« Avant, il y avait 900 artistes qui participaient ! Peintres, musiciens, tout ce que vous voulez. Il n’y en a plus », déplore l’acteur principal du film. Jouer avec le feu, en salles mercredi.
Sur l’affiche du film Jouer avec le feu, qui sortira en salles mercredi 22 janvier, Vincent Lindon, fort de ses quarante ans de cinéma, a évoqué auprès de l’AFP son nouveau rôle mais aussi sa vision du monde de la culture. Dans ce long métrage de Delphine Coulin et Muriel Coulin, l’acteur français de 65 ans incarne un cheminot confronté à la radicalisation d’un de ses fils (Benjamin Voisin), attiré par l’extrême droite violente, tandis que son frère (Stefan Crépon) poursuit de brillantes études.
Une performance qui lui vaut le prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise. « J’étais ravi, comblé, parce que c’est double (avec Cannes), donc ce n’est pas rien. J’ai été choqué et terriblement touché par (le président du jury) Isabelle Huppert parce que ce n’est vraiment pas français (récompenser un compatriote) », a-t-il déclaré à l’AFP. Interrogé sur le scénario, l’acteur explique aussi avoir « aimé » le fait « qu’il y a deux histoires « . Un sur la famille et la paternité et un autre sur la radicalisation.
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« Pour moi, le plus important c’est la famille. Comment un père peut-il se retrouver impuissant face à l’un de ses deux enfants alors qu’ils ont été élevés de la même manière ? Ils mangeaient la même nourriture, étaient habillés de la même manière, avaient la même mère, le même père. « La petite histoire, mais pas rien, c’est cette radicalisation. (…) C’est le manque d’espoir. Quand on n’est pas occupé, on perd tout, la confiance, l’amour. Le premier petit groupe qui s’intéresse à vous, qui vous considère, nous le suivons. Nous chercherons un réconfort que nous n’avons nulle part. Nous sommes enrôlés »ajoute-t-il.
« Il y a désormais 72 millions de journalistes, 72 millions de commissaires de police »
Un film qui résonne avec notre présent selon l’acteur. « J’allais vous dire que c’est l’état de la France. Mais c’est l’état du monde. La façon dont nous regardons sans réagir, avec désespoir, une jeunesse en manque d’espoir et s’aliénant dans le monde de la réaction plutôt que dans celui de la réflexion. Interrogé sur le rôle de la culture face à la montée de l’extrême droite, l’acteur affirme que « le monde de la culture est devenu terriblement gentrifié et incliné ». Les intellectuels « ne communiquent plus entre eux. Chacun écrit son livre, son pamphlet… En même temps, c’est extrêmement difficile pour eux de s’adresser à une génération dont la culture n’est plus la même, qui est sur les réseaux sociaux, avec des pensées toutes faites », se lamente-t-il.
« Aujourd’hui, il y a 72 millions de journalistes en France, 72 millions de commissaires de police. On ne lit presque plus, on réagit à quelque chose qu’on lit en trois phrases sur un réseau social ! Nous sommes parmi les fous »continue-t-il. « Je ne supporte plus qu’on me pose ces questions car les autres n’y répondent pas. Avant, il y avait 900 artistes impliqués ! Peintres, musiciens, tout ce que vous voulez. Il n’y en a plus. Mais l’acteur ne se dit pas « désespéré « . » J’ai une confiance terrible dans les femmes et les hommes. À un moment donné, inconsciemment, tout le monde fera passer le message. Cela ne sera plus supportable et les humains arrêteront tout cela. »