Le Liban menacé par le chaos humanitaire
Face à l’ampleur des frappes israéliennes au sud et à l’est du Liban, ainsi qu’à Beyrouth, les acteurs humanitaires déployés sur place ne peuvent que se rendre à l’évidence. « Le pays est au bord d’une catastrophe humanitaire, les besoins sont colossaux »note Frédéric Cussigh, chef du bureau extérieur de Beyrouth et du Mont-Liban au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Depuis le 8 octobre 2023, date des premiers tirs de roquettes du Hezbollah sur Israël en soutien au Hamas palestinien, le Liban a enregistré plus de 2 000 morts dans ces raids israéliens, dont 1 110 depuis le passage à la guerre ouverte le 23 septembre. « Cent vingt-sept enfants ont été tués, dont 100 ces derniers jours, et sur les 890 enfants blessés, 700 l’ont été également en deux semaines », précise Christophe Boulierac, porte-parole de l’Unicef au Liban.
« Les gens ne savent pas où aller »
L’intensité et le nombre des frappes israéliennes ont entraîné le déplacement de 1,2 million d’habitants à travers le Liban, dont 400 000 enfants, selon les organisations onusiennes. Un cinquième de la population a dû fuir son domicile. Si l’armée israélienne affirme cibler les bastions du Hezbollah dans le sud du pays et dans la banlieue sud de la capitale, « l’ampleur est nationale, remarque Frédéric Cussigh. Avec des bombardements d’une telle intensité à Beyrouth ou dans la Bekaa, quasiment aucune région du pays n’est épargnée. Les gens ne savent pas où aller. »
L’urgence consiste d’abord à mettre à l’abri ces personnes déplacées. « Beaucoup se sont précipités chez des proches ou des voisins. Certains ont vu 25 personnes arriver chez eux en une demi-journée, explique Christophe Boulierac. Mais d’autres sont dans la rue ou dans des refuges mis à disposition par les autorités. Nous en comptons actuellement plus de 900, pour la plupart des écoles publiques. »
Parti précipitamment, « avec un enfant sous chaque bras », les déplacés n’ont rien pu emporter avec eux. « Nous leur fournissons une aide indispensable, des matelas, des sacs de couchage, des kits d’hygiène. Beaucoup d’enfants sont encore en pyjama”ajoute le représentant de l’Unicef, qui voit déjà poindre les traumatismes. « Les enfants ont peur. L’un d’eux m’a dit qu’il voulait un bracelet avec son nom, pour être identifié en cas d’attentat. »
Un pays déjà sur le terrain
Cette intensification de la guerre frappe un pays déjà sur le terrain. « Le Liban n’est pas dans la même situation que lors de la guerre de 2006, remarque Frédéric Cussigh, qui était là il y a dix-huit ans. La capacité d’action est bien plus limitée après le Covid, la crise économique et politique et l’explosion du port de Beyrouth en 2020, dont le pays se remettait à peine. »
Car depuis 2019, le Liban est confronté à une crise multisectorielle, durant laquelle les Libanais ont vu la livre sterling s’effondrer de 95%, tandis que la classe politique reste incapable de combler le vide à la tête du gouvernement. État. « Le Liban était déjà au fond du gouffre, avec un appauvrissement généralisé de la population, un effondrement du secteur public, l’émigration des jeunes et du personnel médical.se souvient Vincent Gelot, directeur Liban-Syrie de L’Œuvre d’Orient. Cela aura un impact sur la façon dont la guerre sera gérée dans les mois à venir. »
Une course contre la montre est en cours. « Pendant un an, il a fallu veiller à ce que la réponse humanitaire continue, à ce que l’eau soit disponible, aux vaccinations… Il faut désormais assurer la réponse d’urgence pour que le reste ne s’effondre pas », insiste Christophe Boulierac.
L’une des préoccupations concerne l’eau. « Vingt-cinq stations de distribution d’eau ont été endommagées par les bombardements. Cela peut devenir un niveau de risque supplémentaire. » Aucun répit n’est en vue sur le plan humanitaire : Israël, qui a mené mardi 8 octobre de nouvelles frappes au sud et à l’est du pays, a annoncé avoir déployé une quatrième division, la 146eciblant cette fois le Sud-Ouest.