenir des aides auprès de la MDPH. Mais les démarches sont longues et pas toujours adaptées aux besoins. « L’aide est vraiment marginale, déplore Patrice Pruvost, le père de Maud. Il faut généralement six à huit mois pour obtenir une réponse, nous devons donc engager des frais avant de savoir si elles peuvent être obtenues. rembourser une partie ou pas. »
« Il existe des dispositifs disponibles, mais il est encore nécessaire « Les maîtriser, c’est encore compliqué administrativement. Cela dépend aussi des départements, où les règles d’attribution ne sont pas les mêmes. Il y a encore un travail pédagogique à faire », a-t-il ajouté. Guy Tisserand, trésorier adjoint de la Fédération française des sports paralympiques (FFH), prend également le relais. Dans ce sens, le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques a introduit une section sur son site, intitulée Mon parcours en matière de handicap, qui « entend lever ce frein » en y « simplifier l’accès pour les personnes handicapées ».
Pour réaliser des progrès durables, beaucoup espèrent que l’héritage des Jeux de Paris 2024 sera tangible. « On espère que les Jeux Paralympiques vont vraiment nous permettre de changer de perspective. Car pour la découverte et le haut niveau, il y a des aides, mais pour ceux qui sont au milieu, les sportifs amateurs, la pratique est souvent compliquée », analyse Guy Tisserand.
En même temps, des pistes à considérer, comme la réutilisation du matériel. « Un appareil ou une aide technique pris en charge par la Sécurité sociale ne peut pas être rendu à quelqu’un (les lames sont fabriquées sur mesure), même s’il est encore en bon état. Il y a peut-être quelque chose qui peut être mis en place pour faciliter la réutilisation du matériel », Orianne Lopez pose. Ou encore « généraliser un système de prêts au sein des fédérations », diffuse Patrice Pruvost.
« Lorsque les patients découvrent ou renouent avec le sport, ils sont unanimes sur les bénéfices ressentisassure Jean-François Cantero, le président de laOVNI. Cela change leur vie, leur redonne leur indépendance et facilite leur intégration. » « Le problème, il continue, c’est qu’on regarde trop les dépenses et les remboursements des appareils comme une charge alors qu’une personne qui est bien dans son corps, qui a développé ses muscles au point d’être autonome, n’a plus besoin de tiers au quotidien. Donc au final, on réduit les dépenses. »