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Le monde se dirige vers un réchauffement de +3,1°C

Comme chaque année, de nombreux rapports sont publiés avant la COP pour faire la lumière sur les engagements des États sur le changement climatique. C’est le cas de l’Emissions Gap Report et de son édition 2024 où l’on apprend qu’avec les politiques actuelles, il y a deux chances sur trois que le réchauffement climatique reste inférieur à 3,1°C.

Il existe un « écart considérable entre le discours et la réalité ». C’est ce que dit le rapport à la première page. Ce n’est pas une ONG d’extrême gauche qui dit cela, mais un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).

Un monde qui se réchauffe de +3°C signifie que la France se réchauffera de plus de 4 degrés. Nous ne pouvons pas nous adapter à un monde comme celui-ci.

À un peu plus de deux semaines de la COP29 qui se tiendra à Bakou, en Azerbaïdjan, voici un résumé de ce que vous devez savoir.

Que dit le rapport sur les écarts d’émissions 2024 ?

« Fini l’air chaud… s’il vous plaît !» C’est le titre de la 15e édition de l’Emissions Gap Report. Premièrement, l’année 2023 est une année record en matière d’émissions mondiales de gaz à effet de serre, atteignant 57,1 gigatonnes d’équivalent CO2.

L’augmentation des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) de 1,3 % par rapport aux niveaux de 2022 est supérieure au taux moyen de la décennie précédant la pandémie de COVID-19 (2010-2019), au cours de laquelle la croissance des émissions de GES était en moyenne de 0,8 %. par année.

Cette hausse par rapport au rythme de la décennie est particulièrement inquiétante, sachant que la baisse de la hausse était un des messages plutôt positifs du dernier rapport du GIEC en 2021.

Les spectacles s’envolent…

Cette augmentation est notamment due à l’explosion du secteur aérien, de la production d’énergies fossiles (gaz, pétrole et charbon), des transports et des émissions industrielles.

L’aviation mondiale a enregistré la plus forte augmentation relative des émissions, soit une hausse de 19,5 % entre 2022 et 2023, alors que le secteur se remet des creux de l’ère Covid.

A noter que le nouveau ministre des Transports François Duvovray et ses collègues européens feraient bien d’arrêter leur greenwashing sur les avions bas carbone et de plutôt lire la littérature scientifique. Sans réduire le trafic aérien, nous n’atteindrons jamais nos objectifs climatiques. C’est sans équivoque.

NB : comme le rappelle Zeke Hausfather, «ces chiffres ne tiennent pas compte des nombreux impacts liés au climat sur les émissions de gaz à effet de serre qui ne sont pas le résultat d’interventions humaines directes, comme les incendies de forêt catastrophiques qui surviendront au Canada en 2023« .

La capacité de la biosphère à absorber certaines émissions humaines devrait s’affaiblir dans les scénarios où le monde ne réduit pas rapidement ses émissions. Pour mieux comprendre ce phénomène, lisez notre article sur les puits de carbone terrestres.

Quels sont les engagements des États ?

Alors que les émissions de gaz à effet de serre atteignent de nouveaux sommets et que les impacts climatiques s’intensifient à l’échelle mondiale, les pays se préparent à soumettre des contributions déterminées au niveau national (CDN) actualisées au début de 2025, avant la COP30 qui se tiendra au Brésil.

(Pour mieux comprendre ce que sont les CDN et les engagements des États, vous pouvez lire notre article sur l’Accord de Paris.)

Le rapport montre que 91 % des émissions mondiales sont couvertes par une CDN avec un objectif de réduction des GES. En revanche, seuls 23 engagements couvrent l’ensemble des gaz à effet de serre (qui ne se limitent pas au CO2 !)

Les pays du G20 sont loin du compte

De nouveaux graphiques sont disponibles, dont le tableau ci-dessous qui fournit des informations sur les pays membres du G20 et les chances qu’ils ont de respecter leurs engagements climatiques. Comme d’habitude, si les chiffres sont incontestables, les interprétations peuvent grandement varier…

Selon le PNUE, l’Union européenne est sur la bonne voie pour respecter ses engagements climatiques. C’est pour le moins très surprenant (en vert ci-dessous) :

Prenons l’exemple de la France. Si une grande partie de la presse en France relaie le discours du gouvernement, les faits sont durs. Premièrement, la France ignore la science pour ses objectifs climatiques. Nous devons réduire nos émissions de 55 % d’ici 2030, et ce chiffre est insuffisant, comme l’explique Yann Robiou du Pont, chercheur à l’université d’Utrecht.

Deuxièmement, la France ne respectera pas ses objectifs climatiques. C’est le Haut Conseil pour le Climat qui le rappelle dans son rapport annuel 2024. Nos puits de carbone se sont effondrés en France au cours de la dernière décennie et absorbent deux fois moins de carbone.

Si c’est le cas de la France, autoproclamée championne du climat par le gouvernement Macron, imaginez ce que cela peut être pour les autres pays ?

L’objectif +1,5°C est mort

S’il y a une chose qui est irresponsable, c’est bien la communication du PNUE sur l’objectif +1,5°C. Dans les messages clés, qui seront repris par une majorité de médias et de journalistes qui ne liront jamais le rapport dans son intégralité, il est écrit :

« Il reste techniquement possible de s’engager sur la voie d’un réchauffement de 1,5°C, les énergies solaire, éolienne et forestière offrant de réelles possibilités pour réduire de manière significative et rapide le réchauffement climatique. »

Oui c’est le cas techniquement possiblesi vous changez tous les gouvernements du monde, que le trafic aérien soit divisé par 10 demain, que la consommation de produits d’origine animale soit divisée par 3, que la déforestation s’arrête d’ici fin octobre 2024, que la fast fashion soit interdite dans le monde entier, etc. .

La réalité : l’objectif de +1,5°C est mort, mais on le savait « officiellement » depuis le sixième rapport du GIEC sorti en 2021. L’objectif de rester en dessous de +2°C est encore réalisable mais il est illusoire de penser qu’on y parviendra. ceci sans changements radicaux dans nos économies. Rappelons si ce n’était pas clair : les promesses actuelles nous entraînent vers un monde en partie inhabitable à +3°C.

Des pistes d’espoir ?

Un des chapitres du rapport est consacré aux solutions. Le secteur de l’énergie présente le plus grand potentiel de décarbonation à faible coût, avec 12 GtCO2e/an en 2030 et 15 GtCO2e/an en 2035, en grande partie grâce au remplacement de la production d’électricité à partir de combustibles fossiles par des sources d’énergie propres.

En effet, une grande partie de l’électricité mondiale est encore produite à partir du charbon, notamment en Inde et en Chine.

L’agriculture, la foresterie et d’autres utilisations des terres (secteur AFOLU) présentent le deuxième plus grand potentiel de décarbonation, la foresterie représentant la plus grande part de ce potentiel. Ces sujets seront suivis de près lors des négociations de la COP29.

La bonne nouvelle est que nous disposons déjà de solutions techniques pour lutter contre le changement climatique. Le problème n’est pas technique, mais politique, et c’est le manque d’ambition des gouvernements (et des entreprises) qui pèse sur notre avenir.

La mauvaise nouvelle est qu’aucun gouvernement au monde ne dispose d’un plan détaillé ET crédible pour atteindre ses objectifs climatiques. Que faut-il de plus pour prendre au sérieux le problème du réchauffement climatique ?

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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