Le mythe du dépassement s’est brisé – Chronique de Maryse Dumas – 20 septembre 2024
« C’est un beau roman, c’est une belle histoire. »Michel Fugain aurait pu chanter au siècle dernier. Sauf que ce n’est pas vraiment un roman. Plutôt une fable, de celles dont le président de la République adore nous faire prendre des ombres pour des ombres. C’est le cas de l’idée selon laquelle la gauche aurait une part de responsabilité dans la nomination d’un Premier ministre de droite, issu du parti politique arrivé quatrième aux élections, parti qui a refusé de faire partie du barrage républicain face au RN.
Revenons à la chronologie des événements. Le soir des élections européennes, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale. Il a pris cette décision seul. De plusieurs côtés, y compris dans son propre camp, on lui a crié dessus. « casse-cou » en raison de la forte dynamique du RN aux élections européennes et du délai trop court pour mener une véritable campagne électorale.
Mais là n’est pas son souci. Ce qu’il veut, c’est marginaliser la gauche, qu’il estime profondément divisée. Il échoue dans son pari. En un temps record, avec l’appui des syndicats, des associations et de diverses personnalités, la gauche parvient à former le Nouveau Front populaire, à le doter d’un programme, à présenter des candidats uniques issus du 1euh se retourner et de mener une bataille politique et idéologique sans merci. Elle déjoue le piège !
Au second tour, le mécanisme de barrière républicain empêche le RN d’atteindre ses objectifs. Contre toute attente, le NFP arrive en tête, en nombre de députés, dans une Assemblée nationale divisée en trois parties quasiment égales. Emmanuel Macron est très affaibli, numériquement, politiquement et surtout en termes d’autorité morale sur son camp.
On connaît le personnage. La démocratie est le cadet de ses soucis. Son désir est de rester aux commandes et de poursuivre le travail d’affaiblissement des partis, notamment de gauche, commencé en 2017. Il adapte donc sa tactique. L’autoproclamé « maître des horloges » décide de gagner du temps pour préparer les esprits à une solution parfaitement antidémocratique et contraire aux institutions.
Il a d’abord proclamé une trêve olympique. Il a ensuite assumé la responsabilité de décider des formes de compromis entre les partis politiques, là où la Constitution, mais aussi la pratique historique et internationale, auraient dû conduire à ce que la solution vienne de l’Assemblée nationale.
Le groupe arrivé en tête, le NFP, était censé assumer la responsabilité de trouver une façon de gouverner. Or, Macron en appelle aux différentes composantes, voire aux personnalités, les unes après les autres. Il fait d’abord miroiter la possibilité de nommer Lucie Castets, puis fait mine de penser à Bernard Cazeneuve, précisément au moment où se tiennent les journées du PS à La Rochelle, afin d’empoisonner le débat interne de ce parti.
Finalement, après avoir tiré plusieurs noms de son chapeau, et près de deux mois après les élections, il a nommé Michel Barnier, dont on a appris récemment qu’il avait été contacté dès juin. Emmanuel Macron n’a jamais eu l’intention de nommer Cazeneuve, inutile de se déchirer pour savoir si la gauche aurait dû dire ceci et pas cela.
Le problème est ailleurs : dans la volonté d’Emmanuel Macron de gouverner à droite tout en entretenant le mythe de « dépassant ». Mais celui-ci a plus que du plomb dans l’aile : les deux blocs de gauche et de droite sont en train de se reconstituer.
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