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Le mirage de « Akon City », la ville futuriste du chanteur américain, se dissipe au Sénégal

La première pierre du projet « Akon City », à Mbodiène, au Sénégal, en août 2021.

Près du village de Mbodiène, à 100 km au sud de Dakar, face à l’océan Atlantique, poussent des herbes folles, des troupeaux de zébus ruminent, mais pas une seule grue, un marteau-piqueur ou un ouvrier n’est à l’horizon. Accordées en 2020 au chanteur américain d’origine sénégalaise Akon – Alioune Badara Thiam de son vrai nom – pour construire une grande cité futuriste à son nom, ces terres de maquis devraient pourtant être un vaste chantier.

A l’origine, le projet Akon City, dont le budget annoncé était d’environ 6 milliards de dollars (5,5 milliards d’euros au taux de change actuel), promettait l’achèvement d’une première phase de travaux fin 2023, repoussée à 2025 en raison de la pandémie de Covid-19. Celle-ci devait comprendre des routes, un centre commercial, des hôtels de luxe, un hôpital, un commissariat de police et une centrale photovoltaïque. Jusqu’à présent, seule la structure d’un bâtiment incurvé a vu le jour : le « Centre d’accueil » (centre d’accueil) de la future ville, selon les autorités locales.

Le 28 juin, la Société d’aménagement et de promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal (Sapco), rattachée au ministère du Tourisme, a adressé une mise en demeure à l’artiste. Conséquence : si les travaux ne reprennent pas effectivement d’ici fin juillet, l’État pourrait lui retirer la quasi-totalité des terres qui lui avaient été concédées, soit 50 hectares sur 55 (pour lesquels il ne dispose pas encore de titre foncier). Ce qui mettrait, de fait, définitivement fin à Akon City. Contactées, les équipes en charge du projet, représentées notamment par la société KE International, maître d’œuvre du projet, n’ont pas donné suite aux sollicitations de l’État. Monde Afrique.

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« Pour l’instant, nous gardons espoir que le projet débuterasouffle Marcel Diome, le chef du village de Mbodiène. Jusqu’à présent, Akon a tenu toutes ses promesses. Nous croyons donc en lui, même si c’est un peu lent. » Le notable ajoute que la star a financé la construction d’un terrain de basket, d’un centre pour jeunes et clôturé le terrain de football. Des réalisations loin de la ville futuriste annoncée, mais qui sont pour lui la preuve de son engagement.

Une ville digne du Wakanda

Lors de son lancement, Akon City incarnait la promesse d’une nouvelle ville, « vert » Et « technologie de pointe »Imaginée par Akon lui-même, avec le soutien de l’ancien président Macky Sall (2012-2024), les premiers plans, dévoilés en 2018, ont inondé la presse et prédisaient une ville aux infrastructures ultramodernes et à l’architecture courbe ; une ville digne du Wakanda, le royaume africain fictif des films Panthère noire, et qui n’aurait rien à envier à Dubaï. « Je veux que mes bâtiments ressemblent à des sculptures »la chanteuse américaine l’a annoncé lors d’une conférence de presse en 2020, expliquant que les comparaisons avec le blockbuster des studios Marvel avaient « dix fois (son) motivation « .

Le chanteur américain Akon devant une impression d'artiste de son projet

En plus des hôtels de luxe, des centres commerciaux surdimensionnés et des studios de cinéma, Akon avait imaginé la construction d’hôpitaux, d’universités équipées de technologies de pointe et d’une centrale solaire de 120 mégawatts pour produire de l’électricité localement et de manière autonome. La ville aurait même fonctionné avec sa propre cryptomonnaie, « akoin ». Objectif : « pour stimuler le micro-commerce et la stabilité financière en Afrique et au-delà »selon le chanteur. Lancé en 2020, akoin a vu son prix s’effondrer en quelques mois, passant d’une valeur de 0,15 $ à 0,00035 $ aujourd’hui, selon le site BitMart.

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Ce n’est pas la première mise en demeure d’Akon. Déjà en 2022, le manque de travaux lui avait valu un rappel de la part de Sapco. L’équipe du projet avait alors entrepris des études géotechniques et réalisé quelques modestes travaux de terrassement. Dans la foulée, début 2023, la charpente du fameux « Centre d’accueil » était apparu. Depuis, plus rien. Face aux critiques sur l’avancement du projet, Akon avait affirmé lors d’une interview à la BBC, fin 2023, que son projet était « fonctionne à 100 000 % » et que dans le futur, les gens Commentaires « aurait l’air stupide « .

Financement nébuleux

Au Sénégal, certains médias n’ont pas hésité à évoquer une  » arnaque « mais jamais démontré. J’aime le site Dakaractuqui, en mars 2022, se demandait si Akon City n’était pas une pyramide de Ponzi.

« Il n’y a pas eu d’enrichissement personnel ni de fraude »rétorque un ancien collaborateur d’Akon basé à Dakar, qui a démissionné début 2023 avec une dizaine d’autres consultants. « Akon a dépensé des millions de son propre argent pour ce projet. Mais il n’a pas tenu ses promesses d’investissement, même s’il n’est pas en mesure de tout financer lui-même. »il continue, regrettant un « manque d’engagement » de la star américaine. Un problème majeur pour un projet ultra-personnalisé, dont la crédibilité dépend presque exclusivement de celui qui le porte.

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Le financement d’Akon City a toujours été pour le moins trouble. En 2020, la société américaine KE International a indiqué au Monde Afrique avoir « a déjà levé 4 milliards de dollars auprès d’investisseurs menés par Julius Mwale », Un homme d’affaires kenyan déjà impliqué dans un projet similaire au Kenya, la Mwale Medical & Technology City – qui peine lui aussi à démarrer. Selon plusieurs anciens collaborateurs du projet à Dakar, ces promesses de financement pour Akon City ne se sont jamais concrétisées.

« Pour les habitants de Mbodiène, la ville d’Akon reste un rêve »estime Marcel Diome, qui ne désespère pas de voir les anciens champs de maïs et pâturages remplacés par des bâtiments futuristes. Dans la perspective des Jeux olympiques de la jeunesse, qui auront lieu au Sénégal en 2026, la demande d’hébergement devrait exploser entre Dakar et la Petite Côte, le tronçon de littoral au sud de la capitale. Mbodiène et les hectares jusqu’ici promis à Akon intéresseraient ainsi plusieurs investisseurs désireux d’y construire des complexes hôteliers, moins grandioses mais plus concrets.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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