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« Le Mal joli » d’Emma Becker ou le journal d’une servante passionnément amoureuse


Dans « Le Mal joli », il y a beaucoup d’amour, de passion, de nuits et d’après-midi torrides dans les chambres où se retrouvent Emma et Antonin. Il y a aussi de la littérature qui transforme les journées de douleur et de passion en 409 pages d’un roman sans écran pour cacher le désir.

France Télévisions – Culture Edito

Publié


Temps de lecture : 5 min

Emma Becker, avec son sixième roman, continue de construire une œuvre dans laquelle le sexe, l’autofiction et la littérature deviennent un ménage à trois. En 2019, son succès avec La Maison raconte son expérience de prostituée pendant deux ans dans deux bordels berlinois. Succès critique et littéraire. Elle est apparue avec M, en 2011. C’était l’histoire, déjà dans une chambre d’hôtel, d’une liaison entre un homme marié et une jeune femme de 20 ans. Déjà aussi la passion et sa spirale de fièvre et de douleur.

La jolie Méchante, publié le 22 août 2024 par Albin Michel, est l’une des sensations de la rentrée avec le ppremière sélection du prix Deux Magots 2024, la première sélection du prix Femina, la sélection Transfuge des vingt meilleurs livres de la rentrée littéraire et le prix de la rentrée du Festival des Écrivains à Gonzague Saint Bris.

L’histoire : En trois saisons, du printemps à l’automne, le lecteur suit les amours profondément passionnées et charnelles entre Emma, ​​mariée, mère et écrivaine, et Antonin, lui aussi en couple et écrivain… Lui aussi. Emma, ​​c’est Emma Becker. Pour Antonin, le Landerneau littéraire a reconnu Nicolas d’Estienne d’Orves, un écrivain un peu réactionnaire, au goût du bon et du mauvais goût. Le joli mal se déroule du Saint-Germain littéraire à la province où vit Emma. Entre les deux, leurs échanges épistolaires construisent un roman, celui d’une femme follement amoureuse et furieusement désirante.

Elle démarre à la sortie de la rue Delambre, quartier Montparnasse. « J’entends Antonin me proposer une petite promenade : préférerais-je visiter son bureau d’écrivain sous les toits ou discuter devant une cheminée chez lui ? Ils remontent ensemble le boulevard Raspail. La promenade se terminera au lit ou plutôt devant la cheminée.Avant même que vous puissiez dire ouf, vous êtes assis dessus, toujours en train de rire, et vous vous retrouvez avec un nouvel amant. C’est ainsi qu’Emma raconte ses rendez-vous.

« Ton petit hôtel borgne ne me fait pas peur. Je l’ai déjà dit et je n’ai pas peur de te le répéter, je te baiserais sur un tas de fumier dans les égouts. Alors si tu crois que j’ai peur d’un ibis… ! » Les utilisateurs qui fréquentent régulièrement Ibis l’apprécieront.

La géographie adultère est aussi celle de la bibliothèque d’Antonin. Sur les étagères se trouvent les auteurs antisémites et peu recommandables Brazillach et Rebatet. Emma sursaute. Premier cadeau d’Antonin : un Paul Morand, Hécate et ses chiens, ce qui fait dire à Emma pour décrire son amour… « Oui, je lis Paul Morand. Cette géographie politique peut se résumer ainsi : elle, la banlieusarde de gauche, aime un homme de droite, en pantalon de velours rouge, de la rive gauche parisienne.

Depuis le début de sa carrière, Emma Becker a du style. Celui d’une écrivaine qui exprime sans détours, crue et sans besoin d’image, le désir, le plaisir, les corps qui se préparent à la rencontre pour se souder dans un élan fiévreux. Le message textuel sensuel suivra : « Je te noie de caresses, Antonin. »

Ce n’est pas toujours aussi romantique quand Emma dit : « Mais je ne peux parler qu’à toi, je suis désolé de te faire rire, de te faire bander et de te faire sentir moins seul. » Un peu de porno dans une belle plume et le talent de glisser ce que personne ignorant l’amour n’appellerait grossier dans une jolie phrase. « Essoufflé, bouche bée autour de ses doigts, je regarde le plafond de mon hôtel, un rayon de soleil que le grand platane fait vaciller et renaît. »

Amante et mère, un cinéaste d’antan, Jean Eustache en 1973 le résumait dans le titre de son film La maman et la pute. Pour Emma, ​​ces élans passionnés sont aussi déchirants. Ne pensant pas assez à ces enfants, le mari n’apparaissant quasiment pas dans cette autofiction. Les chemins du jardin secret et de la double vie sont parfois parsemés de tristesse.

Elle demande à Isidore, son fils qu’elle va chercher à l’école, ce qu’il aimerait faire plus tard.De toute façon, je ne serai jamais écrivain (…) parce que quand on est écrivain, on n’est jamais à la maison, on n’a jamais le temps de s’occuper de ses enfants. » C’est ainsi que naît la conviction que tout ce qui se passe en dehors des enfants ne vaut rien.

Ce pourrait être un roman ferroviaire, un peu sentimental, un peu pornographique, bien que les romans ferroviaires aient leurs saveurs. C’est une autofiction pour dire que parfois les histoires d’amour ne finissent pas toujours si mal et qu’écrire son désir reste un acte de féminisme littéraire.

Extrait : « Il y a en nous une envie de nous épuiser l’un l’autre pendant qu’il en est encore temps, pendant que cette nausée du plaisir et du manque s’installe lentement. Heureusement que tu n’habites pas à Paris », dit-il gravement. « Mais, répondis-je, si j’habitais là, nous n’aurions pas cette urgence de nous voir, à toute heure du jour et de la nuit. Devant cette certitude d’être bientôt séparés, nous sommes tombés dans un stakhanovisme de la baise qui me semble nous gêner jusqu’à la moelle, obligés de baiser, de nous sucer jusqu’à ce que l’un de nous crie pitié, mais ce sortilège, si puissant soit-il, n’a rien à voir avec le fait de s’aimer. Peut-être sentait-il, mieux que moi, que nos silences, notre oisiveté n’étaient pas un inconvénient, mais une incapacité à voir au-delà de cette faim des corps. Quand les organes ont fini de parler, voilà deux êtres qui nous rappellent brusquement qu’ils pourraient aussi bien s’entendre. Plutôt que de commencer à confondre cela avec de l’ennui, mieux vaudrait écourter notre rendez-vous, se languir l’un de l’autre jusqu’au soir, mieux vaut s’aimer très fort pendant une heure que de se sentir tièdes pendant tout un après-midi. »

« Le Mal joli » d’Emma Becker, éditions Albin Michel, 409 pages, 21,90 euros

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Jewel Beaujolie

I am a fashion designer in the past and I currently write in the fields of fashion, cosmetics, body care and women in general. I am interested in family matters and everything related to maternal, child and family health.

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