Le Média doit devenir une chaîne de la TNT
La télévision était, est et reste un pouvoir. Et l’actualité récente en France le rappelle amèrement. Alors que les forces de gauche se mobilisent pour tenir tête à l’extrême droite après la défaite du camp présidentiel lors des dernières élections européennes, et la dissolution de l’Assemblée nationale qui a ouvert la voie à des élections législatives anticipées, peut-on sérieusement éviter remettre en question la responsabilité des médias dans cette mise en danger des valeurs démocratiques ?
Cela semble évident : la banalisation du discours d’extrême droite sur les plateaux de télévision n’a pas été sans conséquences, la surexposition de personnalités d’extrême droite sur certaines chaînes d’information en est un symbole. Quelques chiffres : en mai 2024, dans la dernière ligne droite avant les élections, Jordan Bardella a été exposé dans les médias 17 309 fois, tandis que Manon Aubry l’a été 5 344 fois – bien moins que Marion Maréchal par exemple, dont le parti politique est pourtant plus « modeste » . Très loin derrière, Marie Toussaint a été exposée 3 528 fois.
Parallèlement, un processus de concentration des entreprises de presse s’achève, avec onze milliardaires détenant 80 % de la presse quotidienne généraliste, ce qui représente près de 60 % des parts d’audience de la télévision et la moitié des audiences de la radio. Dans le même temps, nous assistons à un déclin de l’indépendance éditoriale, comme en témoignent les grèves de ces dernières années et le départ de nombreux journalistes.
Il n’est plus possible de se contenter de se lamenter ! Des solutions pour sortir de ce piège existent. Plus que jamais, il est essentiel que l’information indépendante ait un espace et fasse entendre sa voix sur les ondes publiques, via la télévision numérique terrestre.
En effet, le paysage des médias indépendants français est riche et dynamique. Mais il se trouve malheureusement confronté à un réel problème d’accessibilité, de « découvrabilité ». A quoi sert de construire une ligne éditoriale de qualité si elle ne s’adresse qu’à un petit groupe de personnes déjà informées et conscientes des grands enjeux de notre société ? Ou si leur exposition reste dépendante des algorithmes capricieux des firmes de la Silicon Valley ?
Le paysage audiovisuel français est en grande partie organisé par l’Autorité de régulation de l’audiovisuel et de la communication numérique (ARCOM). C’est ARCOM qui contracte les chaînes de télévision, notamment celles diffusées via la TNT, un bouquet de 30 chaînes accessibles gratuitement sur tout le territoire national et dont l’audience quotidienne représente des dizaines de millions de citoyens. .s.
C’est suite à cette observation que Les média, qui était à l’origine une web télévision et un site internet, a choisi de se transformer en une chaîne de télévision d’information à part entière, aujourd’hui diffusée sur Freebox, sur son site Internet et sur YouTube. Une chaîne de télévision qui postule pour obtenir l’une des quinze fréquences publiques mises en jeu cette année par l’ARCOM.
Les média est une coopérative médiatique, membre de l’écosystème médiatique indépendant, et se veut une alternative sérieuse à la concentration des médias entre les mains des puissances industrielles. Une chaîne d’information unique, qui ose dire d’où elle parle tout en respectant scrupuleusement la déontologie journalistique et les règles du pluralisme. Une chaîne de télévision qui donne un large écho à des secteurs de la société peu représentés à la télévision : chercheurs en sciences sociales et économiques, militants associatifs et syndicaux, travailleurs de tous les jours, mais aussi militants écologistes, féministes et antiracistes. …La volonté de Médias est de construire un rassemblement médiatique capable d’apporter de la contradiction au discours dominant. Cette prochaine chaîne de la TNT devrait également servir à diffuser des programmes d’autres médias indépendants ou partageant des valeurs communes ; des discussions ont déjà commencé avec des médias tels que Reporterre, Politis, Regards, StreetPress, L’Humanité et Mediapart.
Le dossier de Médias a été sélectionnée parmi 25 candidatures qui concourront pour les 15 chaînes attribuables en juillet prochain. Conscients du potentiel révolutionnaire que pourrait représenter une telle attribution de chaînes dans le paysage audiovisuel français, nous souhaitons apporter dès maintenant notre soutien à cette initiative bienvenue et appelons l’ARCOM à examiner favorablement cette application alternative.
– Lexi AGRESTI, auteure et militante des droits des trans
– Joseph ANDRAS, écrivain
– Marc BELISSA, historien
– Yannick BOSC, historien
– Johann CHAPOUTOT, historien
– Compagnie JOLIE MÔME
– David DUFRESNE pour Au Poste
– Eva DOUMBIA, auteure, réalisatrice
– Stathis KOUVELAKIS, philosophe
– Frédéric LORDON, philosophe
– Sandra LUBERT
– Lucien MAINE, comédien et auteur
– Gérard MAUGER, sociologue
– Florence MENDEZ, comédienne et auteure
– Marwan MOHAMMED sociologue
– Manès NADEL, vice-président de l’USL
– Sylvain PATTIEU, historien, écrivain
– Willy PELLETIER, sociologue, coordinateur général de la Fondation Copernic
– Swann PERISSÉ, comédien
– Thomas PORCHER, économiste
– Mathieu RIGOUSTE, sociologue
– Pablo SERVIGNE
– Ritchy THIBAULT, co-fondateur de Peuple Révolté
– Anna TOUMAZOFF, militante féministe
– Gwenn THOMAS-ALVES (présidente de l’USL)
– Suzie TOZON, doctorante historienne
– Syndicat des lycées
– Leslie VILLIAUME, historienne
– Eric VUILLARD, écrivain, Prix Goncourt