Le Maroc dans le rétroviseur
Les nouvelles les plus importantes de la journée

Le Maroc dans le rétroviseur

Le Maroc dans le rétroviseur

Il n’y a pas que Cannes dans la vie, il y a aussi les films qui sortent pendant le festival de Cannes, et qui bénéficient parfois de moins de visibilité. Il arrive pourtant que lors du grand rassemblement cannois, de très bons films sortent, c’est le cas de « Reines », le premier long métrage de Yasmine Benkiran, cinéaste franco-marocaine ; il est décrit comme une « escapade féministe », qui peut faire craindre des motifs et des mécaniques aujourd’hui éculés, mais qui sont présentés dans le film avec leurs propres idées.

Tout commence dans une prison pour femmes de Casablanca, une très jeune fille de douze à treize ans doit répondre à des questions : pourquoi a-t-elle brûlé toutes les chaussures de ses camarades de classe. Parce qu’elle voulait voir leurs pieds, explique-t-elle, observation nécessaire pour savoir si les gens sont ou non djinns, – les démons. On comprend vite que la femme qui l’interroge est sa mère, et que c’est elle qui est détenue. Zineb est en prison pour trafic de drogue et elle est sur le point de s’évader. L’autre personnage du film est une autre jeune femme, Asma, une mécanicienne, mariée à un homme qu’elle semble détester. Un jour où elle doit livrer des paraboles à son patron, Zyneb apparaît accompagnée de sa fille et armée d’un revolver : elle ordonne à Asma de conduire, et toutes les trois sont en fuite sur les routes marocaines, poursuivies par un couple de policiers. moins déterminés à les arrêter que curieux de comprendre ce qui se passe et où ils vont.

Faites confiance à l’histoire

Le film articule plusieurs idées, et il le fait avec sagesse.**** Il y en a une évidente mais pas écrasante, celle de représenter le Maroc sans effet de carte postale : en projetant ses héroïnes sur des routes qui les mènent à travers les banlieues urbaines de Casablanca, les montagnes les villages, les déserts, la côte, vers le Sud qu’ils cherchent à atteindre, et qui apparaît comme un le no man’s land où ils pourraient se cacher. Il ne s’agit pas d’un Maroc de folklore, mais plutôt d’un terrain de cinéma, modalisé par référence au genre – le western, le road trip américain, le film d’évasion. C’est un pays où l’on sent des tensions sociales sans que le film soit trop démonstratif à cet égard et notamment sur la condition de la femme : toutes deux autonomes de fait, présentes dans tous les métiers (Asma est mécanicienne, elle conduit un camion, l’un des le principal flic est une femme), mais plus fragile à certains endroits – une scène terrible montre Zineb qui manque de se faire lyncher par un groupe d’hommes, dont un qu’elle a séduit pour lui faire payer un repas.

Mais surtout, au-delà de l’ambition du réalisateur de dépeindre un pays ou une société, il y a une volonté primordiale de créer de la fiction, d’avoir confiance dans l’intrigue et dans les personnages, qui ne sont pas là seulement pour représenter, pour porter sur les épaules poids des archaïsmes ou désir de liberté. Reines est un très bon film d’évasion, avec des courses-poursuites dans le désert très efficaces, des rebondissements et des effets de suspense bien équilibrés, mais aussi un substrat magique, qui fonctionne sous la forme d’un conte traditionnel auquel la petite fille croit beaucoup. fort. Zineb et Asma forment un excellent couple féminin, en dehors des lieux communs. Et qui m’a fait penser à un autre film marocain sorti il ​​y a quelque temps, Déserts, signé Faouzi Bensaïdi. C’était aussi un road trip, celui d’un couple d’hommes cette fois, deux agents de recouvrement partis de Casablanca vers les villages de l’Atlas : une trajectoire identique. Ces deux films en écho forment une image nouvelle et féconde du Maroc et de son cinéma.

Quitter la version mobile