Le léopard est le survivant par excellence, mais ses menaces s’accroissent
« Dans les années 2000, nous estimions qu’il restait entre 25 et 35 léopards », explique Dale Miquelle, spécialiste des grands félins au sein de l’association à but non lucratif Wildlife Conservation Society. Mais ils se rétablissent. En 2022, on comptait plus de 100 léopards adultes en Russie, ainsi qu’une population croissante en Chine, même si elle n’est pas viable.
La trajectoire du léopard d’Anatolie est encourageante : il réapparaît dans des régions d’Iran et d’Irak où il était absent depuis longtemps. Bien que la population reste fragile, il y a de l’espoir, affirme Arash Ghoddousi, scientifique en conservation et membre du groupe de spécialistes des félins de l’UICN.
Ce félin est le mieux documenté de toutes les sous-espèces grâce à une initiative conjointe de l’UICN et de la Convention sur les espèces migratrices, qui a permis de recueillir des informations auprès d’experts sur toute son aire de répartition, de la Turquie au Caucase. « Cette initiative a servi de référence pour les travaux régionaux », explique Ghoddoudi.
Cela en dit long sur ce qui peut se produire lorsque des personnes de différentes régions partagent un engagement en faveur de la conservation, note Stein. « Cela peut donner lieu à des collaborations que vous n’auriez jamais cru possibles. »
Cette évaluation montre pourquoi il n’existe pas de déclaration générale sur les léopards. Leur statut, les menaces et le niveau de protection varient considérablement, et beaucoup de choses restent inconnues.
Pour comprendre la prévalence et la localisation d’une espèce sur deux continents, il faut des études de terrain, des cartographies et des modèles informatiques. Mais avec une aire de répartition de près de huit millions de kilomètres carrés, de vastes zones n’ont jamais été étudiées.
La réduction de l’habitat, le déclin des proies et les conflits avec les humains sont les principales menaces à la survie à long terme des léopards, ainsi que l’intensification du changement climatique et l’explosion de la population humaine.
L’ampleur et la rapidité de la perte d’habitat dans de nombreuses régions sont surprenantes.
« Nous pensons que l’aire de répartition du léopard a diminué de plus de 30 % à l’échelle mondiale au cours des trois dernières générations », écrivent les auteurs de l’évaluation. Les léopards ont perdu 11 % de leur aire de répartition confirmée au cours des huit dernières années.
L’Afrique est la plus durement touchée. « Les cultures et les villes remplacent les forêts et les savanes », explique Drouilly. L’étude indique que la population humaine va probablement doubler en Afrique subsaharienne d’ici 2050, ce qui nécessitera davantage de terres.
Mais il y a toujours des exceptions chez les léopards. En Inde, leur territoire s’est étendu et leur aire de reproduction a doublé en vingt ans dans l’Extrême-Orient russe et dans le nord-est de la Chine.
Les félins ont besoin de se déplacer pour trouver de la nourriture, de l’eau, un partenaire ou pour établir un territoire. Les incursions humaines fragmentent le paysage et isolent les populations. Ce manque de connectivité constitue une menace majeure pour les léopards d’Afrique, explique Drouilly. Sans corridors fauniques et sans afflux de nouveaux gènes provenant des populations voisines, la consanguinité compromet l’avenir de l’espèce.
C’est déjà le cas, explique Miquelle. « Les léopards de l’Amour présentent des signes de consanguinité, comme des pattes blanches et une queue raccourcie et recourbée. »
Les fermes, les ranchs et l’expansion urbaine déplacent les léopards et les mettent en danger à proximité des humains. Ils sont en voie d’extinction partout où leur aire de répartition chevauche celle des éleveurs et des bergers. La chasse commerciale au gibier décime leurs proies ; les félins affamés tuent alors le bétail et les propriétaires fonciers ripostent.
Le commerce international de peaux, dents, os et griffes de ces félins constitue également une menace importante. Selon l’évaluation de la Liste rouge, les braconniers peuvent obtenir jusqu’à 3 000 dollars (2 777,68 euros) pour une carcasse. En outre, le commerce illégal de peaux et de parties du corps utilisées dans les rituels culturels et spirituels est en augmentation en Afrique.
Mais les léopards sont confrontés à une multitude de menaces : mines, routes, troubles civils et conflits armés, exploitation forestière, voies ferrées, incendies de forêt, chasse aux trophées mal gérée, etc.
Selon Stein, les léopards sont « les survivants par excellence ». Ils sont agiles, forts, très intelligents, capables de se cacher dans l’ombre, de se nourrir de n’importe quoi et de vivre n’importe où, y compris à proximité des humains ou dans des endroits reculés. « Le fait qu’ils soient menacés en dit long sur les défis plus vastes auxquels nous sommes confrontés dans le monde. »
Le rapport souligne le fait que les léopards ont besoin d’une plus grande attention pour stopper leur déclin. Il constitue également un outil puissant pour informer et agir afin de sauver ces précieux félins.