François Durovray lance les travaux sur l’avenir des services d’aménagement du territoire par trains à grande vitesse. Il invite SNCF Voyageurs mais aussi et surtout ses nouveaux concurrents à « participer à ces enjeux ».
Si la concurrence dans le ferroviaire français s’exprime encore de manière anecdotique, les acteurs présents (et la plupart de ceux qui s’impliqueront) se concentrent logiquement sur les liaisons les plus rentables.
Compte tenu des investissements colossaux nécessaires au démarrage, le remplissage des trains est de toute façon la clé de la rentabilité. Exemple avec Trenitalia qui s’est positionné sur la ligne française la plus rentable (Paris-Lyon) et qui envisage Paris-Marseille ; Renfe qui souhaite proposer Paris-Lyon et Paris-Marseille ; tandis que Proxima compte relier Bordeaux, Rennes, Nantes et Angers depuis Paris.
François Durovray, le nouveau vice-ministre des Transports, souhaite faire évoluer ce modèle en associant les lignes TGV à l’aménagement du territoire. Il annonce donc le lancement d’un projet dans ce domaine avec une première série de propositions d’ici l’été prochain.
Il invite SNCF Voyageurs mais aussi et surtout ses nouveaux concurrents à « participer à ces enjeux ».
« Dans un cadre de marché ouvert, les règles du jeu peuvent aussi évoluer. J’aimerais que les nouveaux entrants participent à ces questions d’aménagement du territoire. Je ne vois pas pourquoi ils ne récupéreraient que les services les plus rentables et ne contribueraient pas à l’économie régionale. une logique de planification que nous partageons tous », a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale.
Bonne nouvelle pour les Voyageurs SNCF
Cette annonce est évidemment bien accueillie par SNCF Voyageurs qui salue « un signal très encourageant pour les territoires qui sont légitimement très attachés à leur desserte ferroviaire, et pour SNCF Voyageurs qui partage la même préoccupation. SNCF Voyageurs rappelle qu’elle assure le « tous ces Des services TGV sans aucune subvention publique ».
Rappelons que peu de lignes à grande vitesse exploitées par l’entreprise publique (entre un tiers et demi selon les sources) sont effectivement rentables en moyenne sur un an.
Si l’axe Paris-Lyon est ainsi considérée comme une véritable vache à lait, d’autres sont en déficit, la demande étant inférieure à l’offre. Or, l’opérateur a toujours expliqué avoir trouvé un équilibre économique entre ces lignes pour assurer sa couverture du territoire, c’est ce que l’on appelle « le phénomène de péréquation ».
« L’équilibre économique entre les liaisons à grande vitesse rentables et celles en déficit d’aménagement du territoire (principe de péréquation) est fondamental, car il met en jeu le modèle de grande vitesse français et sa contribution à l’aménagement du territoire », observe SNCF Voyageurs.
« Mais cet équilibre est mis à mal par l’arrivée sur le marché de nouveaux opérateurs ferroviaires qui vont naturellement se positionner uniquement sur des services rentables. »
L’enjeu est politique et financier. Car les prochaines années s’annoncent pénibles financièrement pour l’opérateur. Elle doit percevoir la majoration des péages de 8 % exigée par SNCF Réseau mais aussi et surtout participer à la régénération du réseau ferroviaire à travers un retrait de son bénéfice versé à un fonds de concurrence.
Cependant, avec les nouvelles compagnies ferroviaires se positionnant presque exclusivement sur des lignes très rentables, cette capacité à générer des profits, et donc à préserver le modèle de péréquation, menace de se réduire.
Question politique et financière
Le problème n’est pas nouveau. Face au poids des lignes TGV déficitaires, une rumeur de réduction (ou d’optimisation) de l’offre sur ces services a circulé en début d’année. Cette optimisation se traduirait par moins d’arrêts (surtout sur les tronçons peu rapides), ou par une moindre fréquence quotidienne.
« SNCF Voyageurs dément avoir initié un quelconque projet de réduction globale des dessertes TGV ou d’arrêts de destinations. Aucun projet de ce type n’a été soumis aux autorités de l’entreprise », a réagi l’entreprise.
Néanmoins, l’entreprise a précisé qu’il est de la responsabilité de chaque entreprise d’avoir constamment une réflexion prospective sur l’avenir à 10 ou 20 ans de notre offre au vu de l’évolution du marché et de l’arrivée de la concurrence.
La donne pourrait donc changer si la concurrence « prend sa part » en termes d’offres sur des liaisons jugées non rentables.
« Les nouveaux entrants vont naturellement se positionner sur les lignes les plus rentables et déséquilibrer le modèle économique de SNCF Voyageurs, qui utilisait jusqu’ici les lignes ‘rentables’ pour financer les lignes les moins rentables (péréquation). Des modèles sont possibles, notamment des subventions de l’Etat ou du régions elles-mêmes, pour favoriser le maintien d’une desserte TGV comme c’est le cas de l’accord entre la région Bretagne et SNCF Voyageurs », commente Julien Joly, consultant transports du cabinet Wavestone.
Mais on ne sait pas exactement ce qui pourrait les y obliger. « Ce qui est sûr, c’est que sans l’encadrement du législateur, les nouvelles compagnies ne se positionneront pas sur des lignes secondaires moins rentables mais privilégieront les grandes destinations, déjà bien desservies par SNCF Voyageurs », confirme le spécialiste.
Pire, si cela devient une obligation, l’accès au crédit des banques (déjà très prudentes en matière ferroviaire) pourrait rapidement se tarir, tuant dans l’œuf toute ambition dans ce domaine.