Le «Pacte sur la migration et l’asile» adopté par le Parlement européen
Cette réforme, qui renforce les contrôles aux arrivées aux frontières de l’UE et instaure un système de solidarité entre les Etats membres, a suscité l’opposition tant de l’extrême droite que de la gauche radicale.
Les députés ont adopté ce mercredi la vaste réforme de la politique migratoire européenne, fruit d’un compromis difficile sur un sujet qui alimente les tensions et les divisions entre les Vingt-Sept depuis des années. Le Parlement européen a voté en faveur de dix textes formant ce « Pacte sur la migration et l’asile », lors d’une séance plénière à Bruxelles, brièvement interrompue par des protestations de militants hostiles à cette réforme. Cette vaste réforme de la politique migratoire de l’UE renforce les contrôles aux arrivées aux frontières du bloc et met en place un système de solidarité entre les États membres.
Les rapporteurs des textes, désireux de mener à bien cette réforme avant les élections européennes, ont néanmoins exprimé quelques inquiétudes quant à l’issue du vote. La refonte des règles repose sur une proposition de la Commission présentée en septembre 2020, après l’échec d’une précédente tentative de réforme à la suite de la crise des réfugiés de 2015.
Ce Pacte sur les migrations, auquel étaient globalement favorables les trois principales familles politiques européennes – PPE (droite), Socialistes et Démocrates (S&D) et Renew Europe (centristes et libéraux) – suscite l’opposition d’une grande partie de l’extrême droite, et sur de l’autre les Verts, la gauche radicale et certains socialistes.
Candidature en 2026
Les textes ont fait l’objet d’un accord politique en décembre et ont été approuvés en février par une commission parlementaire, mais le « le vote n’est pas acquis »a déclaré mardi l’eurodéputée française Fabienne Keller (Renew Europe, centristes et libéraux), rapporteure d’un des règlements clés, relatif aux procédures d’asile. « Si l’un des textes tombe, la cohérence de l’ensemble tombe clairement (…) mais nous espérons qu’en responsabilité, une majorité démocratique du Parlement européen le soutiendra » ce pacte, qui constitue « Un pas en avant »» ajouta l’élu.
Parallèlement à cette réforme, qui ne s’appliquera qu’en 2026, l’UE multiplie les accords avec les pays d’origine et de transit des exilés (Tunisie, Mauritanie, Égypte) pour tenter de réduire les arrivées à ses frontières. L’UE est confrontée à une augmentation des demandes d’asile, qui ont atteint 1,14 million en 2023, leur niveau le plus élevé depuis 2016, selon l’Agence européenne pour l’asile. Les entrées « irrégulier » dans l’UE sont également en augmentation, pour atteindre 380 000 en 2023, selon Frontex.
Réservations émises à gauche et à droite
La réforme établit un « filtration » obligatoire pour les migrants arrivant aux frontières de l’UE, consistant à les enregistrer dans la base de données commune Eurodac. UN « procédure à la frontière » est prévu pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile : ils seront retenus dans des centres pendant que leur dossier sera examiné, de manière accélérée, dans le but de refouler plus rapidement les personnes déboutées. Quelque 161 organisations de défense des droits de l’homme, dont Human Rights Watch, Amnesty International, International Rescue Committee et Oxfam, ont appelé les députés européens à rejeter le pacte, craignant « détentions de familles avec enfants » Et un «criminalisation» exilés.
Mêmes griefs à gauche de l’échiquier politique, alors qu’à l’extrême droite, à l’inverse, les nouvelles règles sont jugées insuffisantes et inefficaces. La commissaire européenne Ylva Johansson, à l’origine de la proposition de Pacte, a déclaré qu’elle « très fier » de réforme. « Il y a des forces politiques qui veulent que l’immigration soit un sujet toxique et impossible à gérer, mais heureusement c’est une minorité », a-t-elle commenté. La règle actuelle selon laquelle le premier pays d’entrée d’un migrant dans l’UE est responsable de sa demande d’asile est maintenue avec quelques ajustements. Mais pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne, un système de solidarité obligatoire est organisé.
Plan de mise en œuvre fin juin
Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge les demandeurs d’asile (délocalisations) ou en apportant une contribution – financière ou matérielle – au profit du pays sous pression migratoire. Une manière de tenter de vaincre l’opposition de la Hongrie et de la Pologne à tout quota de réfugiés – même si ces deux pays restent hostiles à la réforme. Après le vote, le Pacte devra encore être formellement approuvé par les États membres. La Commission européenne présentera un plan de mise en œuvre d’ici juin. Car de nombreuses questions restent sans réponse, faisant naître des incertitudes sur le fonctionnement du système.
L’expert Jean-Louis De Brouwer partage son « de forts doutes sur l’avenir du pacte »voyant « un mécanisme extraordinairement bureaucratique et technocratique ». « On va vers un système objectivement beaucoup plus complexe, et je ne suis pas du tout sûr que les Etats membres aient tendance à mieux jouer le jeu » et d’appliquer les règles, commente le directeur du programme Affaires européennes de l’Institut Egmont.