« Le mieux, c'est de rouler en SUV et de conduire sa propre voiture de sport »
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Un homme peint une voiture, à Dakar, en novembre 2023.

Impossible de les rater à Dakar. Des 4×4 et SUV flambant neufs et rutilants garés à l’ombre des belles villas des quartiers huppés de Fann ou de Mermoz, stationnés près des discothèques des Almadies le week-end ou lancés dans la circulation dense en journée, à côté de voitures beaucoup plus modestes, parfois en mauvais état.

« La voiture est devenue le moyen de distinction sociale par excellence » explique Moustapha Seye, socio-anthropologue à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN). « À Dakar, on voit des maisons qui ne sont pas terminées, mais dans le garage il y a une voiture impeccable et récente dont le prix permettrait de terminer les travaux « , ajoute en souriant Pathé, amateur et propriétaire de belles voitures qui n’a souhaité donner que son prénom.

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Un concessionnaire de Dakar, qui cultive la discrétion comme beaucoup de ses confrères, explique : « Le style 4×4, c’est ce que les gens recherchent. C’est LE truc de la bourgeoisie. » Selon lui, l’explication est assez simple : « Vous avez vu l’état des routes ? Du gravier, des ralentisseurs, des nids-de-poule, des bordures très hautes pour se garer… Une belle berline basse ne tient pas longtemps en bon état ici. » En conséquence, de nombreux concessionnaires et revendeurs de la capitale sénégalaise regorgent de véhicules tout-terrain d’allure massive.

Au Point E, quartier huppé de Dakar, il faut montrer sa carte grise pour entrer chez Kama Automobiles. Ici, les prix de ces voitures de luxe s’élèvent à plus de 200 millions de francs CFA (un peu plus de 300 000 euros) dans un pays où le salaire mensuel moyen oscille entre 70 000 et 110 000 francs CFA (entre 107 et 168 euros). Que recherchent les clients ? « Une bonne climatisation, une boîte automatique car c’est pratique dans les embouteillages… et du luxe « , résume Gilbert Diouf, le propriétaire. Chez Mansour Motors, aux Almadies, autre quartier privilégié, un employé s’improvise sociologue :  » Quant à les femmes, elles adorent la classe Mercedes GLE. Encore un véhicule à roues hautes.

« Bling Bling »

De nombreux Dakarois fortunés possèdent non pas une, mais plusieurs voitures. « Un bon client est quelqu’un qui a un SUV pour la semaine, une voiture qu’il a achetée pour sa femme et un jouet pour le week-end ou les soirées, comme une Mercedes-Maybach, une Brabus ou une Audi A8 », Une devise de concessionnaire. Pathé le confirme : il ne sort sa Porsche que pour sortir en boîte de nuit ou en vacances sur la Petite Côte, une portion de littoral très prisée des touristes au sud de Dakar. « Avec les nouvelles autoroutes sans radars, on peut aussi pousser le moteuril décrit. Mais le mieux est d’avoir un chauffeur pendant la semaine, pour vous conduire en SUV, et de conduire votre propre voiture de sport, 4×4 de luxe ou voiture allemande le week-end.

Ici et là, notamment le samedi soir à proximité des lieux de sortie, on peut croiser dans la capitale divers modèles originaux, rares et même luxueux : Mustang, Bentley, Rolls Phantom, etc. « Ces voitures sont achetées directement ou par l’intermédiaire de concessionnaires à Dubaï, aux États-Unis ou en Allemagne »explique Yannick, très jeune et déjà bien informé, qui anime une page sur Instagram dédiée aux voitures de luxe de Dakar (il n’a pas souhaité non plus donner son nom) : « Si vous êtes un haut fonctionnaire, vous essayerez de rester sobre. Si vous êtes un entrepreneur ou le fils d’un haut fonctionnaire, vous serez ouvert à davantage de bling-bling. »

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La presse quotidienne fait état des acquisitions de personnalités, comme les fils de la star nationale Youssou Ndour ou le chanteur Wally Seck, connu pour avoir roulé un temps en Bentley. Les très riches offrent parfois des véhicules d’exception aux marabouts, les nombreux chefs religieux de la confrérie islamique sénégalaise. Au sein de la bourgeoisie et de la jeunesse dorée, des anecdotes se partagent sur le virus automobile qui continue de faire des victimes. Un tel a déjà fait venir un garagiste d’Europe pour un modèle dont personne ne voulait s’occuper à Dakar, un autre est tombé en panne quelques jours après avoir acheté un véhicule hors de prix et totalement inadapté au diesel local…

« Les goûts de la bourgeoisie déteignent sur le reste de la société »note Moustapha Seye. Si de nombreux Dakarois se déplacent encore dans des bus indiens Tata, dans les célèbres « cars rapides » colorés ou sur de petites motos de 125 cm3Les voitures particulières se multiplient à mesure qu’une classe moyenne émerge. Les importations et les immatriculations augmentent d’année en année, assure un fonctionnaire des douanes. Les derniers chiffres officiels publiés remontent à 2018 : 34 000 véhicules immatriculés, contre 31 000 l’année précédente.

La Ford du Président

Les SUV abordables ou d’occasion, dont les lignes rappellent les grandes marques et les modèles iconiques du genre, ont souvent la cote. Le magazine sénégalais Cliquez sur la voituredédié aux automobiles, mentionné dans un éditorial de 2023 « La SUV-ification du marché sénégalais »Selon le groupement de concessionnaires agréés, la voiture la plus vendue de 2023 est un SUV : le Toyota Prado. Le président Bassirou Diomaye Faye a également choisi ce type de modèle : l’ancien inspecteur des impôts a acquis en 2022 un Ford Explorer Platinum d’occasion qui lui a coûté 19 millions de francs CFA (environ 29 000 euros).

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« Depuis une vingtaine d’années, la tendance à marquer son prestige social par l’automobile est claire. Les gens dépensent des sommes importantes par rapport à leurs revenus pour leur véhicule »explique Moustapha Seye. Au Sénégal comme ailleurs, l’automobile est plus qu’un moyen de locomotion. Une « culture de l’automobile » s’est installée. Depuis une décennie, Cliquez sur la voiture propose aux lecteurs des actualités, des critiques et des notes. Sur Instagram, il existe une multitude de comptes spécialisés.

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Yannick, le jeune animateur d’un de ces comptes, est enthousiaste. Lui et ses amis, certains à peine sortis du lycée, se sont donné rendez-vous sur la piste de l’ancien aéroport de Yoff, au cœur de la capitale. Certains viendront avec des Subaru d’occasion qu’ils ont customisées. D’autres, bien nés, défileront en Porsche. Les bons conducteurs tenteront « les dérives ». Tout cela sous les objectifs de leurs camarades, qui s’empresseront de poster les images sur les réseaux sociaux.

Résumé de la série « L’Afrique des riches »

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