Dans les couloirs du magazine Le Point, «c’est la sidération». Ce mercredi 23 avril, au matin, les cadres de l’hebdomadaire détenu par François Pinault et dirigé par Etienne Gernelle ont pris la parole devant tous les salariés pour annoncer un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) concernant 58 postes. En tout, 32 salariés en CDI et 26 pigistes réguliers seront concernés, sur les quelque 200 salariés et la centaine de pigistes employés par le journal. «Les salariés ne comprennent pas qu’un journal qui se présente comme le leader sur le marché se retrouve aujourd’hui confronté à un plan social de cette ampleur, confie à Libération une source interne à l’hebdomadaire. Ça va être une saignée.»
Ce PSE, qui débutera par une première phase de départ volontaire «pour une très petite part des employés» selon nos informations, sera négocié pendant deux mois entre la direction et les salariés. Sa mise en œuvre est prévue à la rentrée 2025. En parallèle de ces suppressions, la direction du Point a également annoncé la création de 18 postes. «Mais pour ce volet, aucun détail n’a été annoncé, cela pourrait très bien être des recrutements externes», regrette la même source, qui ajoute que ce plan social est «deux fois plus important que le précédent de 2014». Et de poursuivre : «La rédaction a pris un coup sur le casque.»
Le service de correction /révision de l’hebdomadaire sera en première ligne – «et de très loin» – face à ces licenciements à venir, alors qu’il avait déjà été massivement touché par le précédent PSE. Tous les postes en CDI du service avaient été transformés en postes de pigistes. Avec ce nouveau plan de départs, quatre postes seulement seront conservés sur la quinzaine de salariés actuelle.
Ces quatre personnes auront pour tâche de venir «superviser le travail de l’IA», déplore un journaliste du Point, «car l’idée de la direction, c’est qu’avec l’IA, on pourrait se passer des correcteurs». Une autre source interne ajoute auprès de Libération que «l’intelligence artificielle changera vraiment la donne pour ce service». Pour autant, l’IA restera «toujours sous surveillance humaine», tente-t-il de rassurer.
Parmi les autres services touchés : l’édition, chargée de mettre en page les articles, avec 6 postes supprimés. Le service des journalistes rédacteurs, en charge de l’écriture des articles, sera lui aussi amputé de 5 postes. «C’est la panique pour tout le monde. On a doublé le scénario du pire que l’on envisageait», témoigne un journaliste lui aussi sous couvert d’anonymat. Depuis plusieurs mois, l’organisation de réunions hebdomadaires au sein des locaux du magazine, dans une salle réservée sous l’inscription «Task Force RH», avait déjà suscité la crainte du personnel.
Etienne Gernelle, directeur du Point contacté par Libération, soutient, lui, un «projet de réorganisation qui s’inscrit dans un plan global de montée en gamme, d’accent mis sur le reportage, sur l’enquête, et un relatif retrait de la course à l’actualité qui nous est imposée par les GAFAM». Avec ce projet «souverainiste», Etienne Gernelle veut «prendre en compte l’usage accru des nouvelles technologies» tout en «accompagnant au mieux les salariés sur le plan social».
Et un autre employé de souligner : «On ne comprend pas comment la direction parviendra à concrétiser ses ambitions de montée en gamme du titre avec une équipe qui comptera une quarantaine de salariés en moins.»