Divertissement

Le moine et le pistolet, les pistolets en plastique, les sortes de gentillesse… Les films à voir cette semaine

Parabole poétique au Bhoutan, l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès transformée en farce trash, étrange triptyque à l’humour noir troublant… La sélection cinéma de Figaro.

Le moine et le pistolet – Avoir

Drame de Pawo Choyning Dorji, 1h47

Situé au Bhoutan, Le moine et le pistolet, de Pawo Choyning Dorji, a cette fraîcheur presque naïve des œuvres jaillissantes. Ce petit pays montagneux, enclavé entre la Chine et l’Inde, a vécu de nombreuses années sous l’autorité d’un monarque apprécié de son peuple. En 2006, ce roi, âgé de 51 ans, décide d’abdiquer pour ouvrir son pays à la mondialisation. Les Bhoutanais, peuple majoritairement rural, découvrent alors la télévision, Internet… et la démocratie. C’est tout l’intérêt de ce long métrage nominé aux Oscars. Le moine et le pistolet commence par montrer des paysages à couper le souffle. Dans la vallée, dominée par des poteaux électriques, nous suivons un jeune moine bouddhiste qui porte une bonbonne de gaz sur son épaule. Nous sommes en 2006. Dans un village isolé, un représentant du gouvernement sensibilise petits et grands au vote démocratique, car le pays organise de grandes élections blanches. Mais les Bhoutanais restent réfractaires à ce changement. Tandis qu’une jeune femme de la ville s’affaire à mobiliser les villageois de montagne, le petit moine à la bonbonne de gaz est arrivé à destination. Il remet son butin au grand lama, qui l’apostrophe vertement. «J’ai besoin d’armes. Pouvez-vous en trouver ? » Pourquoi diable un lama aurait-il besoin d’armes ? Le film se transforme en une sorte de course contre la montre assez surréaliste.
Le moine et le pistolet fonctionne comme une parabole sur la lente accession à la démocratie d’un pays féodal isolé depuis des siècles, perdu dans l’immensité des chaînes himalayennes. DO

Pistolets en plastique – Avoir

Comédie de Jean-Christophe Meurisse, 1h36

Il fallait le dire tout de suite. Xavier Dupont de Ligonnès se la coule douce en Argentine. Désolé, pas XDDL, mais Paul Bernardin, soupçonné d’avoir assassiné sa femme et ses trois enfants et de les avoir enterrés sous sa terrasse, qui a disparu sans laisser d’adresse. La police est à cran. Un suspect est arrêté à l’aéroport de Copenhague. De toute évidence, il n’avait rien à voir avec tout cela. Il faut regarder le dialogue hilarant sur zoom entre les flics français et leurs homologues danois, avec cette réplique déjà culte de Vincent Dedienne : «Nous avons une tradition d’erreur judiciaire.»Cette bourde permet à deux enquêteurs de Facebook de se lancer dans leurs propres enquêtes. Ils s’enivrent dans la maison du crime, interrogent les voisins, brouillent les traces. En Amérique du Sud, le tueur cite Victor Hugo et recommence sa vie. Laurent Stoker, barbu, a suffisamment d’ambiguïté pour créer une sourde inquiétude. Il a appris l’espagnol et s’est habillé en costumes blancs.
Le film part dans tous les sens. C’est son mérite. Les doigts dans la poigne, Jean-Christophe Meurisse(Oranges sanguines ) croit avoir tous les droits, et d’abord, de s’emparer sans vergogne de cette fameuse nouvelle. Les séances virevoltent comme des cartes à jouer dans les mains d’un champion de poker.
La farce porte ses fruits. Cela ne faiblit pas une seconde. On regarde le résultat avec des yeux surpris et ravis. Une troupe d’acteurs semble ravie de se retrouver au générique, ne serait-ce que pour une brève apparition. Mocky et Monty Python ont trouvé leur successeur. DANS.

Sans un bruit : jour 1– Avoir

Horreur de Michael Sarnoski, 1h39

On avait raison de se demander pourquoi Hollywood se serait senti obligé d’ajouter un troisième volet à la franchise d’horreur Sans un son, tant les deux premiers films ont connu un tel succès. Juste le titre, Sans un bruit : jour 1 , présageait le pire. En 2018, le succès surprise du premier film de John Krasinski consacre pleinement l’odyssée muette d’Emily Blunt, cette mère défendant sa famille cloîtrée dans sa maison transformée en Fort Laramie, alors que le monde était soudain envahi par des monstres extraterrestres au pitch absolu. Trois ans plus tard, une suite assez décomplexée, et peut-être encore plus profonde, fait monter le suspense d’un cran avec l’aide d’un père brisé transformé en Robinson Crusoé misanthrope (Cillian Murphy, impérial).

Il faut l’avouer, ce troisième film réalisé par Michael Sarnoski s’avère plutôt malin. Sans un bruit : jour 1renouvelle le concept d’une humanité condamnée à survivre en faisant le moins de bruit possible. L’idée est géniale. Cette fois, on suit l’invasion de ces chères créatures aux grandes oreilles qui guettent le moindre faux pas, à travers le regard d’une jeune femme en soins palliatifs, condamnée de toute façon à mourir (Lupita Nyong’o, découverte dans Panthère noire la saga Guerres des étoilesOu Nous )… Autre changement de paradigme, au lieu d’évoluer dans la campagne ou la forêt américaine, l’intrigue se déroule immédiatement au cœur de New York. Le réalisateur prend alors un malin plaisir à convoquer une imagerie de fin du monde qui fait référence à tous les films post-apocalyptiques des années 70, de Soleil vert (1973) à New York ne répond plus (1975) à travers Le survivant(L’homme Oméga en 1971)… Intelligent, tendu, rythmé, Sans un bruit : jour 1 quitte donc les rivages de la terreur pour se rapprocher de ceux d’une science-fiction radicale et nihiliste. Le pari était audacieux. C’est réussi. DO

Sortes de gentillesse – Tu peux voir

Drame de Yorgos Lanthimos, 2h44

Selon François Truffaut, « Le cinéma est l’art de faire faire de jolies choses à de jolies femmes. » Selon Yorgos Lanthimos, il s’agit plutôt de l’art de faire faire des choses atroces aux jolies femmes. Emma Stone est bien placée pour le savoir. Sortes de gentillesse est la troisième collaboration entre la star hollywoodienne et le cinéaste grec. Déjà humilié dans Le préféré, maltraité dans Pauvres créatures,Stone prend de la hauteur dans la nouvelle fable de Lanthimos (Le homard, la mise à mort du cerf sacré ). Entre l’automutilation et l’accident de voiture, peu de choses sont épargnées Sortes de gentillesse. Le film est un triptyque composé de trois segments distincts et autonomes, dans lesquels les mêmes acteurs incarnent des personnages différents. Les trois histoires sont liées par un thème commun. Cela peut se résumer en un mot : contrôle. ES

L’enfant qui mesurait le monde – Éviter

Drame de Takis Candilis, 1h44

Le coup est dur. Le jour même où il est viré de son agence, un promoteur immobilier d’origine grecque (Bernard Campan) apprend le décès de sa fille qu’il n’a pas vue depuis douze ans. Toujours abasourdi par la nouvelle, Alexandre Varda part en Grèce pour rapatrier le corps. Là, il découvre avec stupéfaction qu’il est le grand-père d’un enfant de neuf ans atteint du syndrome autistique… Les entrepreneurs ne tardent pas à venir le voir car le terrain de la maison de sa fille, qui donne sur la mer, pourrait faire place à un magnifique complexe hôtelier… Adapté d’un roman de Metin Arditi, L’enfant qui mesurait le mondeLe deuxième film de Takis Candilis, qui fut pendant de nombreuses années le patron de la fiction sur TF1, aurait pu émouvoir les gens dans leurs chaumières. Hélas, ce long métrage larmoyant est si prévisible, si linéaire qu’il ne procure qu’un agréable ennui, doublé d’une irrépressible impression de déjà-vu. La mise en scène d’une banalité larmoyante reste sagement à sa place. Même Campan semble mal à l’aise dans le rôle du vieux grincheux qui s’adoucit devant son petit-fils. Si l’on ne doute pas de la sincérité de l’entreprise, on jettera un modeste voile sur ce joli téléfilm gonflé aux stéroïdes cinématographiques… DO

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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