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Le Liban, épicentre de tous les maux du Moyen-Orient

Il y a moins d’un demi-siècle, le Liban était un « paradis », considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Dans la Bible, ce pays historiquement chrétien était déjà présenté comme le pays de l’abondance, une terre bénie des dieux, riche en lait et en miel. A l’époque du renouveau arabe, la « Nahda » du XIXe siècleet siècle, dans les années 1950, il rimera par la suite avec développement, modernité, laïcité, profusion, richesse et douceur de vivre.

Chanté et loué par des artistes légendaires comme Fairuz, des poètes comme Khalil Gibran, des écrivains contemporains comme Amin Maalouf, le Liban est aussi incarné aujourd’hui à l’international par de nombreuses personnalités du monde des arts, de la culture et des médias. Beaucoup ne sont plus là, hélas, et ne sont plus que les ambassadeurs d’un monde disparu.

En 2024, le pays n’en est presque plus un, ravagé par les guerres civiles, les luttes politiques, les influences étrangères, les crises bancaires, les vagues successives d’immigration et de réfugiés des pays voisins. L’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, a été le symbole de l’implosion finale de ce pays.

Avec une superficie de 10.452 kilomètres carrés, le pays est trois fois plus petit que la Belgique et deux fois plus grand qu’Israël ; ce qui montre l’étroitesse de sa marge de manœuvre face à la croissance démographique exponentielle dont il est victime depuis plusieurs décennies. Entre 1960 et 2023, le Liban est ainsi passé de 1,83 million d’habitants à 5,85 millions. C’est en 2013 que le minuscule territoire a connu sa plus importante augmentation (+7%), au moment de la guerre civile syrienne, avec l’afflux de près de 2,7 millions de réfugiés.

Mais cet épisode n’est qu’un coup de plus à la pression démographique sur le pays. La guerre civile libanaise, qui verra s’opposer à partir de 1975 chrétiens et Palestiniens, arrivés par vagues massives depuis la création de l’État d’Israël, en est le résultat majeur. Les équilibres politiques sont complètement bouleversés et le Fatah palestinien va mener ses opérations contre l’État hébreu depuis le pays hôte, produisant encore plus d’instabilité et de menaces pour la sécurité du pays.

On peut parler d’une véritable faillite bancaire, alors que le pays était très riche avant la guerre civile.

La Syrie décide d’entrer au Liban en 1975 et y reste jusqu’en 2005 pour protéger ses intérêts. En 1978, Israël envahit une première fois le pays pour lutter contre Yasser Arafat, puis occupe le sud du Liban de 1985 à 2000. Le pays est alors miné par la guerre et les luttes par procuration entre pays voisins, dressant les populations les unes contre les autres.

La puissance qu’est devenu aujourd’hui le mouvement terroriste Hezbollah au Liban trouve ses racines dans le chaos de l’époque ; il est né en 1982 pour lutter contre l’occupation du sud du Liban par Israël. Aujourd’hui, son bastion se trouve dans la même région et au sud de Beyrouth (ainsi qu’à Baalbek, vers la frontière syrienne), où l’État hébreu a tué il y a deux semaines l’un de ses leaders emblématiques, Fouad Chokr, également chef militaire du mouvement. Depuis vingt ans, la Syrie et Israël se sont retirés du Liban et le Hezbollah a comblé le vide, intensifiant la menace qui pèse sur l’État hébreu, au même titre que le Hamas à Gaza. Son principal sponsor est l’Iran, ennemi numéro un de Tel-Aviv.

Le Liban a été créé par la Société des Nations en 1920, après le démantèlement de l’Empire ottoman. Le système politique libanais est un héritage du mandat français qui a duré de 1920 à 1943. Afin de respecter les équilibres communautaires et démographiques de ce tissu social multiethnique, un modèle de vivre ensemble a été proposé qui fonctionnera année après année jusqu’à l’arrivée des premières vagues de réfugiés palestiniens en 1948.

Le pays s’enfonce rapidement dans des divisions communautaires qui vont exploser et conduire à la guerre civile de 1975. Le confessionnalisme demeure aujourd’hui mais le système est plus paralysé que jamais. Depuis 2022, les parlementaires libanais ne parviennent pas à élire un nouveau président, dont le poste reste vacant. Le gouvernement est depuis lors en intérim.

Certains hommes politiques sont proches de l’Arabie saoudite (le clan Hariri), d’autres de l’Iran (Nabih Berri, président chiite du Parlement libanais). Pour beaucoup, le pays devrait s’affranchir d’un cadre institutionnel qui ne correspond plus à la réalité du pays et rappelle l’époque du mandat français. A cela s’ajoute la crise économique sans fin que traverse le Liban.

On peut parler d’une véritable faillite bancaire, alors que le pays était très riche avant la guerre civile. Aujourd’hui, les capitaux ont fui en grande partie vers les Émirats arabes unis, et les Libanais en sont arrivés au point où ils ne peuvent plus retirer d’argent liquide de leurs comptes en banque. On se souvient des scènes de violence de l’année dernière de la part de Libanais ordinaires venus avec des armes pour tenter de récupérer une partie de leur argent à la banque.

Le Liban est ainsi devenu une coquille vide, livrée aux appétits et aux intérêts de ses voisins.

Les caisses de l’État sont vides et le pays est menacé par une crise sans fin selon le FMI. Il est impossible de payer par carte bancaire à Beyrouth, tout se fait en cash, et vu la dépréciation de la livre libanaise, l’usage du dollar est devenu courant. L’inflation a atteint 200% entre 2020 et 2023. Si l’activité avait repris en 2022, l’économie reste totalement déprimée. Le désengagement de l’État dans les dépenses souveraines et essentielles préempte jour après jour les conditions de vie des Libanais.

Le Hezbollah tire les marrons du feu et détient une fortune colossale, à l’abri des frontières du pays. Au-delà de mener la barque politique libanaise, à travers ses franchises politiques, le mouvement de Hassan Nasrallah est plus fort, plus riche et plus puissant que jamais. Les services secrets américains estiment la fortune du leader à près de 250 millions de dollars.

Soutenu par la Syrie et surtout par l’Iran, le Hezbollah est l’entreprise la plus rentable du pays. En 2021, Nasrallah estimait à 100 000 le nombre de combattants de son organisation alors que l’armée libanaise comptait à peine 60 000 soldats. Il tient donc les rênes du pays, sous couvert de « résistance » à l’État hébreu. Face à une classe politique totalement discréditée, corrompue et impuissante, le mouvement a pourtant gagné encore en popularité ces derniers mois. Il crée des emplois, lutte contre l’ennemi israélien, soutient les réfugiés.

Le réseau de soutien régional, qui s’étend de la Syrie et de l’Iran chiite au Hamas sunnite, aux Houthis du Yémen et aux milices pro-iraniennes en Irak, renforce encore cette position. La clause de solidarité, à la manière occidentale, jouerait contre ses intérêts en cas d' »agression » majeure.

Le Liban est ainsi devenu une coquille vide, livrée aux appétits et aux intérêts de ses voisins. Modèle politique, économique et social pendant des décennies, il n’est plus que l’ombre de lui-même et pourrait retomber du jour au lendemain dans la violence totale. Jusqu’à récemment, Beyrouth faisait encore office d’oasis, mais l’assassinat du chef du Hezbollah et le survol d’avions israéliens au-dessus de la capitale ne risquent pas d’apporter beaucoup de répit à cette ville, dont la moitié a déjà été ravagée dans l’explosion du port – et qui porte à chaque coin de rue les cicatrices encore vives des différentes guerres qui ont eu lieu sur son territoire.

Malheureusement, il n’y a actuellement aucun espoir pour ce beau pays plongé dans l’enfer, qui tente encore de panser ses blessures mais pense de moins en moins à son avenir dans la paix. Comment mettre fin à la violence, aux tensions régionales qui pourraient faire de son territoire l’épicentre d’une future guerre généralisée ?

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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